C'est une crise qui dure depuis un bon bout de temps. La semaine dernière, Adidas a lancé son quatrième avertissement sur bénéfices consécutif. La principale cause de ce manque à gagner: l'arrêt de la collaboration entre le fabricant d'articles de sport et l'artiste américain Kanye West qui pèse plus que jamais sur les chiffres de l'entreprise.
Mais ce n'est pas tout. Adidas doit se battre sur d'autres fronts dont de loin le plus important: l'image de la marque qui n'est plus aussi «cool» qu'avant.
«Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Nous ne sommes pas aussi performants que nous devrions l'être actuellement», a admis Bjørn Gulden, le nouveau président du conseil d'administration d'Adidas, dans un communiqué publié le jeudi 9 février 2023. Cette annonce est le quatrième avertissement sur les résultats de l'entreprise depuis juillet dernier.
Pour 2024, Adidas s'attendait à «une baisse des ventes ajustées en fonction de la devise dans la fourchette de pourcentage élevé à un chiffre». Cela signifiait, poursuit l'entreprise allemande, que pour l'année actuelle, «le résultat d'exploitation aurait dû se situer à peu près au niveau du seuil de rentabilité». Mais en l'état, il est peu probable que des bénéfices soient réalisés.
L'entreprise basée à Herzogenaurach, près de Nuremberg a alors annoncé que «l'année 2023 sera une année de transition pour jeter les bases d'une entreprise à nouveau en croissance et rentable». Ces objectifs se reflètent également dans le fait qu'Adidas s'attend à des dépenses uniques supplémentaires pouvant aller jusqu'à 200 millions d'euros en 2023. Ces coûts «font partie d'un examen stratégique» que le fabricant d'articles de sport entreprend actuellement pour redevenir plus rentable à l'avenir
Un avertissement sur les bénéfices comme celui lancé par Adidas jeudi dernier est rarement de bon augure. L'action a perdu plus de 11% le lendemain.
Dans sa déclaration, la direction d'Adidas souligne en particulier les pertes que la marque continuera de subir suite à l'interruption de son partenariat avec Kanye West. Le 25 octobre 2022, l'équipementier a annoncé mettre fin à sa collaboration jusqu'alors très rentable avec le rappeur, suite au scandale provoqué par les propos antisémites de ce dernier.
Adidas est maintenant assis sur une multitude de Yeezy, les fameuses baskets de l'entreprise et le rappeur. Selon le communiqué de presse d'Adidas, on ne sait pas encore ce qu'il adviendra de ces produits. L'entreprise examine actuellement différentes options pour l'utilisation future de son stock restant.
Mais comme l'entreprise l'a fait savoir, la crise des Yeezy laisse derrière elle un chiffre d'affaires négatif de 1,2 milliard d'euros ainsi qu'une baisse des bénéfices de 500 millions d'euros, rien qu'en raison de l'absence de ventes. Et cela ne tient pas compte des éventuelles dépréciations:
Une telle situation pourrait ainsi induire une perte significative encore en 2023.
Que faire alors avec de toutes produits? Une possibilité serait de retirer aux vêtements leur nom Yeezy et pour les vendre sans être associés à la star décriée. C'est du moins ce qu'avait annoncé Adidas juste après sa séparation avec Kanye West. Comme l'entreprise l'a fait savoir, la vente des articles sous son propre nom permettrait d'économiser 434 millions de dollars en droits de licence et en frais de marketing.
Les analystes estiment toutefois qu'il serait difficile de revendre la marchandise rebaptisée et que les seules options qui s'offrent à eux sont la destruction des vêtements ou leur donation. «Il n'y a vraiment pas de bonnes options pour cette marque en difficulté qui se situe quelque part entre le prestige et le luxe», a par exemple déclaré un analyste à CNN.
En octobre dernier, il a été annoncé qu'Adidas allait engager un nouveau CEO. Bjørn Gulden n'est pas inconnu au bataillon: Pendant près de dix ans, le Norvégien a dirigé le concurrent Puma où il y a connu un véritable succès. En 2022, l'entreprise allemande a enregistré les meilleurs chiffres de l'histoire de la marque. Des chiffres «impressionnants», selon divers analystes, surtout à une époque où les fabricants d'articles de sport ne sont pas les seuls à devoir faire face à des difficultés de vente, comme en Chine.
La nouvelle de la nomination de Gulden s'est également reflétée dans l'action d'Adidas: alors qu'elle ne faisait que chuter, celle-ci a de suite fait un bond de près de 20% début novembre.
Certes, les concurrents ont également souffert en cette mauvaise année boursière 2022: Nike, par exemple, a perdu 13% depuis février dernier et Puma plus de 30%. Mais si ces deux derniers se sont récemment fortement redressés, ce n'est pas le cas d'Adidas qui a perdu 40% en un an.
Dans son communiqué, l'entreprise n'évoque pas concrètement d'autres raisons que la débâcle des Yeezy pour expliquer ses mauvais chiffres. Mais comme le rapporte Manager Magazin, d'autres raisons existent bel et bien.
Il y a, par exemple, l'important marché de vente chinois qui préoccupe vraisemblablement Adidas depuis la crise du Covid-19. Rien qu'en 2022, l'entreprise a dû faire face à une baisse de plus de 30% de son chiffre d'affaires en Chine, son marché le plus lucratif.
Adidas n'a pas non plus mentionné les chiffres de vente décevants des produits issus de la marque «Ivy Park» en collaboration avec la chanteuse Beyoncé. Le Wall Street Journal a rapporté la semaine dernière que le chiffre d'affaires de la marque de streetwear autrefois très tendance avait chuté de 50% l'année dernière pour atteindre environ 40 millions de dollars: bien en dessous des prévisions internes de 250 millions de dollars. Le partenariat est «fort et réussi», s'est alors défendu Adidas après l'article du quotidien économique américain.
Mais ce qui pourrait être encore plus difficile pour Adidas à long terme, c'est son manque de «brand heat», comme l'écrit le Manager Magazin. Cette expression décrit le degré de succès d'une marque: dans quelle mesure peut-elle s'établir en tant que style de vie à part entière, dans quelle mesure est-elle considérée comme in et comment la marque est-elle perçue par sa clientèle.
En d'autres termes, cela signifie dans ce cas qu'Adidas n'est plus aussi «cool» que cela n'a pu l'être par le passé. Selon le Manager Magazin, les analystes critiquent depuis longtemps le brand heat de la marque. Ils s'appuient, par exemple, sur l'évaluation de ses réseaux sociaux. Là encore, les chiffres boursiers donneraient raison à cette conclusion: Au cours des cinq dernières années, Adidas a perdu près de 23% de sa valeur en bourse alors que ses concurrents Nike et Puma ont chacun gagné près de 80%.
Chez Puma, Gulden a fait du brand heat un élément central de sa stratégie marketing. Reste à savoir s'il parviendra à faire de même chez Adidas. Du point de vue du nouveau CEO Adidas, il semble en tout cas que ce ne soit pas le mauvais moment pour mettre en avant l'échec de la collaboration avec Ye comme raison des chiffres en crise.
Traduit de l'allemand (nva)