Economie

L'EPFL a fini par expulser du campus une entreprise extérieure

Il faudra montrer un certificat Covid pour assister aux cours de l'EPFL.
Une entreprise extérieure a pu s'installer dans le campus de l'EPFL dans des conditions nébuleuses. Après les signalements répétés d'un lanceur d'alerte, l'EPFL a exigé le départ de la SA.Image: KEYSTONE

A l'EPFL, de troublants avantages accordés à une entreprise privée

Une société extérieure a pu s'installer dans les locaux de l'EPFL, disposer des infrastructures, du matériel bureautique et, accessoirement, du personnel de l'institution pendant de nombreuses années. Dans des circonstances nébuleuses.
21.10.2021, 05:5422.10.2021, 13:11
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Derrière l'affaire du lanceur d'alerte de l'Ecole polytechnique fédérale (EPFL) licencié qui doit être réintégré sur décision du Tribunal administratif fédéral, se cache une société extérieure qui occupait des locaux de l'EPFL. Tout en bénéficiant, accessoirement, des prestations des employés de la prestigieuse institution universitaire. Ces faits ont étonné et indigné un collaborateur qui a fait plusieurs signalements.

Ordis et locaux à disposition

«Le directeur de cette boîte est un ancien doctorant de l'EPFL. Il y avait créé une première structure, qui a été liquidée. Ensuite, il a fondé une start-up, qui a occupé plusieurs locaux de l'EPFL, au 3e et au 5e étage d'un bâtiment», témoigne une ancienne collaboratrice. Comment les employés de cette boîte extérieure à l'EPFL ont-t-ils pu avoir accès aux bureaux, laboratoires et salles de conférences? Ou encore aux ordinateurs, imprimantes et lignes téléphoniques de l'EPFL? D'après nos informations, en cas de problèmes techniques, l'entreprise disposait des compétences du personnel de l'EPFL. Contactée par watson, l'EPFL a déclaré ne pas pouvoir s'exprimer sur cette affaire car «une procédure est en cours».

«Interdit par le règlement»

Les facilités accordées à une entreprise extérieure à l'EPFL font bondir un universitaire, qui a connu le scénario inverse dans le même bâtiment que la société. «Il y a une quinzaine d'années, j'avais lancé ma start-up dans un bureau désaffecté. L'EPFL m'a fait comprendre que je ne pouvais pas rester car c'était interdit par le règlement. Que je devais quitter les lieux et aller louer des locaux à l'Innovation Park de l'EPFL», se souvient cet ancien chercheur. «Ce qui est strictement interdit pour certains est autorisé pour d'autres», soupire-t-il avec amertume.

«Il serait intéressant de procéder à un audit du personnel encore actif sur place et de l'attribution et de l'occupation des bureaux et labos»
Une ancienne collaboratrice de l'EPFL

Des alertes de 2013 à 2018

L'affaire dure depuis longtemps. Le premier signalement effectué par le collaborateur et lanceur d'alerte de l'EPFL remonte au moins à 2013. Depuis, plusieurs courriels et courriers de dénonciation ont été envoyés, en vain, à diverses entités: RH, doyens, ombudsman... En 2018, de retour de congé-maladie, le dénonciateur zélé a continué de plus belle. Son opiniâtreté a fini par se retourner contre lui: il a été licencié. Officiellement à cause d'une «restructuration interne». Dans la foulée, l'EPFL a également demandé à l'entreprise de plier rapidement bagages (dans un délai de moins de deux mois) et d'aller voir ailleurs tout en lui sommant de faire disparaître de son site internet toute mention en lien avec l'EPFL.

Protection des données

Dans le cadre du litige sur le licenciement du lanceur d'alerte, le Tribunal administratif fédéral a voulu en savoir un peu plus sur les liens entre l'EPFL et la SA. En réponse aux réquisitions du Tribunal, l'EPFL a produit «quelques courriels partiellement caviardés» et a déclaré n'avoir « rien trouvé d'autre dans les dossiers». L'école polytechnique a également refusé de divulguer l’identité des collaborateurs de la société ayant bénéficié d'une carte d'accès dans le campus car cela «violerait la protection des données». La Cour a relancé en demandant une preuve en lien avec l'ordre d'évacuation de la société en mai 2018. L'EPFL a indiqué n’avoir «pas trouvé de courrier ou de courriel du doyen».

La femme de...

D'après nos investigations, l'épouse d'un homme très haut placé dans l'organigramme de l'EPFL a été employée par la SA de 2014 à 2016, du temps où la structure se trouvait encore sur le site d'Ecublens. Et l'actuel conseiller scientifique de la boîte est un doyen de... l'EPFL. Interpellée sur ces faits lundi, la SA a répondu mercredi: «Nous ne pouvons pas divulguer les questions contractuelles avec les employés ou les tiers.»

Pour rappel, en 2013, le Ministère public de la Confédération avait ouvert une enquête pénale à cause d'un hangar de l'armée mis à disposition de l'avion Solar Impulse.

Conseil des Ecoles polytechniques fédérales saisi
L'affaire liée à la présence de cette société privée est actuellement entre les mains du Conseil des Ecoles polytechniques fédérales. Cette instance est chargée de recueillir, en dernier ressort, «les témoignages relatifs à des comportements contraires au droit ou à l’éthique dont les employés de la Confédération ont eu connaissance dans le cadre de leur activité». Avant cette étape, ces comportements doivent avoir été annoncés au sein de l’EPF concernée. Selon la Loi sur le personnel de la Confédération, «les employés sont tenus de dénoncer tous les crimes et délits poursuivis d'office dont ils ont eu connaissance ou qui leur ont été signalés dans l'exercice de leur fonction».
Le lanceur d'alerte ne veut plus lancer d'alerte
Contacté par watson, le lanceur d'alerte s'est montré frileux et a fait part de son souhait de jouer la carte de l'apaisement. Licencié par l'EPFL, il attend toujours sa réintégration exigée par le Tribunal administratif fédéral. L'homme se dit «épuisé» par la procédure générée par ses signalements de faits apparemment illicites. «Il ne me reste plus beaucoup d'années avant la retraite. Désormais, j'ai décidé de fermer ma g... C'est la seule solution pour éviter un retour de manivelle. J'ai suffisamment morflé en tant que lanceur d'alerte.»
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