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«Neutralité coopérative» de Cassis: la neutralité suisse a évolué

Ignazio Cassis
Image: Keystone
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«Neutralité coopérative» de Cassis: comment la neutralité suisse a évolué

Le président de la Confédération a proposé un nouveau terme au Forum économique mondial de Davos. Est-il également synonyme de nouveau contenu? Une petite clarification de la notion de neutralité suisse.
28.05.2022, 16:5930.05.2022, 06:52
Kari Kälin / ch media
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Samedi, la NZZ a publié un article sur la situation actuelle de la neutralité. La phrase clé: «Alors qu'en Suisse, on continue à débattre des nouvelles formes de neutralité, celle-ci n'est plus reconnaissable en tant que telle depuis longtemps pour le reste du monde.» Le président américain Joe Biden l’a souligné: «Même la Suisse» est cette fois-ci du côté d'un belligérant. Notre pays a en effet adopté les sanctions contre la Russie.

Dans l'esprit des étrangers, la Suisse a peut-être enterré la neutralité. Mais ce n’est pas le cas. L'interprétation correcte de celle-ci n'est toutefois pas très claire. Lundi, à l’occasion du Forum économique mondial (FEM), le président de la Confédération et ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis a écrit un nouveau chapitre à ce sujet en créant le nouveau terme de «neutralité coopérative».

On se demande donc: la Suisse pratiquait-elle auparavant une neutralité «non coopérative»?

La réponse est non. Actuellement, notre pays a sept mandats de puissance protectrice et représente par exemple les intérêts de la Russie en Géorgie et vice-versa. Micheline Calmy-Rey répondrait également par la négative. La prédécesseure de Cassis au département des affaires étrangères parlait quant à elle de «neutralité active». Il est donc grand temps de rédiger un petit lexique pour comprendre le cœur de la politique étrangère de la Suisse, qui est aussi identitaire que le Cervin, le Toblerone ou le car postal.

Neutralité coopérative

S'agit-il simplement d'un nouveau mot pour quelque chose qui existait déjà? Ou la Suisse s'engage-t-elle sous Cassis sur un nouveau terrain en matière de politique de neutralité? Ecoutons tout d'abord quelle signification le conseiller fédéral tessinois donne à cette notion. Il n'y a en principe pas de position neutre face à la violation brutale des valeurs fondamentales. Car la passivité reviendrait à tolérer la violation du droit et pourrait servir l'agresseur.

Oui, c'est vrai. Une attitude neutre de «nous ne nous positionnons pas» serait mal venue pour la Suisse face à l'invasion russe. La politique de neutralité n'est pas la même chose que le droit de la neutralité. La Suisse peut ainsi condamner la Russie sans enfreindre le droit. C'est pourquoi Cassis peut dire que la Suisse s'en tient à la neutralité ou, plutôt, à la «neutralité coopérative».

Le Président de la Confédération déclare aux médias lors du FEM:

«Nous ne pouvons pas rester les bras croisés alors que le droit international est bafoué»
Ignazio Cassis

La Suisse a toujours cultivé la coopération, peut-être avec une intensité différente, a-t-il ajouté. «Cette fois-ci, la violation du droit international a été si massive que la coopération est également devenue plus importante. C'est ainsi que le terme est né», a poursuivi Cassis. La Suisse se considère comme faisant partie d'une communauté de valeurs fondamentales. Elle est coopérative parce qu'elle s'engage en faveur d'une stabilité fondée sur des règles, qui ne peut se développer que de manière multilatérale.

Neutralité active

Micheline Calmy-Rey est l'avocate de la «neutralité active». Elle a expliqué ce que cela signifie dans une interview accordée à swissinfo.ch: «La Suisse est du côté du droit international, elle ne se place pas d'un côté ou de l'autre d'un conflit, mais du côté du droit. Il convient bien sûr de s'exprimer et de condamner les violations du droit international». Elle ajoute:

«Rester immobile et se taire ne suffit pas»
Micheline Calmy-Rey

Interrogé sur le fait de savoir si la neutralité active allait trop loin pour lui, Cassis a déclaré: «L'un des termes n'exclut pas l'autre». La Suisse est très active, avec l'aide humanitaire et sur le plan diplomatique, a-t-il ajouté. Mais quelle est donc la différence entre la neutralité coopérative et la neutralité active?

Plus tard dans l'après-midi, le service de communication du département des affaires étrangères a envoyé un semblant d'explication. En bref: la neutralité active place la Suisse au centre. Le terme n'a pas été créé à une époque de polarisation menaçante, de conflits et de guerre en Europe. Le sujet de l'activité est soi-même, sa raison d’être est la visibilité. La neutralité coopérative, en revanche, met l'accent sur ce qui est commun, sur le multilatéralisme et sur le rassemblement de communautés de valeurs. Le sujet de la coopération est un objectif commun et sa raison d’être est la force de frappe accrue.

Micheline Calmy-Rey
Micheline Calmy-ReyImage: Keystone

Neutralité juridique

En substance, le droit de la neutralité stipule que les Etats neutres ne peuvent pas soutenir des Etats en guerre en leur fournissant des armes et des troupes. C'est le principe fondamental immuable de la neutralité et cela signifie que livrer des armes suisses à l'Ukraine serait une violation de la neutralité.

Neutralité flexible

Le droit de la neutralité est rigide, alors que la politique de neutralité permet la flexibilité: il n'y a pas d'obligation d'avoir un esprit neutre. Il n'y a donc pas de violation du droit lorsque le Conseil fédéral condamne la guerre de la Russie contre l'Ukraine. La Suisse a toujours adapté la neutralité aux constellations internationales. Ainsi, pendant la guerre froide, elle s'est clairement positionnée du côté de l'Occident. En 1990, elle a repris les sanctions de l'Organisation des Nations unies (ONU) contre l'Irak.

Dans les amphithéâtres des universités, des professeurs ont qualifié cela de neutralité flexible, car la Suisse a repris des sanctions économiques et n'a pas fait du commerce dans le cadre habituel comme auparavant, lorsque la Suisse a interprété la neutralité de manière dite intégrale.

Neutralité intégrale

Avant la Première Guerre mondiale, pendant et après la Seconde, la Suisse pratiquait la neutralité intégrale, c'est-à-dire qu'elle se tenait à l'écart des sanctions économiques. Même après la Seconde Guerre mondiale, le Conseil fédéral a longtemps défini la neutralité de manière très étroite et a renoncé dans un premier temps à adhérer à des organisations internationales comme le Conseil de l'Europe. La neutralité a également été la principale raison pour laquelle le peuple a clairement rejeté l'adhésion à l'ONU en 1986.

Neutralité différentielle

Après la Première Guerre mondiale, la Suisse a adhéré à la Société des Nations (SDN). Elle ne devait pas participer aux actions militaires de l'organisation, mais aux sanctions économiques. C'est ce qu'on appelait la neutralité différentielle. En 1938, après avoir subi une énorme pression de la part du fasciste Mussolini, la Suisse est revenue à la neutralité intégrale. Dans les faits, la neutralité différentielle ne se distingue guère de la neutralité active ou coopérative. (aargauerzeitung.ch)

Traduit et adapté de l'allemand par Tanja Maeder

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