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Comment un squat a déclenché une crise politique au Tessin

Comment un squat a déclenché une crise politique au Tessin

Ein Polizist steht neben dem abgressinen Autonomen Zentrum Molino (CSOA) in Lugano, am Sonntag, 30. Mai 2021. Die Raeumung und der Abriss erfolgten im Auftrag der Stadtverwaltung, wie die Tessiner Pol ...
Image: sda
La démolition d'un centre culturel autogéré à Lugano a provoqué une crise politique majeure. La tension monte et une manifestation prévue ce samedi pourrait précipiter les choses.
04.06.2021, 06:0312.08.2021, 17:22
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Dans la nuit de samedi à dimanche, sous les regards étonnés et impuissants des manifestants accourus sur place, les bulldozers entrent en action dans le coeur de Lugano. Une partie d'un gros complexe d'immeubles est démolie. C'est la fin du CSOA Molino, un squat au centre d'un litige qui dure depuis près de 20 ans.

Sa démolition, totalement imprévue, a déclenché une crise politique majeure qui, une semaine après les faits, ne faiblit pas. Comment en est-on arrivé là? On rembobine.

Vingt ans d'autogestion

Les autogérés squattent le Molino depuis 2002. Après avoir occupé deux autres bâtiments, la municipalité de Lugano leur offre les locaux de l'ancien abattoir communal, alors abandonné, un bâtiment datant du 19e siècle.

La situation est censée être une solution temporaire. Elle s'éternise. Entre-temps, le Molino devient un pôle de la culture alternative cantonale: Des concerts, des conférences et des activités y sont organisés régulièrement. Malgré les protestations d'une partie de la population et des autorités, une certaine coexistence se met en place.

Tout change en 2019

Au fil du temps, la valeur du terrain, situé en centre ville, augmente considérablement. En 2019, le conseil communal approuve un projet de requalification de la zone. Les occupants sont priés de partir. Des pourparlers sont lancés par la municipalité pour trouver un endroit alternatif. Le dialogue est difficile, et les autogérés boudent les négociations.

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Une longue histoire... manifestation en faveur des autogérés à Chiasso, 2000.Image: KEYSTONE

L'irruption de la pandémie immobilise les choses. Au printemps 2021, pour la première fois, les autorités évoquent l'hypothèse d'une intervention policière.

Evacuation et démolition

Les choses se précipitent samedi 29 mai. Pendant la journée, une manifestation, en faveur des autogérés, réunit une centaine de participants dans les rues de Lugano. Après un défilé pacifique, certains manifestants occupent un bâtiment abandonné, situé non loin du squat, et y affichent des banderoles.

Cette action, qui se veut avant tout symbolique, déclenche la réaction rapide et musclée des forces de l'ordre. Les agents, dont une centaine de policiers anti-émeute, encerclent le Molino. Les occupants ont dix minutes pour sortir des locaux de l'ancien abattoir, qui est démoli dans la foulée.

Interrogé par la RSI pendant la nuit, le syndic de Lugano Marco Borradori (Ligue) assure que l'action de la police n'a pas été planifiée. L'évacuation et la démolition du squat ont été décidées «en quelques minutes», suite à l'occupation du bâtiment par les manifestants, explique-t-il.

Polémiques et révélations

Mais la polémique enfle. Si l'évacuation n'est généralement pas critiquée, la démolition soudaine et inattendue du squat interroge.

Les prises de position se succèdent. Boas Erez, le recteur de l'Université de la Suisse italienne (USI), parle «d'un acte de violence qui masque l'échec du dialogue entre les parties».

Deux jours après les faits, la section tessinoise des Verts dépose une plainte: la démolition pourrait avoir enfreint les règles de construction et la loi sur la protection de l'environnement. Selon les écologistes, la municipalité n'a pas demandé un permis de construire spécifique, nécessaire lorsqu'on décide de raser un ancien bâtiment.

Suite à la plainte des écologistes, le Ministère public tessinois ouvre une procédure pénale, qui pourrait être étendue au délit d'abus d'autorité.

Mais le véritable coup de théâtre survient mercredi: Le syndicat Unia affirme que l'une des trois entreprises, ayant effectué la démolition, a reçu l'ordre d'intervention à 17h50. Bien avant l'occupation du bâtiment de la part des manifestants. Vigoureusement démenties par la police luganaise, ces accusations contredisent la version des autorités. Si elles étaient confirmées, cela voudrait dire que la municipalité aurait menti à la population.

Crise politique

L'affaire prend vite une dimension politique. Lundi soir, quelque 300 personnes manifestent devant le domicile de Marco Borradori pour protester contre la démolition. Le lendemain, les parlementaires de la Ligue quittent la séance du Grand Conseil, coupable à leurs yeux de ne pas avoir condamné «l'assaut» à la villa du syndic.

Les députés de l'extrême gauche (Pop et MPS) demandent la création d'une commission d'enquête parlementaire.

Le président du gouvernement cantonal, Emanuele Bertoli, s'est également exprimé sur l'affaire. Le conseiller d'Etat se dit «inquiet» par la tournure des faits. «Le gouvernement avait signalé à la ville de Lugano les problèmes d'une évacuation du squat. Il a donc déjà fait sa part, mais n'a pas été écouté», a-t-il notamment affirmé.

Ce samedi, les autogérés ont appelé à une nouvelle manifestation. Les événements pourraient dégénérer, mais une chose est déjà certaine: la tension est à son comble.

L'évacuation et la démolition du Molino, à Lugano

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L'évacuation et la démolition du Molino, à Lugano
Manifestants pacifiques et policiers anti-émeute.
source: keystone/ti-press / samuel golay
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