Société
Netflix

Madoff sur Netflix: sans ce petit génie il aurait été arrêté plus tôt

Vidéo: youtube

Docu Netflix: sans ce petit génie, Madoff aurait été arrêté plus tôt

Le «monstre de la finance» est dans toutes les mémoires et désormais sur Netflix. Bernard Madoff, l'escroc fascinant qui a ruiné des milliers d'investisseurs à hauteur de 65 milliards de dollars, est considéré dans ce documentaire comme «un tueur en série financier». Derrière le criminel sévissait notamment George Perez, un informaticien qui a permis à «Bernie» de duper le régulateur américain.
10.01.2023, 18:5510.01.2023, 20:54
Suivez-moi
Plus de «Société»

Dans chaque idée fulgurante se niche un rat de laboratoire chargé de mâcher le boulot du cerveau. C'est lui qui industrialise un concept ou le rend simplement viable. Un ingénieur brillant et indispensable, mais de ceux qui trimballent souvent le charisme d'un rack de serveurs et le courage d'un grille-pain.

Ces types alignent des codes dans une cave, traduisent des visions novatrices mais bordéliques, bricolent des trucs et astuces qui feront enfler les poches et l'ego du grand gourou. Jusqu'au jour où ils découvrent, souvent dévastés, l'ogive juridique que leur talent a enfantée.

Spotify a par exemple eu le sien: Ludvig Strigeus, le petit magicien ayant réussi à ramener à 200 millisecondes la latence au moment de cliquer sur une chanson, histoire que l'oreille humaine n'y voie que du feu.

George Perez fut un informaticien de cette trempe.

C'est lui qui a mis au point le programme permettant au «Monstre de la finance» de déjouer les premières suspicions de la Securities and exchange commission (SEC). Assisté par son collègue Jérôme O'Hara (et sans vraiment le vouloir), il a fait durer la souffrance des victimes de Bernard Madoff jusqu'en 2008.

Image
Netflix

Dans Madoff: le monstre de la finance, Netflix peut compter sur une large collection de témoignages. Une poignée d'enquêteurs de l'époque, des journalistes, des investisseurs ruinés, des agents du FBI et pas mal d'anciens collaborateurs du «tueur en série financier». George Perez ne participe pas lui-même au documentaire, mais son importance dans le système Madoff y est finement décortiquée.

Certes, la fraude reposait d'abord sur une paperasse hors norme, mais «Bernie» avait besoin d'un coup de pouce informatique pour que sa pyramide de Ponzi à 65 milliards de dollars ne s'écroule pas au premier audit.

Les bureaux de l'activité illégale de Bernard Madoff.
Les bureaux de l'activité illégale de Bernard Madoff.

De tout son mandat avec Madoff, George Perez ne quittera pas le fameux «17th floor», dans le prestigieux Lipstick Building de New York. L'antichambre clandestine du magnat du pognon dirigée par le charismatique Frank DiPascali. Sa mission? Elaborer et gérer un software permettant de reproduire à grande échelle des transactions fictives indétectables. Les milliers de clients grugés devaient rester persuadés que leur argent vivait leur meilleure vie à Wall Street.

George Perez et son avocat en 2014.
George Perez et son avocat en 2014. afp

Engagé en 1991, ce geek originaire du New Jersey n'a pas tout de suite pigé que ses compétences trempaient dans la plus retentissante escroquerie financière américaine. Et contrairement aux employés de l'officiel «19th floor», les informaticiens du bunker de DiPascali ne menaient pas la grande vie. Pour eux, pas de yacht ou de vacances tape-à-l'œil. En échange, un sentiment de malaise grandissant sous leur glotte et des journées à longer les murs.

Au début des années 2000, les deux ingénieurs Jérôme O'Hara et George Perez commencent à se poser des questions. Pour se rassurer, ils couchent leurs craintes sur papier. Un geste qui permettra à Perez d'échapper à une peine de 30 ans de prison. «J'ai peur pour mon emploi, ma famille et mon avenir. J'ai exprimé à mon chef, Frank DiPascali, ma réticence à travailler sur des projets qui me mettent mal à l'aise.»

«Les rapports que nous créons nous alarment. Et nous ignorons si nos vies sont en danger»
George Perez

Objectif: échapper au merdier de Madoff

Alors que Madoff commence à sentir l'étau qui compresse son trafic d'actions, George Perez prend les devants et empoigne son copain par la manche. Ensemble, ils élaboreront un plan d'attaque. Réalisant qu'ils sont immergés dans un bazar foutrement illégal, leur boulot se résumera désormais à s'en sortir sans la moindre égratignure. Songeant d'abord à quitter définitivement le navire, ils se ravisent. A une condition: que le patron leur accorde une petite rallonge de salaire.

