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Harcèlement, népotisme, violence psychologique secouent l'escrime suisse

Benjamin Steffen of Switzerland, left, fights against Lucas Malcotti of Switzerland, right, during round of 32 at the Grand Prix Bern epee fencing world cup tournament in Bern, Switzerland, Saturday,  ...
Une bataille fait rage pour la direction de la Fédération suisse d’escrime (Swiss fencing). Vu de l’extérieur, c’est plutôt inquiétant.Image: KEYSTONE

L'escrime suisse, secouée par le harcèlement et la violence, a élu son patron

Ce samedi, 52 clubs suisses d’escrime ont élu un nouveau comité directeur et son président Lars Frauchiger, ex-vice-président, dans un contexte difficile: Les athlètes dénoncent du népotisme et des faits de harcèlement moral.
08.05.2021, 08:0409.05.2021, 16:52
rainer sommerhalder, simon häring / ch media
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Lars Frauchiger nouveau président
Lars Frauchiger est le nouveau président de Swiss Fencing, annonce la fédération. Ancien escrimeur de haut niveau, cet orthopédiste de 41 ans succède au Genevois Olivier Carrard, en poste depuis 17 ans. Son mandat porte jusqu'en 2024. On ne sait pas encore si la nomination de Frauchiger va calmer le petit monde de l'escrime helvétique en proie a de vives tensions. En effet, il est un des caciques du milieux puisqu'il était vice-président jusqu'alors. Toute l'affaire 👇 (jah/ats)

L’expression «croiser le fer» est inscrite dans l’ADN de ce sport traditionnel, à vocation académique. Quiconque se penche sur l'histoire martiale de l'escrime ne devrait pas être surpris par les différends qui ébranlent actuellement les élections au conseil d'administration de la fédération suisse. Les nombreux désaccords détonnent dans ce paysage habituellement tranquille.

Un conflit fait rage, depuis des mois, au sujet de l'orientation, des compétences et de la mauvaise conduite de l'actuel comité de direction. Les présidents des 52 clubs d'escrime ont du mal à suivre le flot d’e-mails précédant l'assemblée générale de samedi. Chaque commentaire est suivi d'une réponse et beaucoup de demi-vérités circulent.

Un fossé profond s’est creusé

Deux camps, apparemment irréconciliables, veulent s’emparer des sept postes du futur conseil de direction. Ils se lancent sans cesse des mises en garde face à leurs actes. Les dirigeants actuels appellent, de manière presque harcelante, à élire exclusivement les cinq personnes choisies dans leur camp.

Leurs opposants parlent d'une bataille défensive visant à empêcher l'émergence de nouveaux esprits et de nouvelles idées au sein de Swiss Fencing. Les dirigeants actuels sont accusés d’avoir amené des divisions profondes et inutiles dans la famille de l’escrime et tout ceci fait presque penser à une véritable campagne politique.

Mais comment en sont-ils arrivés là? Après 17 ans à la tête de la fédération suisse d’escrime, l'avocat et ancien escrimeur genevois, Olivier Carrard, a décidé de quitter son poste de président. Avec son beau-frère et manager du sport d'élite Gabriel Nigon, ils ont formé, pendant plus d’une dizaine d’années, un duo complémentaire à la tête de la fédération. Ils ont, entre autres, professionnalisé l'escrime, célébré de grands succès sportifs, mais ont évidemment aussi créé une certaine polarisation.

Les élections auraient déjà dû avoir lieu en mars 2020, suite aux démissions de quatre personnes du conseil d'administration. Cependant, les dirigeants les ont reportées au pied levé. L’arbitre d’escrime fribourgeois, Daniel Buchs, avait déposé sa candidature au poste de président, ainsi que la proposition d’un conseil alternatif. Face à cela, les dirigeants alors en fonction ont été soupçonnés d’avoir déplacé volontairement les élections pour empêcher un changement de direction et l’élection de ce nouveau conseil.

Seuls ceux qui font partie de la «famille» actuelle sont avantagés

Selon un avis juridique, publié par les personnes souhaitant une restructuration – appelées les «réformateurs» –, le report des élections serait illégal. Ensuite, 19 clubs ont déposé une plainte auprès du bureau du médiateur de Swiss Fencing. Quatorze clubs ont ensuite intenté une action en justice contre les violations des statuts, devant l'autorité de conciliation de Berne. Après un prétendu accord au bureau du médiateur au cours de l'été 2020, les deux camps se sont ensuite accusés mutuellement de ne pas respecter leur parole.

