La croix suisse en tant que marque: on sait, grâce aux litiges autour de l'utilisation du symbole, qu'une nation peut également être considérée comme une marque. De nombreux consommateurs sont prêts à payer plus cher pour des produits et des services suisses, car ils sont considérés comme de grande qualité. Cette «suissitude» a une grande valeur: selon un rapport du Conseil fédéral datant de 2020, elle rapporte chaque année 1,4 milliard de francs à l'économie suisse.
Ces derniers temps, la marque Suisse a, toutefois, légèrement perdu de sa force. La société de conseil Brand Finance, spécialisée dans la détermination des valeurs des marques des entreprises, réalise également un classement des marques nationales à l'aide d'une méthodologie spécifiquement développée à cet effet. Il en résulte que la Suisse n'occupe plus que la troisième place, en 2022, derrière le Canada et les Etats-Unis. Les années précédentes, elle occupait la deuxième place et, auparavant, la première place pendant des années.
Cette baisse ne peut pas être attribuée à une seule cause. L'indice de force de la marque (brand strength score), sur lequel se base le classement, se compose d'une multitude de facteurs tels que les investissements dans la marque et la perception de la marque. En 2022, selon cet indice, la Suisse obtenait encore 80,7 points sur 100 possibles. Il y a quelques années, ce chiffre était encore proche de 90 points.
La valeur de la suissitude varie selon les domaines: elle est plus élevée pour des produits comme les montres, les couteaux de poche, le fromage, les cosmétiques ou le chocolat que pour la construction mécanique ou les technologies de l'information. Les banques se réfèrent également volontiers à la valeur de la suissitude. La récente débâcle de la grande banque Credit Suisse n'est donc pas du tout favorable à la force de la marque Suisse dans ce secteur.
Les économistes de l'institut BAK Economics parlent par exemple d'une «grande perte d'image». Selon eux, la crise du CS aura des répercussions sur le développement futur des activités internationales de gestion de fortune des banques suisses. En d'autres termes, les banquiers suisses auront plus de mal à gagner la confiance et l'argent de riches clients étrangers.
David Stärkle de l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle (IPI). Il est responsable de l'application de la loi Swissness en vigueur depuis 2017 et s'est donné pour mission de protéger la marque Suisse en général. Il a par exemple fondé l'association Swissness Enforcement. Il déclare:
La bonne nouvelle, c'est que la crise du CS ne devrait pas affecter la valeur de la suissitude dans d'autres secteurs comme le chocolat et les montres, estime Stärkle. La société de conseil Brand Finance, qui a établi le classement des marques nationales, arrive à la même conclusion.
«Bien que la récente transaction bancaire soulève des questions sur le secteur financier suisse auprès des analystes, elle ne devrait pas affecter la confiance globale dans la marque Suisse», constate Konrad Jagodzinski de chez Brand Finance. Selon lui, la Suisse est la troisième marque nationale la plus forte au monde et elle le doit à une large palette d'attributs qui englobent bien plus que la seule puissance financière.
Plus que le domaine bancaire, c'est de toute façon l'utilisation abusive du Swissness à l'étranger qui préoccupe David Stärkle de l'IPI. L'avocat et son équipe s'attaquent, chaque année, à près de 300 entreprises étrangères qui ornent à tort leurs produits de la croix suisse ou de la mention «Swiss Made». Stärkle souligne que la force de la marque peut également souffrir des contrefaçons. Il rappelle:
Du point de vue de Stärkle, la loi sur le swissness en vigueur depuis six ans — ou plutôt son application — commence à porter ses fruits. «Nous constatons notamment un succès dans l'enregistrement des marques», dit-il. Alors qu'il y a quelque temps encore, les nouvelles marques se référant à la Suisse étaient simplement acceptées à l'étranger, de nombreux offices des marques étrangers ne les enregistrent plus qu'avec une confirmation de l'IPI. (aargauerzeitung.ch)