Mobbing, conditions de travail inquiétantes et menaces de mort, ce mardi, 20 Minutes dévoile les graves dysfonctionnements qui secouent la fondation Bartimée à Grandson (VD). Spécialisé dans la lutte contre les addictions, l'institut accueille également des personnes souffrant de troubles mentaux et ayant été condamnées par la Justice pour des crimes ou des délits. La personnalité du directeur «aussi génial que maléfique» est notamment pointée du doigt par les nombreux témoignages d'anciens employés.
Le Canton de Vaud, qui participe au financement de la fondation, a confirmé à 20 Minutes qu'une procédure était en cours. Les faits auraient pourtant déjà été dénoncés en 2016, sans résultat. Si cette affaire a finalement éclaté au grand jour et qu'une enquête officielle a été lancée, c'est en grande partie grâce à l'acharnement d'Estelle*, une ex-employée de l'institution. watson a pu la rencontrer.
À l'été 2020, en compagnie d'une collègue, la jeune vaudoise a tenté d'alerter une première fois le canton des dysfonctionnements de l'institution. Malgré une réponse du service compétent, la situation n'a pas évolué. Enervée mais pas surprise par le manque de réaction des autorités, Estelle a persévéré ce printemps en alertant un autre service et en menaçant de parler à la presse si rien n'était fait. Elle explique:
La jeune femme a travaillé durant plusieurs années au sein de la fondation Bartimée en parallèle de ses études. Au début, cela ne devait être qu'un petit job de veilleur, payé 130 francs par nuit. Mais l'institution est très vite devenue omniprésente dans son quotidien. «J'y pensais 24 heures sur 24, c'était un stress permanent. À chaque fois, j'avais la boule au ventre plusieurs jours avant de devoir y aller», confie-t-elle.
Tout comme ses anciens collègues interrogés par 20 Minutes, Estelle décrit le mobbing dont elle a été la cible de la part de certains de ses responsables, notamment du directeur, ultra-colérique. «C'était un climat de peur total et la hiérarchie minimisait toujours ce qu'on avait vécu.»
La jeune femme raconte également avoir souffert des problèmes d'effectifs, de la désorganisation et du manque d'encadrement régnant au sein de l'institution. Des maux qui se répercutent inévitablement sur les conditions de travail et la sécurité des employés mais aussi sur le bien-être des résidents.
Alors qu'elle n'a aucune formation dans le domaine de l'addiction, Estelle se retrouve à gérer des situations qui la dépassent. Par exemple, elle doit assurer l'accueil et la surveillance médicale de résidents censés être abstinents qui ont consommé des stupéfiants et qui refusent de lui dire lesquels.
Elle doit également administrer de la méthadone, un substitut aux opiacés qui peut s'avérer très dangereux en cas de mauvais dosage. Et si elle est en mesure d'assurer cette tâche, car elle a travaillé dans le domaine médical par le passé, Estelle affirme que ce n'est pas le cas de certains de ses ex-collègues qui ont une formation insuffisante, voire aucune.
Estelle explique aussi que l'un des résidents intimidait régulièrement les employés, physiquement ou verbalement, allant parfois jusqu'aux menaces de mort. «On peut aussi parler d'harcèlement sexuel, il avait des gestes ou des propos déplacés envers les femmes», ajoute-t-elle. Bien que rapportées à sa hiérarchie, ces attitudes n'étaient jamais sanctionnées d'après elle.
Poussée à bout par son travail, Estelle assure être passé à deux doigts du burn-out et avoir failli rater ses études à cause de cela. Pour se remettre sur pied, la jeune femme a pu compter sur l'aide d'une psychologue . «C'est elle qui a identifié que si ça n'allait pas dans ma vie, c'était à cause de ce qu'il se passait là-bas. Elle était vraiment choquée et ça m'a permis de réaliser que ce n'était pas moi qui n'avais pas les épaules, c'était juste que c'était humainement impossible de supporter ça.»
Aujourd'hui, la jeune femme poursuit ses études et a trouvé un nouveau petit job, dans le même domaine: «Le fonctionnement est totalement différent, c'est vraiment sain.» Elle confie que le but de sa démarche n'était pas de dénoncer des personnes mais bien le système, dans son ensemble, qui dysfonctionne à ses yeux.
Au-delà des résultats de l'enquête menée par le canton de Vaud à l'encontre de la fondation Bartimée, Estelle espère donc des changements plus globaux dans la prise en charge des personnes souffrant d'addictions et des individus condamnés, bénéficiant de mesures thérapeutiques. «Il faut davantage de personnel formé, un meilleur encadrement et surtout des contrôles. Mais des contrôles qui ne soient pas annoncés à l'avance...»