Image
netflix

Pendant que «Bernie» brasse des milliards, le duo de geeks imagine alors un chantage plutôt naïf: on reste muet contre une augmentation de 60 000 dollars. Une paille pour le «tueur en série financier». Pour ne pas éveiller les soupçons, le binôme d'angoissés exige ensuite l'improbable. Leur paie devra désormais prendre la forme d'une poignée de... diamants. Alerté par l'histoire de ces bébés lanceurs d'alerte, Bernard Madoff les convie dans son bureau. Mais au lieu de cajoler ceux qui sont en mesure de le faire tomber, «il a été féroce», selon le témoignage d'une ancienne collaboratrice.

Augmentation acceptée, mais en cash et avec un coup de pied au cul:

«Maintenant, foutez le camp, allez bosser!»
Bernard Madoff

Game over

Le 12 décembre 2008, Bernard Madoff est arrêté dans ses prestigieux bureaux new-yorkais par le FBI. Dans le lot des suspects: George Perez. Avec quatre autres de ses collègues, il sera finalement condamné à deux ans et demi de prison pour avoir aidé le businessman à orchestrer le plus grand système de Ponzi de l'histoire de la finance. Une peine qui peut sembler clémente, mais en se désolidarisant de la fraude dix ans plus tôt, l'indispensable duo de geeks a sauvé ses miches.

Sans compter qu'en 2014, sept ans avant sa mort, «Bernie» s'est fendu d'un e-mail à l'avocat de la défense pour endosser la responsabilité des rapports falsifiés. Un courriel écrit depuis sa cellule. Pour l'anecdote, les autorités américaines ont dû se payer le talent d'un ingénieur de chez IBM pour parvenir à décoder la bestiole informatique créée par Perez.

Et c'est pas évident:

«Une astuce qu'ils utilisaient était de prendre les centièmes et les dixièmes chiffres du numéro de transaction, de les déplacer d'un point et de les soustraire du numéro de transaction pour en obtenir un autre, mais antérieur.»
Rich Diedrich, programmeur IBM engagé par le FBI

Le docu et le mythe

Dans cette nouvelle livraison en quatre épisodes, Netflix a réquisitionné quelques comédiens inconnus (et moyennement convaincants) pour incarner non seulement la cargaison de témoins, mais Bernard Madoff lui-même. Cette arnaque à grande échelle étant un scandale sans caméra et (quasi) sans images, il faut donc se farcir des reconstitutions maladroites qui, à mi-parcours, tapent sur les nerfs. Heureusement, la qualité et l'abondance des témoignages valent à elles seules les quatre heures devant son écran.

Bien au-delà de ce nouveau rendez-vous Netflix, l'escroc continue évidemment de fasciner. Au point d'avoir donné naissance, malgré lui, à une signature dupliquée jusqu'à l'absurde. On ne compte plus les «Bernard Madoff de la sneaker», «Madoff israélien», «Madoff de Toulouse» ou encore «petit Madoff suisse» qui pullulent dans les médias du monde entier. Aujourd'hui, il suffit de plumer une petite grappe d'investisseurs un poil naïfs pour avoir droit à son étiquette de gangster prestigieux.

Tout récemment, c'est le jeune et controversé Sam Bankman-Fried, considéré comme le «Madoff de la crypto», qui a repris le flambeau de l'affiliation.

Jusqu'au prochain?

La bande-annonce de Madoff: le monstre de la finance

Vidéo: youtube
0 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
Les gens intelligents sont-ils de gauche? «Oui! Et à droite on est pingre»
Une nouvelle étude américaine, peu utile et presque provoc', prétend «qu'être génétiquement prédisposé à être plus intelligent suscite des idées de gauche». Pour rire, on a balancé un extrait de ce travail au PLR Philippe Nantermod.

Ce mois-ci, des cerveaux américains se sont penchés sur la couleur politique de l'intelligence. Vaste sujet, n'est-ce pas? Ne vous inquiétez pas, l'article est très court et la conclusion de leur travail semble sans appel: une personne intelligente serait irrésistiblement attirée par les idées de gauche. Voilà. Mais, attention, ça ne veut pas dire qu'il suffit de se croire de gauche pour devenir intelligent. (Faut pas pousser.)

L’article