Neil Gaiman, le prolifique auteur britannique derrière American Gods, Good Omens ou encore Coraline, adapte enfin son comics. Edité par DC Comics, Sandman a vu le jour en 1988 et a grandi jusqu'en 1996. Désormais sous forme de série, pilotée par les studios Warner et exploitée par Netflix, l'épopée de Morphée, le marchand de sable, le grand manitou des rêves est en mauvaise posture: emprisonné durant 100 ans dans une bulle de verre par un charlatan adepte de magie noire (interprété par Charlie Day), son royaume s'est effrité et a piqué du nez.
Sandman nous catapulte dans un monde imaginaire, dans une folle percée entre les enfers, ses démons et ses damnés, et jusqu'à Lucifer. Des passages entre le monde éveillé, le monde réel pour nous, petits êtres humains misérables, jusqu'au royaume des rêves et des cauchemars. Outre ces décors et ces différents mondes, le ténébreux Morphée (Tom Sturridge) est à la recherche de trois objets magiques qui lui permettront de retrouver son pouvoir.
Pour épauler Neil Gaiman, les scénaristes David S. Goyer (The Dark Knight, Man of Steel) et Allan Heiberg. Ils ont fait des comics une œuvre qui n'emprunte pas le vertige apprécié des lecteurs de la première heure, mais sont restés fidèles au matériau de base.
En regardant le premier épisode, c'est un aller dans une forêt de rêves. La plongée dans le Royaume des Rêves est belle et poétique, elle brosse des visuels sublimes. Un décollage agréable pour un voyage de dix chapitres.
Sandman empile les épisodes sur un bon rythme, nous offre une réflexion existentielle intéressante, cherchant à poser des questions sur l'identité, l'honnêteté, la mort, la barrière entre le réel et l'irréel. Un joli condensé qui se greffe à l'odyssée furieuse du Maître des Rêves. Son chemin de croix pour retrouver ses objets est ponctué de rencontres mystiques et humaines.
L'une des réussites du scénario, le personnage de Sandman qui permet à l'histoire de nous faire visiter les songes de chacun. Le marchand de sable laconique se promène et s'interroge (même lui) sur son véritable rôle auprès de la race humaine.
Tom Sturridge parvient à conduire efficacement la mécanique des rêves, avec ses cheveux en bataille et ses yeux humides. A l'instar de son regard, il montre une réelle profondeur pour camper son personnage. Face à lui, Boyd Holbrook, dans la peau du Corinthien, est un antagoniste intéressant, charismatique et instaurant (tout en retenue) une menace perpétuelle. Débarquant avec un train de retard, David Thewlis, sous les traits du délirant John Dee, se greffe parfaitement au duo et assoit la qualité du casting présent.
Mais tout n'est pas parfait. Le gros défaut du show se niche dans cette manie à toujours sur-expliquer les faits et gestes, rendant le rythme balbutiant. D'autres failles aussi se ressentent, liées à l'absence de macabre. Sandman reste un programme adulte, mais il semble que l'action (violente) soit atténuée pour attirer un large public.
Malgré les couacs, il faut bien avouer que le spectacle vaut son pesant de cacahuètes grâce à son ambition, son empreinte émotionnelle. Il y a à redire sur la qualité esthétique d'un Royaume des rêves ou des cauchemars manquant un poil de créativité, mais le casting et le savoir-faire de Goyer, pilotent une série qui, à l'image de son héros, vous susurre une élégie sur la condition humaine et sa quête parfois rêveuse, parfois cauchemardesque.
«Sandman» est disponible depuis le 5 août sur Netflix.