Elena Avdija rayonne. La réalisatrice ne se défait pas de sa bonne humeur communicative malgré un agenda chargé. «Je cours un peu partout, mais c'est super, on espère que les premières du film vont bien marcher», dit-elle avec enthousiasme.
Le film, c'est Cascadeuses, un long métrage documentaire qui suit le quotidien de Virginie, Petra et Estelle, trois cascadeuses professionnelles. Entre scènes d'action, réflexion sur la violence du métier et rôle des femmes dans les coulisses du cinéma, le film lève aussi le voile sur un métier de l'ombre où la réussite d'une scène se définit par l'invisibilité de ses protagonistes. Rencontre avec sa réalisatrice.
Elena Avdija, vous courez de première en première pour présenter votre film, vous avez le temps de souffler un peu?
Oui, franchement, c'est génial, il m'a fallu dix ans pour faire ce documentaire et je suis très contente de pouvoir le montrer dans les salles, c'est une fierté.
Dix ans, c'est long, comment vous expliquez ça?
Oh oui. Je dirai que les six premières années, j'ai cherché une production et ça a été très difficile, puis ça s'est accéléré lorsque j'ai trouvé les bonnes partenaires.
C'était avant la vague Me Too et on ne parlait pas encore des femmes et du sexisme des coulisses du cinéma. Après six ans de galère à pitcher le film, une société de production nous a financés pour tourner un teaser et tout s'est enchaîné.
Pourquoi avoir choisi d'aborder le quotidien des cascadeuses?
Tout d'abord, j'ai toujours été fascinée par les coulisses du cinéma et je voulais déconstruire cette magie.
Le film suit trois femmes aux parcours très différents, Virginie, Estelle et Petra, pourquoi les avoir choisies?
Ma première idée était de faire le portrait de Virginie Arnaud, la cascadeuse française qui est devenue la première femme régleuse de cascades en Europe. Mais je voulais aussi traiter des différentes thématiques comme la représentation de la violence au cinéma, le sexisme ambiant et le rapport que les femmes ont avec leur corps. Je trouvais que ces questions étaient trop nombreuses pour se consacrer à une protagoniste. Nous sommes donc allés chercher la Suissesse Petra Sprecher qui fait carrière à Los Angeles, puis nous avons choisi Estelle Piget qui est nouvelle dans le métier.
Les parcours variés sont donc une force de votre film?
Oui, c'était important pour moi, car je voulais traiter de toutes ces thématiques. Choisir des femmes qui
ont chacune leur vision du métier, qui ont leur parcours et qui peuvent être à la croisée des chemins comme Petra qui souhaite devenir comédienne et arrêter les cascades.
Dans le film, on entend une jeune cascadeuse dire qu'elle pensait se battre, alors qu'au final, elle ne fait que «se prendre des baffes», la cascade est donc sexiste?
Cela peut être perçu comme un métier ingrat pour les femmes, car les scènes d'action comme les cascades en voiture ou autres combats impressionnants sont pratiquées par les hommes. Le film questionne aussi cela.
Cascadeuses s'adresse aussi à l'industrie du cinéma alors?
Bien sûr. Si on peut attirer l'attention des métiers du cinéma sur les rôles des actrices et indirectement cascadeuse, ça serait génial.
Ce sont eux qui décident de faire durer 20 minutes une scène de viol qui sera exécutée par une cascadeuse. Ils ont le pouvoir de ne pas banaliser les violences sexistes dans les fictions.
Vous parlez des cascadeuses avec admiration, qu'est-ce qui vous a le plus impressionné chez ces femmes?
Franchement, elles font des trucs de dingue. Elles sont fortes physiquement et psychologiquement. Elles naviguent dans un monde ultra-masculin et doivent gérer les remarques sexistes et les scènes qui peuvent parfois les mettre en danger. Je les trouve incroyablement résilientes aussi et je voulais montrer tout ça dans le film.