Le ralentissement de la croissance en 2022, une «normalisation» après le rattrapage en 2021, va peser sur les marchés, dont la volatilité pourrait s'accroître sous l'effet de l'inflation et des élections à venir, prévient Christophe Barraud, «meilleur prévisionniste du monde», selon le classement de l'agence financière Bloomberg.
Avec le Covid, est-il encore possible d'établir des prévisions économiques?
Christophe Barraud: On commence à être habitué à travailler dans cette incertitude... Cela reste problématique sur le court terme, un ou deux trimestres. Sur le moyen terme, l'effet dû aux nouveaux variants est lissé. Les économies encaissent de mieux en mieux les chocs, car les gens sont habitués, les entreprises mieux organisées et les vaccinés plus nombreux. La difficulté quand il y a un nouveau variant, c'est qu'on est dans le flou pendant quelques semaines.
2022 sera l'année de la normalisation, à la baisse, sur le plan de la croissance, de la politique monétaire, mais aussi de la volatilité. Néanmoins, les principaux facteurs qui ont soutenu les marchés actions, à savoir la faiblesse des taux réels, les rachats d'actions et les bénéfices des entreprises, devraient persister.
2021 a aussi vu la spectaculaire résurgence de l'inflation. Peut-elle s'installer durablement?
Il y a eu un énorme décalage entre l'inflation constatée et ce qui avait été prévu. Les prévisions d'inflation ont encore été significativement revues à la hausse lors des dernières réunions des banques centrales. Ces prévisions tablaient sur un pic plus tôt, pas sur des niveaux aussi élevés, et avec un retour rapide vers leur cible à 2%.
Cela s'explique, car on a mal géré les stocks, les conditions climatiques sont défavorables, avec un hiver plus froid attendu. Il faut ajouter la géopolitique, avec les tensions avec la Russie. C'est un point à suivre en 2022, notamment pour les ménages avec les revenus les moins élevés. Mais on peut imaginer qu'elle se résorbe l'année prochaine.
Aux Etats-Unis, je perçois deux composantes de l'inflation qui sont de nature plus durables. La première est causée par un marché de l'emploi tendu, qui provoque des hausses salariales, notamment sur les bas revenus.
Mais il y a aussi le problème des loyers. Aujourd'hui, les 25-34 ans, soit un peu plus de 40 millions de personnes, arrivent face à des prix immobiliers au plus haut, et alors qu'ils sont déjà lourdement endettés. Ils vont donc vers la location. Les prix augmentent, et les ménages les plus dépendants, souvent les plus modestes, vont demander des hausses de salaire pour y faire face. Pour la Fed (réd: banque centrale américaine), c'est encore un angle mort, le sujet est peu abordé lors de leurs réunions.
Outre l'inflation, quelles sont les grandes tendances qui peuvent faire changer les marchés?
Les élections vont être intéressantes. La présidentielle en France, mais il y a aussi les élections de mi-mandat aux Etats-Unis. Il faudra voir si on n'a pas un renversement complet politique qui peut avoir des conséquences. Elles peuvent avoir un impact sur la politique fiscale.
En France, la question est de savoir si on peut avoir un bon couple franco-allemand, capable de mobiliser des dépenses supplémentaires.
Cela met le doigt sur la politique fiscale, au moment où il y a une normalisation sur le plan monétaire, en raison de l'inflation. (ats/awp/jah)