Le Conseil fédéral ne veut pas attendre. La semaine dernière, il a décidé de signer les contrats d'acquisition de l'avion de combat F-35 avec le gouvernement américain «au plus tard pour le 31 mars 2023, c'est-à-dire pendant la période de validité des offres». Et ce, malgré la récolte de signatures en cours pour l'initiative populaire «Contre le F-35» du Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA), du Parti socialiste (PS) et des Verts.
Le 9 mai dernier, lors du débat sur l'augmentation du budget de l'armée, la Conseillère fédérale et cheffe du Département fédéral de la défense Viola Amherd a déclaré:
En effet, 2023 étant une année électorale. Il n'y a donc traditionnellement pas de votation de fond au cours du deuxième semestre de l'année.
D'un point de vue juridique, le Conseil fédéral n'est donc pas en tort s'il continue les négociations d'achat. Une initiative populaire n'a pas d'effet suspensif. Pourtant, sa démarche a plus d'un défaut, notamment le fait de réduire le vote sur l'initiative anti-F-35 à un acte symbolique sans conséquence concrète.
Mais surtout, cela va à l'encontre des us et coutumes de notre démocratie directe. Viola Amherd en est consciente, raison pour laquelle, peu après le début de la guerre en Ukraine, elle a lancé un appel – plutôt impuissant – aux initiateurs, en leur demandant de retirer l'initiative populaire qui n'avait pas encore été déposée. Aujourd'hui, il y a une possibilité de résoudre le dilemme de manière élégante.
Vendredi 27 mai, le comité d'initiative a fait savoir qu'il avait réuni plus de 100 000 signatures, soit le seuil minimum nécessaire pour que le texte aboutisse. Comme l'a décalé la secrétaire du GSsA Anja Gada au Sonntagsblick, l'initiative sera déposée durant l'été.
Si le Conseil fédéral et le Parlement le souhaitent, une votation pourrait ensuite avoir lieu rapidement.
Il y a exactement 30 ans, d'ailleurs, le GSsA avait déjà récolté des signatures pour une initiative populaire visant à empêcher l'achat d'un avion de combat américain. Il s'agissait à l'époque du F/A-18. Plus de 500 000 signatures avaient été récoltées en seulement 34 jours et environ 180 000 avaient été validées. L'initiative avait été déposée le 1er juin 1992 et la votation populaire avait eu lieu le 6 juin 1993. Malheureusement, après le succès de la collecte de signatures, le GSsA déchanté: 57,2% de la population a voté contre son texte.
Si l'initiative contre le F-35 est déposée rapidement, le Conseil fédéral pourrait annoncer à la fin de l'été «qu'il recommande de rejeter l'initiative populaire sans contre-projet».
Quant au Conseil national et au Conseil des Etats, ils pourraient également traiter rapidement le projet en commission et en séance plénière, jusqu'au vote final de la session d'hiver, le 16 décembre prochain. Les majorités des deux chambres sont claires: le vote pourrait être programmé pour le 12 mars 2023. Plus rapide que d'habitude, certes, mais faisable!
Le comité a écrit dans un communiqué:
Mais l'initiative contre le F-35 est discutable. Pourquoi? Parce que le peuple a déjà accepté – de très peu – en novembre 2020 le principe d'achat d'un nouvel avion de combat. Néanmoins, le respect de la démocratie directe impose d'organiser si possible la votation populaire avant la décision définitive d'achat. Ceci permet notamment d'attendre les rapports de la Commission de gestion (CdG) et du Contrôle fédéral des finances (CDF). Ils examinent actuellement le processus d'acquisition du F-35.
La Gauche et les Verts espèrent ainsi obtenir des munitions pour «abattre» le jet américain. Mais ce n'est pas sûr qu'ils y parviennent. En effet, les chances de succès de l'initiative sont tombées à l'eau avec la guerre en Ukraine. Et si les électeurs disent «non» le 12 mars 2023, Viola Amherd pourra signer les contrats dès le lendemain, comme initialement prévu.