Alain Berset l'a dit à l'occasion de la conférence de presse du Conseil fédéral, mercredi: «Dès ce soir minuit, il n'y aura plus besoin de certificat Covid nulle part.» Joie et bonheur!
Si vous me le permettez, je profite d'user d'un phénomène sériel pour qualifier la situation: la «black mirrorisation», néologisme qui s'imprègne de cette série traitant des dérives technologiques de notre époque. La période actuelle a été, pour moi, un véritable supplice, une bulle à la Black Mirror. Sans parler des libertés entravées et tout le tintouin, ma bête noire a été plus sournoise: un simple code QR, représentant une exposition à tous (au grand jour), une perte d'anonymat dans chacune de mes soirées et sorties au restaurant.
Ce simple certif', c'était mon identité qui se dévoilait aux yeux du serveur. «Tiens, Sven, ça me rappelle un bon pote de cours qui avait un fort accent suisse-allemand», pendant que je cherchais mon porte-monnaie au fond de ma poche, pour présenter ma carte d'identité.
Outre ces réminiscences d'amitiés perdues, que dire des sempiternelles «Ah t'as 30 ans? On a le même âge. C'est cool!» Oui, c'est chouette que nous soyons nés en 1991, comme des millions de gens, mais je voulais juste mon risotto, et non ta date de naissance. Et plus les mois s'empilaient, plus la confusion régnait en mon for intérieur. Je diabolisais ce passe de misère, car cette proximité m'apparaissait comme une intrusion dans ma sphère privée.
Ce n'est pas de l'aigreur, je m'appliquais même à répondre gentiment, sourire aux lèvres. Simplement, je ne tolérais plus ce passe électronique. Cette myriade de petits clins d'œil et de commentaires inutiles me tapaient sur le système. Je n'avais plus cette sensation d'être un «inconnu» qui se glissait doucement dans un lieu, pour siroter son cappuccino. L'employé pouvait à présent mettre un nom sur mon visage, il pouvait me retrouver sur les réseaux sociaux.
Moi, parano? Si peu.
Une chose est certaine, après l'annonce de notre valeureux Conseil fédéral: c'est un retour à l'anonymat salutaire. Je ne serai plus un profil Facebook sur pattes. C'est même un soulagement de redevenir un simple corps qui boit, qui mange, qui fête.