La crise du pouvoir d’achat que nous sommes en train de vivre est l’occasion pour beaucoup de Suisses de se dire:
Il y a les ménages modestes, qui se disent qu’ils ne comprennent pas pourquoi, en travaillant dur, ils n’arrivent pas du tout à boucler les fins de mois, sans pouvoir se payer le moindre loisir. Il y a les retraitées et retraités dont la rente ne suffit plus à avoir le même niveau de vie qu’avant. Et il y a aussi la classe moyenne, et même la classe moyenne supérieure, qui doit commencer à compter chaque franc et qui se demande pourquoi c’est de plus en plus difficile de mettre de l’argent de côté.
Pourquoi est-ce incompréhensible? Car la Suisse est un pays riche, dont on n’arrête pas de vanter le dynamisme économique, alors comment se fait-il que ce soit de plus en plus difficile pour les 90% de la population? La réponse est simple, nous sommes entre le marteau et l’enclume.
Quand on parle des prix qui montent, on pense très vite aux primes d’assurance maladie, car leur augmentation est très spectaculaire et visible chaque année. Bien sûr, c’est une charge massive pour les ménages, mais il y en a une autre dont on parle moins alors qu’elle a un impact plus grand encore: les loyers.
Depuis de nombreuses années, le loyer des personnes qui ne changent pas de logement n’a pas beaucoup augmenté, alors on remarque moins l'évolution. Cependant, au moment de devoir déménager, on prend une véritable baffe. Soit le loyer est exorbitant, soit il faut faire de grands sacrifices. Toutefois, même les personnes qui vivent dans un logement depuis longtemps doivent commencer à s’inquiéter:
En réalité, même si votre loyer n’a pas bougé, cela reste une perte massive du pouvoir d’achat. Les taux d'intérêt ayant chuté massivement jusqu’à récemment, une étude du bureau BASS à Berne a démontré que nous payons chaque année 10 milliards de francs de loyers en trop selon le cadre légal actuel, qui est pourtant déjà très favorable aux gros propriétaires immobiliers. Pourquoi? Parce que lorsque les loyers sont censés baisser, il y a d’énormes barrières à ce que ça se fasse.
Evidemment les propriétaires ne disent rien. Les locataires ne savent pas forcément. Et s’ils sont au courant, ils craignent d’être ensuite victimes de rétorsion, même s’il existe une protection temporaire. Par contre, quand ça peut monter, pas de problème, les propriétaire n’ont pas de souci à repourvoir leur logement dans de nombreuses régions du pays, et ils utilisent toute leur marge de manœuvre. Et même lorsqu’ils vont au-delà, la peur des locataires de se faire mal voir reste forte.
Les charges liées au logement peuvent représenter entre 30% et 40% des revenus pour les ménages les plus modestes. Même pour la classe moyenne, ils représentent une part très importante. L’augmentation massive des loyers moyens en 20 ans a donc un immense impact sur ce qui reste aux locataires à la fin du mois. Et c’est là qu’il y a une immense différence avec les primes d’assurance maladie: il y a une solution très simple.
Pour les primes maladies, nous savons tous qu’une partie du problème est liée à la hausse des coûts de la santé, et qu’il est extrêmement difficile de les baisser. Bien évidemment, il faut essayer quand même, et il existe des solutions, que l’on peut par exemple trouver du côté des prix des médicaments totalement abusifs en Suisse en comparaison internationale. Mais pour la santé, il existe au moins une sorte de lien entre les coûts réels et le prix payé. Ce n’est absolument pas le cas pour les loyers.
Ces 10 milliards payés en trop ne correspondent à aucun coût. Avec cet argent, nous ne payons pas quelque chose dont le prix de fabrication a vraiment augmenté. Nous finançons, pour certains propriétaires, ce qu’on appelle un rendement abusif. Il est normal qu'une personne qui a investi son argent gagne un rendement raisonnable sur son immeuble, après avoir payé toutes les charges. Le problème, c'est que beaucoup d'investisseurs empochent plus que ce rendement normal. C'est notamment à cause de cela que les loyers sont aujourd'hui trop chers.
Il existe donc une solution toute simple et qui changerait la vie de centaines de milliers de ménages en Suisse. Si tous les cinq ans, par exemple, il était obligatoire de vérifier que les rendements immobiliers ne sont pas abusifs, sans que les locataires ne doivent faire de démarche et donc sans qu’ils ne risquent de se fâcher avec les propriétaires, alors en cinq ans, nous aurions rendu 10 milliards de francs de pouvoir d’achat à la classe moyenne et aux ménages modestes. Juste en faisant respecter la loi actuelle.
Cela signifierait en moyenne 4 600 francs d'économie par ménage locataire, et ce chaque année! C’est beaucoup plus que les augmentations de prime (contre lesquelles il faudra agir), mais une telle mesure ne priverait personne de son salaire, ne baisserait aucune prestation et ne détruirait aucune valeur pour le pays. Une telle somme par ménage changerait la donne par rapport à la crise du pouvoir d’achat actuelle, et rendrait un peu de liberté à une population qui en a bien besoin.