La bataille juridique n'est qu'un détail dans le paquet d'accusations contre la direction en fonction. Des abus dans la gestion de la fédération sont dénoncés: par exemple, le conseil d'administration ferait tout sans aucun contrôle, distribuerait des emplois au noir, aurait constamment une influence sur les domaines stratégiques et opérationnels, et favoriserait manifestement un petit cercle de personnes avec des intentions bien précises. Daniel Buchs, qui a depuis été remplacé par Christoph Gächter en tant que personne proposée par les réformateurs pour repourvoir le poste de président, déclare:

«Soit tu fais partie du cercle familial, soit pas. Ceux qui n’en font pas partie seront expulsés tôt ou tard. Et c'est exactement ce qui est arrivé»
Daniel Buchs, arbitre d’escrime fribourgeois

Allégations de harcèlement moral du côté des athlètes

De fortes accusations révèlent que la philosophie de Swiss Fencing serait basée sur le népotisme, la mise sous pression et la répression. Les deux avocats à la tête de la fédération réagiraient souvent par des discours juridiques ou des menaces face aux critiques qu’ils reçoivent. Le manque de transparence dans la distribution des subventions ainsi que l’absence de communication de la fédération d’escrime sont également très critiqués. Un témoin indépendant déclare:

«Il y a quinze ans, de nombreuses fédérations du sport suisse étaient gérées de cette manière. Mais aujourd'hui, les exigences sont différentes et se situent à un niveau bien plus élevé»
Un athlète, témoignant de manière anonyme

Les accusations les plus fortes viennent du camp des membres actifs, soit les anciens ou athlètes actuels. Ils veulent rester anonymes par crainte de représailles. Cependant, leurs déclarations, faites lors de conversations parfois fortes en émotions, semblent crédibles.

Un ancien entraîneur national est accusé d'avoir fait du chantage et exercé des pressions psychologiques sur certaines athlètes. Pendant des semaines, il ne leur aurait pas adressé un seul mot, les aurait délibérément intimidées et isolées et aurait ainsi empêché leur réussite sportive. Il n'aurait montré aucune considération pour la santé de ses «protégées». Ainsi, une génération entière d'escrimeuses aurait été sacrifiée avec le soutien conscient du conseil d'administration.

Tout est guidé vers les voies dirigeantes

Les dirigeants de la fédération d’escrime, et en particulier le président Olivier Carrard, auraient constamment modifié les critères de sélection et en auraient convaincu les entraîneurs. Quiconque se rebellait contre ces pratiques était d’office perdant. Un autre escrimeur parle de décisions de sélection éthiquement discutables, qui s'étendent jusqu'à la qualification olympique actuelle.

«On ne sélectionne pas les meilleurs escrimeurs, mais ceux qui ont les meilleures relations.» Un autre membre actif exprime son mécontentement par le fait que le conseil d'administration n'offre aucune chance de changement et d’innovation:

«Il faut élire les meilleurs candidats, peu importe qui les a présentés. Mais les dirigeants actuels tentent d'empêcher cela et optent une fois de plus pour une solution prédéterminée.»

Le deuxième homme fort de la fédération, Gabriel Nigon, a récemment envoyé un e-mail dans lequel il déclare personnellement qu'il «ne travaillera jamais dans le conseil d'administration avec les opposants.» «D'abord, parce que je ne leur fais pas confiance et aussi, parce que je ne veux pas que l'association aille tout droit dans le mur.»

Le vice-président se défend contre les accusations

Le nouveau président et ancien vice-président, Lars Frauchiger, considère que les accusations envers le comité actuel sont sans fondement. Selon lui, les deux dirigeants, Carrard et Nigon, ont toujours fait au mieux pour ce sport, avec leurs connaissances et leurs convictions, et n'ont certainement jamais caché quoi que ce soit.

Mais le médecin bernois fait aussi son autocritique: «L’escrime populaire ne figurait pas en tête de liste de nos priorités. Nous devons faire un effort à l'avenir. La communication pourrait également être améliorée». En ce qui concerne les critiques à propos des sélections des élites, Frauchiger déclare:

«Les sélections sont toujours délicates. Nous avons établi des critères clairs et les avons respectés en permanence. Les succès de ces dernières années nous donnent raison.»

Lars Frauchiger s'étonne de l'abondance des critiques, ainsi que de l'intérêt soudain pour les postes du conseil d'administration, alors que pratiquement aucune demande n'avait été formulée ces dernières années et que les gens avaient souvent montré peu d'intérêt à participer aux décisions.

L’adversaire de Lars Frauchiger, Christoph Gächter, n'était pas seulement candidat à la présidence à l’élection de samedi. Il accepte tout défi dans ce domaine. Le «réformateur» Gächter s’oppose à l’affirmation douteuse du président sortant, Olivier Carrard, selon laquelle les deux groupes n’ont aucune intention de travailler ensemble. Christoph Gätcher se considère comme celui qui pourra bâtir un pont entre les deux camps. Les valeurs éthiques et une gestion correcte sont les pierres angulaires de son travail. Il veut notamment défendre les régions et les clubs de Suisse qui ne sont pas à l'épicentre de l'escrime. Les clubs indépendants lui offrent probablement les plus grandes chances électorales.

D'une manière ou d'une autre, les nouveaux membres guideront bientôt les destinées du conseil. Ils devront prouver qu'ils peuvent apporter une bouffée d'air frais et ramener la sérénité. Au vu des mois passés, ils font probablement face à une tâche herculéenne.

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