Premier candidat suisse dans l'histoire de Top Chef, le Fribourgeois Pierre-Pascal Clément, enfant du village de Lussy nous raconte son parcours et lève (un peu) le voile sur les sélections.
Depuis l'annonce de votre participation à l'émission Top Chef, on vous voit partout dans les journaux romands, mais surtout fribourgeois. Cela vous ravit, j'imagine.
Pierre-Pascal Clément: Oui. C'est vrai qu'il y a eu des réactions assez rapides des médias régionaux lors de l'annonce de ma participation à l'émission à Top Chef. Je pense que c'est toujours un petit événement pour la Suisse romande d'avoir quelqu'un de la région.
Faire partie des candidats sélectionnés à l'émission, c'est déjà un événement pour les gens de la région et cela m'a fait très plaisir. C'est aussi pour ça que j'aimerais revenir dans ma région, après avoir travaillé à l'étranger et dernièrement à Zurich.
Justement, vous avez passé deux années dans la Maison Manesse sur les bords de la Limmat. Pourquoi avoir quitté cette prestigieuse enseigne?
J'ai toujours voulu me lancer à mon compte. J'avais choisi Zurich il y a quelques années pour faire une dernière expérience avant d'ouvrir mon propre restaurant. L'appel du casteur de Top Chef est tombé au bon moment, car j'avais dit déjà à mon employeur que je ferai deux ans et pas plus avant de faire une pause professionnelle et de me lancer en tant qu'indépendant.
Dans une précédente interview, vous avez révélé avoir déjà refusé de participer à Top Chef, vraiment?
Oui (rires). Il y a quelques années un casteur m'avait déjà contacté, mais je n'avais pas du tout envisagé d'y participer. J'ai toujours travaillé. Depuis l'âge de 15 ans, je n'arrête pas. Au moment de la première proposition, je ne me voyais pas aller vers mon patron et lui demander un congé pour faire un concours individuel à la télévision. Cette idée ne m'avait pas traversé l'esprit.
Pourquoi avoir accepté cette fois-ci?
Je peux dire que l'appel du casteur arrivait au bon moment, je me sentais plus légitime. J'avais plus d'expérience et j'avais déjà prévu de prendre du temps pour moi, car j'étais en pause.
Comment s'est passé le premier contact?
Les casteurs vous contactent sur les réseaux sociaux, ensuite si vous êtes OK, ils vous voient une quarantaine de minutes et les questions partent dans tous les sens. Il y a des questions professionnelles, mais aussi personnelles; ils vous bombardent littéralement de questions. Ce que j'ai beaucoup aimé c'est que contrairement à un entretien d'embauche, ils veulent vraiment vous connaître et découvrir votre univers culinaire.
Et ce n'était que le début des sélections?
Exactement. La seconde fois, ils vous interviewent en vidéo. Là, ça devient plus précis dans les questions et on attend de voir si on peut passer la journée de test à Paris. On vous contacte une semaine avant de faire le test. Il faut être très réactif et disponible, car vous faites vos affaires en quelques jours. A Paris, vous passez une journée entière avec plusieurs épreuves. Un plat libre à effectuer en une heure. L'assiette doit refléter votre monde culinaire. La deuxième épreuve c'est celle du panier surprise. J'ai dû cuisiner de l'aubergine.
Et on vous met tout de suite dans le bain avec les caméras?
On est directement dans l'ambiance de tournage avec les caméras et un journaliste qui nous pose des questions pendant que l'on réalise les plats. C'était une superbe journée, très stressante, mais très belle.
Le stress ne semble pas vous inquiéter.
Je dirai que lors de ces épreuves, j'ai vécu du bon stress. Celui qui vous pousse à vous dépasser. Avec cette adrénaline, je voulais aussi montrer la bonne cuisine. J'ai voulu faire un dessert végan, mais je ne l'ai pas dit au jury lors de la préparation du plat. A la fin de la dégustation, ils ont été surpris.
Vous avez donc une préférence pour le végan?
Grâce à la Maison Manesse, la cuisine végétale, viandes et poissons uniquement «régional» dans l’assiette est devenu mon monde. Je dirais que mon style, c'est un mélange entre tradition et modernité. Mais plus j'avançais dans ma carrière, et plus j'avais une préférence pour la cuisine moderne.
Pour en revenir à l'émission, comment vous avez réagi lorsque la production vous a annoncé que vous étiez parmi les candidats sélectionnés?
