Elle est la mère de Kylian Mbappé, son impresario aussi. Elle est la mère de toutes les batailles, dressée entre les attaques du Qatar et les assauts de l'Arabie saoudite, seule contre les forces du mâle. Car c'est elle qui négocie, ou pas - qu'à Allah ne plaise.
Les plus machos d'entre nous auront immédiatement une pensée émue pour le PSG qui, après avoir enduré les coups du fils hargneux de Véronique Rabiot, mère de l'autre enfant prodige Adrien Rabiot, endure à présent les silences impérieux de Fayza Lamari, qui représente officiellement les intérêts de son «Kyky».
Mbappé-Rabiot, même combat. Même contexte - un contrat qui expire dans un an et que le joueur refuse de prolonger. Même chantage affectif - un Parisien qui aime le PSG ne part pas sans laisser au moins quelques millions d'indemnités. Mêmes mesures de rétorsion - la voie de garage, ou dans le jargon urbain, le loft.
Historiquement, culturellement, le Qatar ne tolère pas qu'on le quitte; encore moins par la voix d'une femme dont les menaces sont à peine voilées. «Toutes les stars du PSG qui, sous l'ère qatarie, ont tenté de forcer leur départ, de Verratti à Neymar, ont fini par capituler», rappelle Didier Roustan dans L'Equipe du soir.
Toutes les stars du PSG, sauf deux. Rabiot est parti libre (Juventus), sans laisser un sou, après six mois de placard. Mis au coin et sommé de prolonger son contrat, Mbappé ne signe pour l'instant que des autographes - par ailleurs avec un zèle douteux.
Kylian Mbappé 🇫🇷 s’est une nouvelle fois arrêté à la sortie du Campus pour saluer et signer des autographes aux supporters.pic.twitter.com/S9WMH2XAX9
— Actualité PSG FR (@ActualitePSGFR) July 24, 2023
Comme Véronique Rabiot avant elle, Fayza Lamari ne se laisse pas intimider. Elle en a vu d'autres. Elle est née à Bondy, en Seine-Saint-Denis, de parents algériens forcément modestes et stricts. On pourrait même vous raconter qu'elle a pétaradé en motocross sous l'ovation des banlieusards en liesse, en réclamant des ballons et des protège-tibias pour tous - ça va vendre, ça, coco! Mais la réalité est plus triviale: enfance joyeuse, jolie carrière de handballeuse, études en science de l’éducation - on dirait un flyer de Jordan Bardella. Même pas une petite émeute pour remplir le frigo - juste un gros fighting spirit.
Ancien président du club de hand de Bondy, Jean-Louis Kimmoun raconte au Parisien: «Sur le terrain, c’était une battante, mais aussi une sanguine. Il ne fallait pas trop la chatouiller et, avec les adversaires, ce n’était pas toujours amical. On se souvenait d’avoir croisé Fayza…» Nasser al-Khelaïfi, président du PSG, ne l'aurait pas mieux décrite.
Sur 20minutes.fr, un proche collaborateur de l'association «Inspired by km» raconte «une femme de caractère et de valeurs», particulièrement attachée à la loyauté, dont «la confiance se perd aussi vite qu’elle ne se gagne». Une femme forte, sûre de son pouvoir et de son «Kyky.» «Il faut être carré quand tu bosses avec elle. Elle met des règles, il n’y a rien qui dépasse. Tu ne la lui fais pas à l’envers. Ou alors une seule fois: après tu es rayé ! Mieux vaut ne pas être contre elle, sinon tu te prends un bon gros camion!»
Dans le milieu, elle est la mère supérieure, haute opinion de sa lignée, exigences élevées. Supérieure, parfois, jusqu'à la stature, dressée sur ses ergots de mère poule et le caquet bien ouvert.
Au temps du PSG, Véronique Rabiot était la même, toujours la première à sortir ses griffes et voler dans les plumes du Qatar. Quand le club a écarté son fils parce qu'il refusait de signer un nouveau contrat, elle a interpellé le ministre des Sports pour que «les droits d'Adrien soient respectés», mais aussi le ministre du Tavail, peut-être encore Amnesty international.
Adrien a reçu beaucoup d'attention et il en fut moqué. Quand il s'est retrouvé sous une pluie froidasse de novembre, en Bulgarie, avec l'équipe de France et sans habits chauds, quand il a dit que ce n'était pas cool, petit poussin est vite passé pour une poule mouillée. «Adrien n'est pas couvé. Ceux qui le font passer pour un fils à maman n'ont rien compris», a tonné l'intéressée.
A de nombreux égards, quitte à en manquer, Fayza Lamari et Véronique Rabiot ont simplement épousé les codes du football moderne: elles ont placé leur vision clanique, subséquemment économique, au-dessus de toute autre considération. L'intérêt supérieur, encore. Mais comment le leur reprocher?
Ce sont des mères qui couvent leur progéniture avec une fermeté que d'autres agents, parfois d'autres pères ou experts, revendiquent fièrement comme le sens des affaires. Vu autrement, ce sont des mères poules parmi les coqs, à la différence qu'elles sont ici plus tenaces (cocasses?). Ce sont des mères qui font la nique au PSG, à travers lui une monarchie puissante où les femmes n'ont obtenu le droit de vote qu'en 1999.
Question: qu'est-ce que le PSG a prévu pour la fête des Mères?