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Analyse

Elections de Genève 2023: Maudet, les cocus, la miraculée

Elections de Genève 2023: Maudet, les cocus, la miraculée
L'élection de Pierre Maudet est la bombe du second tour de l'élection du Conseil d'Etat genevois 2023.
Analyse

Maudet, la bête humaine

L'élection de Pierre Maudet est la bombe du second tour de l'élection du Conseil d'Etat genevois, dimanche 30 avril. Les enseignements en 5 points d'un scrutin un peu fou.
30.04.2023, 18:2705.05.2023, 14:09
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Le second tour de l'élection du Conseil d'Etat a parlé. La gauche rose-verte perd la majorité au profit d'une constellation de centre-droit qui voit le retour fracassant de Pierre Maudet. Le taux de participation de ce dimanche est en nette hausse (42%) par rapport à celui du premier tour, le 2 avril (37,14%).

Le petit chéri

C’est la grande nouvelle de l’élection du Conseil d’Etat genevois au terme de ce second tour: Pierre Maudet est de retour au pouvoir. Les Genevois lui ont pardonné son voyage à Abu Dhabi, assorti à l'époque d'un gros mensonge suivi d’excuses. Celui qui n’avait au fond jamais cessé d’être leur préféré, le petit chéri de ces dames, le capitaine à l’armée de ces messieurs, retrouve sa place au Conseil d’Etat, sa maison. Comme s’il n’était décemment pas possible de se priver d’une telle bête politique, parlant aux tripes comme personne.

Désaveu

Son élection est un désaveu pour les «appareils», pontes du PLR en tête, qui s’étaient débarrassés de cet indésirable – il faut dire qu’il les avait fait tourner en bourriques. Les appareils sont une chose, l’électorat en est une autre. Nombreux sans doute sont les électeurs de tradition radicale à avoir coché son nom sur le bulletin de vote.

Au passage, Pierre Maudet bat celle qui l’avait emporté contre lui lors de l’élection complémentaire au Conseil d’Etat de 2021, la Verte Fabienne Fischer, non réélue dimanche. Un prêté pour un rendu.

Les cocus

Le MCG (Mouvement des citoyens genevois) doit regretter que Mauro Poggia, l’étoffe d’un «parrain», ne se soit pas représenté après deux mandatures. Neuvième du second tour (huitième du premier), Philippe Morel, le candidat d'un parti fort en gueule, échoue pour 5000 voix, un écart significatif. L’«affaire de la greffe» révélée par Heidi.news dans l’entre-deux tours aura certainement porté préjudice au chirurgien.

Quant à l’UDC, son candidat au profil pourtant fort sympathique, Lionel Dugerdil, un viticulteur comme on les aime, se heurte une fois de plus au plafond de verre de la sociologie politique genevoise. La formation identitaire est un peu trop cassante dans le ton pour un canton profondément multiculturel. La République genevoise a certes une forte identité à défendre, mais elle estime que l’UDC n’est pas le parti qui l’incarne le mieux. Pour l’instant du moins. On verra dans cinq ans.

Vengeance!

Reste que l’UDC et le MCG, en progression au Grand Conseil, peuvent se sentir comme les cocus de l'histoire. Les lésés d'une Alliance genevoise pas du tout «un pour tous, tous pour un». Visiblement, les électeurs de cette entente n'ont pas unanimement coché les noms de Philippe Morel et Lionel Dugerdil. La vengeance ne devrait pas tarder à s’exprimer. Interrogé à chaud par la chaîne Léman Bleu, le président du MCG, François Baertschi, des accents insurrectionnels dans la voix, semblait vouloir faire la misère à ces faux frères de droite qui n’ont pas voulu des gueux.

La miraculée

Philippe Morel était donné favori face à Delphine Bachmann, neuvième du premier tour. Non seulement la centriste (ex-PDC) est élue, mais elle se classe cinquième, devant Pierre Maudet, qu’elle domine de 3000 voix. Que s’est-il passé? Comme pour les scores de Morel et Dugerdil, l’examen des bulletins de vote révélera des secrets. La candidate du Centre a-t-elle obtenu des voix à gauche, où l'on compte peut-être faire d'elle une alliée à l'occasion?

Quelques-uns, à droite, annonçaient haut et fort qu’ils ne cocheraient pas son nom, trouvant justement son parti trop à gauche sur les questions sociétales. Il est possible, cependant, qu’une forte discipline dans l’électorat PLR ait été favorable à Delphine Bachmann, la benjamine du nouveau gouvernement genevois. Comme s’il était inenvisageable que le partenaire «démocrate-chrétien», historique parti de gouvernement dans le canton de Genève, soit exclu du jeu.

Le PLR, premier, mais c’est tout

Le PLR n’est plus ce parti qui pouvait compter sur au moins trois élus au Conseil d’Etat. Il place ses deux candidates en tête du second tour, Nathalie Fontanet et Anne Hiltpold, le score de la première ayant des allures de triomphe. Le PLR est le premier parti, bien qu'en recul, au Grand Conseil. Mais les libéraux-radicaux n’ont plus l’aura qui fut longtemps la leur lorsqu’ils formaient deux familles alliées, les libéraux d’un côté, les radicaux de l’autre, les aristos et les bourgeois du peuple.

Aujourd’hui, eux comme le reste d’une alliance dont l’UDC et le MCG ne s’estiment peut-être plus à présent solidaires, sont en quelque sorte à la merci de Pierre Maudet la «bomba» au gouvernement et de son parti Libertés et Justice sociale (LJS) au parlement. Quelque chose étant cassé entre eux et le leader de LJS, le PLR devra faire preuve de finesse et de patience.

La gauche doublement minoritaire

Le président du Parti socialiste genevois, Thomas Wenger, arme d’ores et déjà le fusil du référendum, l'ami des minoritaires. Largement battue au parlement, la gauche encaisse une défaite au Conseil d’Etat – elle n’y était majoritaire que depuis 2021 et l’élection de Fabienne Fischer lors d’une complémentaire. Et comme le même Wenger a crié sur tous les toits de l’entre-deux tours que Pierre Maudet ne pouvait en aucun cas être tenu pour un homme de gauche, malgré des propositions populaires qualifiées de démagogiques, trouver un point d’accroche avec le maillon Maudet sera dans un premier temps difficile.

Des trois conseillers d’Etat issus de la gauche, Antonio Hodgers est le seul Vert. Il se fait doubler par le socialiste Thierry Apothéloz qu’il avait devancé de trois places en 2018. L’élection de Carole-Anne Kast, l’autre socialiste, septième et nouvelle venue, à l'image d'Anne Hiltpold au PLR, est, comme pour toute première fois, un exploit en soi.

Hodgers et Maudet vont devoir apprendre à s'aimer

Hodgers, qui entame son troisième mandat et qu’on dit en termes exécrables avec Maudet, doit son maintien à l’attachement que lui portent les électeurs, aurait dit Monsieur de La Palice. Mais aussi, peut-être, aux distances qu’il a prises avec le «wokisme», comme dans cette tribune parue en 2022 dans Le Temps, au profit d’une conception universaliste de la politique. Hodgers est quoi qu'il en soit un Vert atypique, qui construit beaucoup à la tête du Département de l'aménagement, son ministère jusqu'ici.

On résume: deux PLR, deux PS, un Vert, une centriste, un ex-PLR. Jouable ou pas? MMA ou partie de jass?

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