Près de 15 000 équipes jouent chaque semaine dans les différentes catégories du football suisse. De la Super League à la 5e ligue, le principe est le même: gagner des matchs. Objectifs plus ou moins remplis - un peu, beaucoup, mais aussi pas du tout.
Pour certaines équipes, rien ne fonctionne. Jusqu'à ne jamais connaître les joies (surfaites?) de la victoire et postuler au titre vaguement honorifique «de cancre du football suisse». Par amour des perdants, watson a étudié les classements des associations régionales depuis 1999/2000 et recensé les équipes les moins performantes après chaque saison. Voici la carte (en allemand mais vous n'aurez pas besoin d'un Bescherelle). Pour connaître les «heureux» lauréats, il suffit de cliquer sur les pastilles:
Dix équipes ont terminé la saison sans victoire, et une seule sans le moindre point: l'US Rue.
Le bilan de l'équipe fribourgeoise est sans égal:
Dans cette même 5e ligue, l'US Rue restait pourtant sur une saison à 25 points. Que s'est-il passé? Coordinateur technique, William Sauret explique stoïquement: «On a perdu tous nos joueurs entre le 25 et le 30 août. A quelques jours de la reprise. Une bisbille avec l'ancien entraîneur...»
William Sauret a remonté une équipe «dans l'urgence, avec des bouts de ficelle». «J'ai recruté 20 joueurs en trois jours. Ces gars sont un peu venus en copains et ont fait ce qu'ils pouvaient.» Le technicien ne leur en veut pas, bien au contraire: «Je reconnais que ça ne saute pas aux yeux mais ils ont bien progressé.»
Comment les a-t-il gardé motivés? «On a organisé des petits événements autour du football, pour qu'ils se sentent bien. L'ambiance est resté bonne. Et finalement, malgré les défaites, on a pu inscrire 18 joueurs sur la feuille à chaque match!»
William Sauret sourit: «On a attendu la dernière journée du premier tour pour marquer enfin un but, et même deux d'un coup!» Le technicien n'a pas oublié ce jour où il a perdu 7-2 le matin avec les juniors et 7-2 l'après-midi avec la 5e ligue, où il remplaçait l'entraîneur en place. Mais preuve que tout va très vite dans le football, comme disent les winners, «les juniors sont aujourd'hui champions de leur catégorie et tous les joueurs de 5e ligue qui nous avaient quittés fâchés reviennent dans l'équipe!»
William Sauret en sera l'entraîneur, tout en poursuivant ses activités au sein du club. Une surtout: «L'US Rue veut être reconnue dans la région pour l'attention qu'il porte au football féminin. Nous travaillons beaucoup dans ce secteur.»
Avec une équipe renforcée, Rue ne devrait pas menacer le record du Kurdischer FC Solothurn, double vainqueur de notre classement (2007/08 et 2008/09) avec des différences de but naufrageuses de respectivement 11-160 et 17-140. Depuis, les Kurdes de Soleure ont connu une montée en puissance irrésistible. Ils occupent la troisième place de leur groupe en 4e ligue.
Une autre équipe a touché le fond plus d'une fois: le FC Massonnens. Avec un seul point, le club fribourgeois a remporté notre classement en 2010/11, avant de faire encore «mieux» deux ans plus tard avec 22 défaites en autant de matchs. Mais depuis, Massonnens a remonté la pente: il brigue l'ascension en 4e ligue.
Sur la moyenne des 23 dernières années, la pire équipe de Suisse a marqué 0,8 buts par match et en a concédé 6,8. Avec «seulement» 5,8 buts encaissés, l'US Rue fait un cancre très honorable.
D'autant plus honorable que, contrairement à de nombreux mauvais esprits, l'équipe fribourgeoise ne s'est pas retirée lâchement du championnat, pour sauver sa dignité et/ou consacrer ses week-ends à des tâches plus gratifiantes. Cette persévérance, si elle est aussi une forme de victoire, sinon de talent, est la raison pour laquelle des milliers de gens aiment tant le football amateur - et ses bons perdants.