J'étais au Japon en vacances et on m'avait envoyé un message pour me dire que je devais absolument avoir le Wi-Fi pour qu'ils m'appellent. Lorsqu'ils m'ont dit que j'étais pris, c'était un peu une surprise car je n'avais pas vraiment de prétention en me lançant dans les épreuves. Il m'a fallu un peu de temps pour réaliser que cette fois-ci, il y aurait des concurrents et que cela se déroulerait devant les caméras et des milliers de téléspectateurs. La pression est venue après-coup.
Comment votre famille et vos amis ont-ils réagi à l'annonce?
Lorsque je me suis lancé dans les sélections, seule ma famille proche était au courant. Mon père qui ne s'intéresse pas particulièrement à ce genre d'émission m'a dit durant les sélections:
Il est du genre calme, il déteste le stress et les rebondissements des émissions tv. Quant à mon oncle qui a un restaurant et qui m'a permis de faire mes premiers pas en cuisine, c'est un vrai fan de l'émission. Il était très ému quand il a appris ma sélection.
Vous vous êtes entraîné pour les épreuves?
Oui. Après les épreuves à Paris, j'ai dû m'entraîner en cuisine dans la Maison Manesse. Faire un plat avec un timer et le réaliser en une heure, c'est quelque chose que l'on ne fait jamais dans le métier, il fallait que je m'entraîne. Mes collègues de la Maison Manesse m'ont permis de prendre le temps pour faire des assiettes de A à Z.
Alors, comment s'est passé le tournage à proprement parler?
J'ai été surpris par l'organisation. Elle est énorme, chaque personne a une tâche. En plus des cuisines, les équipes gèrent le matériel, les caméras, les salles d'interview où on répète toute notre épreuve. C'est vraiment impressionnant.
Les équipes nous demandaient aussi de refaire des prises d'images, de prendre une casserole ou de refaire un mouvement, mais cela s'effectuait hors timing, C'était essentiellement pour avoir de nouvelles images. Le reste du temps, quand l'épreuve commençait avec le timer, ça ne s'arrête jamais, c'est un gros stress.
Pas trop éprouvé physiquement?
Non, physiquement ça va. Je dirai que la fatigue est mentale, mais pas physique. En tant que cuisinier, je suis habitué à supporter les longues journées. En cuisine on bosse beaucoup, on pouvait passer jusqu'à 15h à travailler.
C'est déjà la deuxième fois que vous l'évoquez, vous avez beaucoup travaillé ou trop travaillé?
C'est juste (rires). Je crois que j'ai beaucoup travaillé voire un peu trop. Dans ma carrière professionnelle, je n'ai pas toujours eu l'occasion d'exprimer mes idées, mais je vois que les choses sont en train de changer en cuisine. Je dirai que j'ai été formé à la vieille école. Dans mon domaine, on travaille énormément et c'est aussi la recette du succès.
En tant que cuisinier, avez-vous un modèle dans la profession?
J'aime Pierre Gagnaire. J'ai travaillé à Berlin dans l'un de ses restaurants et j'ai eu l'occasion de le côtoyer. C'est quelqu'un d'extraordinairement authentique.
C'est quelqu'un qui reste le même, que cela soit en cuisine ou devant ses clients. Je l'admire beaucoup.
Pierre Gagnaire vient de cette génération vieille école non?
Oui, tout à fait, et c'est ça qui est remarquable. La branche de la gastronomie est rude vous savez, mais Pierre Gagnaire est différent, il respecte tout le monde. Il est remarquable.
Avez-vous un plat signature, si oui, lequel?
C'est une question difficile, c'est très compliqué. Je peux vous dire que j'aime cuisiner le végétal, les herbes et les céréales. J'aime travailler local aussi. Je vous donne un exemple: l'un de mes aliments préférés, c'est la langoustine, mais ce n'est pas ce qui m'intéresse particulièrement, car on la pêche et on la mange, c'est tout. Il n'y a pas beaucoup de travail de recherche sur le produit. J'aime me creuser la tête pour surprendre le client à la dégustation, c'est aussi une des raisons pour lesquelles j'aime cuisiner le végétal.
Sans dévoiler votre parcours dans Top Chef, votre projet d'avoir votre propre restaurant tient toujours?
Alors oui. Et d'ailleurs, je me souviens qu'à ma première interview, j'ai tenu à préciser que je ne voulais pas ouvrir un resto à Paris. Ce n'est pas mon objectif. J'avais déjà prévu de me lancer dans l'indépendance et ouvrir un restaurant chez moi, en ville de Fribourg. Pour l'instant, je travaille au restaurant de mon oncle, je lui donne un coup de main en formant ses cuisiniers. C'est quand même à lui que je dois la découverte de ce métier.