Le centre de Justice indépendant Brennen a récemment annoncé que plus de 250 nouveaux projets de loi sur le droit de vote ont été proposés dans 43 états différents. Maintenant que le projet d’aide au Corona a franchi les derniers obstacles et que les chèques ont été envoyés, les «Voting Rights» ont pris la place de numéro 1 des sujets politiques. Mais de quoi s’agit-il exactement?
Lors des dernières élections, les républicains ont non seulement perdu leur pouvoir à la Maison Blanche, mais ils ont aussi dû accepter leur nouvelle situation minoritaire dans la Chambre des représentants et au Sénat. Bien que cette défaite se soit avérée très légère, elle a tout de même fait très mal.
Le «Big Lie» de Donald Trump – le mensonge qui prétend que les élections ont été truquées par les démocrates – continue de persuader la majorité des républicains. A présent, le Grand Old Party (GOP) veut agir dans la mesure de s’assurer que cela ne leur arrivera pas une deuxième fois.
Agir, selon les républicains, c’est mettre en place un projet qui rendrait le droit de vote des Noirs beaucoup plus contraignant. En effet, leurs votes sont comme une assurance-vie pour les démocrates. Aux dernières élections, seulement 10% de la population noire a voté pour Trump. Le GOP pourrait se révéler être très vicieux en mettant en place des astuces qui empêcheraient les Noirs de voter.
Ces astuces fonctionneraient mieux sur les plus pauvres, c’est-à-dire en majorité sur les Noirs. «Être pauvre prend beaucoup de temps», note Charles Blow, chroniqueur au New York Times. «Les choses que les personnes aisées considèrent comme allant de soi – faire les courses, par exemple, ou prendre un rendez-vous chez le médecin – demandent beaucoup de temps et d'énergie quand on est pauvre. Restreindre la capacité de vote signifierait que les personnes les plus démunies seraient en majorité concernées». Réduire cette capacité est exactement l’objectif de la plupart des lois que les républicains veulent faire passer dans les législatures des États «rouges», c’est-à-dire où ils sont majoritaires à la Chambre.
En Géorgie, l’exemple de «souls to the polls» (des âmes aux urnes) est typique. A l’aide de nouvelles lois, les républicains veulent interdire le vote le dimanche. Les Noirs, se trouvant en situation de précarité seront les plus touchés. En effet, lors de périodes électorales, un service de bus est organisé par les paroisses dans le but de les emmener aux bureaux de vote après la messe du dimanche.
Si ce service est supprimé, ils devront aller voter le jour officiel – toujours un mardi de novembre et donc un jour ouvrable – et attendre de longues heures, souvent dans le froid et sous la pluie. Le but de cette loi, disons perverse, serait également d’interdire la distribution de collations et d’eau aux électeurs qui attendent.
Non seulement le vote anticipé devrait être restreint, mais aussi le vote par correspondance. De plus, des mesures de contrainte seront peut-être introduites, comme la présentation d'une carte d'identité, que de nombreux Noirs, en situation précaire ne possèdent même pas. Ou par exemple, introduire une correspondance supplémentaire des signatures.
Le fait que la Géorgie soit en tête de ce jeu diabolique n'est pas un hasard. Jusqu'à présent, cet État a toujours été «rouge». Cependant, lors de la dernière élection, Joe Biden a battu Trump, et les deux sièges du Sénat appartiennent à présent aux démocrates.
Le GOP a en fait reçu la monnaie de sa pièce concernant son comportement lors des primaires de 2018. Avec l’oppression à l’encontre des voix noires, le gouverneur Brian Kemp avait pu battre de justesse son adversaire, la démocrate Stacey Abrams.
Mais attention, Stacey Abrams n’est pas une femme qui se laisse faire. Suite à cette oppression, la démocrate avait organisé un mouvement de contestation, un réseau de militants qui avait pour but de démontrer aux yeux de tous, les pratiques malsaines des républicains et leur pire défaite morale de mémoire d’homme. La tentative du GOP d'éloigner les Noirs des urnes a une longue et triste tradition. Après la guerre civile, l'esclavage a non seulement été interdit, mais les Noirs ont également obtenu le droit de vote. Mais ce droit leur a été immédiatement retiré, surtout dans les États du Sud, avec les lois dites Jim Crow.
Par conséquent, ces lois ont fait des États-Unis un état d’Apartheid. Les Noirs étaient privés du droit de vote, mais ils devaient aussi s'asseoir sur des sièges à part dans les transports publics, n'étaient pas autorisés à utiliser les toilettes des Blancs et devaient envoyer leurs enfants dans des écoles séparées.
Il a fallu attendre Martin Luther King et le mouvement des droits civiques dans les années 1960 pour renverser cet Apartheid de facto. En 1965, le président Lyndon Johnson signe le Voting Rights Act, une loi qui rend aux Noirs leur droit de vote sans restriction.
Cependant, un arrêt de la Cour Suprême de 2013 a partiellement affaibli ce droit. La jurisprudence a renforcé les droits individuels des États face à Washington. Cela a permis aux républicains de reprendre leur guerre d’usure contre le droit de vote des Noirs dans les États qu’ils contrôlent. Quant aux démocrates, ils veulent éviter ce scénario à tout prix. La Chambre des représentants a déjà adopté un projet de loi qui restreint l'autonomie des États et renforce le droit de vote. Un deuxième projet de loi devrait suivre prochainement.
Nancy Pelosi et Chuck Schumer, les deux leaders de la majorité au Congrès, sont déterminés à faire passer ce projet de loi par la Chambre. Pour Pelosi, «c’est un tout» et pour Schumer, «l'échec n'est pas une option». Afin d’éviter l'échec, Schumer doit d'abord résoudre le problème du «filibuster». Ce dernier correspond à une obstruction parlementaire, qui exige qu'un projet de loi ne puisse être adopté au Sénat qu'avec 60 voix. Actuellement, les républicains et les démocrates disposent chacun de 50 voix. Cependant, le problème pourrait être résolu par la vice-présidente démocrate Kamala Harris.
Il est très peu probable que l'un ou l'autre des partis obtienne une majorité de 60 voix dans un avenir proche. Il est encore moins probable que 10 républicains votent avec les démocrates. Le chef de la minorité, Mitch McConnell, a également fait savoir qu'il avait l'intention de défendre le filibuster. Les démocrates doivent donc trouver un moyen de contourner le filibuster et les prédictions ne sont pas mauvaises. Le président Biden – longtemps partisan de cette procédure – se dit désormais favorable à ce que les règles soient modifiées. Joe Manchin, un sénateur démocrate réfléchi et également défenseur du filibuster, a laissé entendre qu'il était ouvert à la discussion.
L'attaque éhontée des républicains contre le droit de vote des Noirs renforce la pression en faveur de la réforme, voire de l'abolition, du filibuster. Les contradictions deviennent tout simplement trop évidentes. Comment les républicains peuvent-ils se battre au nom de la minorité pour restreindre les droits de ces mêmes minorités?
Cet article a été traduit de l'allemand. Cliquez ICI pour accéder à l'article original.