On aurait pu penser qu'une fois la nouvelle année entamée, l'affaire de «l'orgie de la blogueuse Nastya Ivleeva» allait s'éteindre au même rythme que les décorations de Noël. Il n'en est rien. Aux dernières nouvelles, publiée par plusieurs médias indépendants russes, cette polémique a pris une ampleur militaire.
Vous ne voyez pas de quoi on parle? Petit rafraîchissement d'usage.
Fin décembre, les officiels russes découvraient l'existence d'une fête décadente, dans un club de Moscou. Anastasia Ivleeva, une party-girl aussi mondaine qu'influente, avait invité tout le gratin moscovite en banlieue de la capitale, pour y festoyer sans pudeur. La règle était simple: «almost naked». Non seulement les convives ont obéi au dress code, mais ils se sont pressés en nombre au Mutabor. Parmi le vivier de VIP, la filleule autoproclamée de Vladimir Poutine, Ksenia Sobchak, qui regrettera encore longtemps d'avoir voulu s'effeuiller aux côtés d'Anastasia Ivleeva.
Accusée de promouvoir l'homosexualité et les mouvements LGBT, la fête a fâché les députés ultraconservateurs et le Kremlin en stéréo et ce, avant même que tout ce petit monde ne rentre au bercail. En cause, des vidéos et des photos osées qui se sont retrouvées dans les tuyaux du réseau Telegram dans la nuit du 20 au 21 décembre. Résultat, une enquête a été ouverte, le club a dû fermer ses portes, les personnalités du showbiz ont été privées de leur concert du Nouvel An et l'instigatrice a perdu une bonne partie de ses sponsors.
Une semaine plus tard, juste avant les embrassades sous le gui, on apprenait que la célèbre blogueuse russe risquait de se retrouver condamnée à payer plus d'un million de dollars d'amende. Un pactole qui pourrait servir à financer, d'une manière ou d'une autre, l'agression de l'Ukraine menée par le maître du Kremlin.
Mais le plus à plaindre s'appelle Nikolai Vasiliev. Sous le pseudonyme Vacio, ce jeune Moscovite est un rappeur extrêmement populaire en Russie. Durant la sauterie de Nastya, il s'est affiché «almost naked», avec une simple chaussette blanche Balenciaga sur le pénis. Son crime?
En Russie, ça suffit pour ne plus voir la lumière du jour pendant deux bonnes semaines.
Malgré de plates excuses, dans lesquelles Vacio a clamé qu'il «s'intéresse qu'aux filles», qu'il «respecte les lois de la Fédération de Russie» et qu'en tant que musicien, il n'est pas «responsable de l'orientation sexuelle des participants», il restera emprisonné jusqu'à la fin de l'année 2023.
Et alors, quoi? Nikolai Vasiliev a-t-il pu regagner ses pénates, histoire d'entamer la nouvelle année loin des turbulences, mais à proximité de son dressing? Que nenni. Le rappeur semble au contraire se trouver dans une mouise totalement disproportionnée. Après quinze premiers jours en isolement, durant lesquels il dit avoir néanmoins pu «travailler sur de nouveaux morceaux», Vacio a été catapulté dans un bureau d'enregistrement et de recrutement militaire.
Non sans peine, puisqu'au moment de se faire transférer, le 6 janvier, il aurait résisté aux forces de police, au point de se voir condamner dans la foulée, pour «petit hooliganisme», à... «dix jours supplémentaires de prison».
Depuis ce rendez-vous au bureau de recrutement militaire, les spéculations vont bon train. Il se dit que les députés pro-Poutine tentent de faire du rappeur Vacio un exemple, au point de tout faire pour l'envoyer combattre contre l'Ukraine. Pour rappel, la fête de Nastya Ivleeva a été critiquée jusque dans les rangs de l'armée russe, froissée par l'idée que l'élite du pays se la coule douce à grandes gorgées de champagne, alors que les soldats «défendent l'honneur de la nation sur le front de guerre».
Si Vacio a été précédemment exempt de service militaire pour des raisons de santé, il n'est pas encore certain de pouvoir échapper au treillis, puisque depuis la fête, sa libération n'a jamais été rendue possible par les autorités russes. De quoi redouter, dans le clan des opposants à Poutine, une manipulation (au minimum) politique. A noter que le rappeur sera une nouvelle fois convoqué par les instances militaires, à Moscou, mardi 9 janvier, selon le média Meduza.