Si le monde veut respecter l'objectif de 1,5 degré de réchauffement par rapport à l'ère pré-industrielle qu'il s'est fixé, il ne doit pas y avoir de nouvelles infrastructures pour le pétrole et le gaz. C'est la conclusion à laquelle est parvenue l'Agence internationale de l'énergie (AIE) en 2021. La communauté scientifique avertit que le dépassement de ce seuil, sur lequel les gouvernements se sont mis d'accord dans l'Accord de Paris sur le climat, entraînera des effets de plus en plus dramatiques, tels que des vagues de chaleur, des inondations, des sécheresses et plus encore.
Pourtant, depuis – et malgré – la déclaration de l'AIE il y a trois ans, de nombreux pays et les grandes entreprises de combustibles fossiles ont exploité d'énormes quantités de nouveaux gisements de pétrole et de gaz. C'est ce que montre un nouveau rapport de Global Energy Monitor, une ONG basée à San Francisco. Selon ce document, les producteurs de pétrole et de gaz ont autorisé au total au moins 16 milliards de barils de pétrole (ou leurs équivalents, dans le cas du gaz) dans 45 projets et ont découvert au moins 20,3 milliards de barils dans 50 projets.
L'ONG écrit ainsi dans son rapport:
Cette quantité de pétrole et de gaz naturel approuvée devrait être multipliée par quatre d'ici la fin de la décennie: 31 milliards de barils équivalent pétrole – dans 64 nouveaux champs pétroliers et gaziers supplémentaires. Cela, «bien qu'il y ait un consensus scientifique sur le fait que tous les nouveaux projets sont incompatibles avec les scénarios de limitation du réchauffement climatique à 1,5 degré», écrit Global Energy Monitor.
Le rapport fait la distinction entre les nouveaux projets d'extraction de pétrole découverts et les nouveaux projets approuvés. Alors que les Etats-Unis restent en tête en termes de pétrole et de gaz extraits, l'accent des nouveaux projets est mis sur des pays plutôt inconnus jusqu'à présent: quatre pays qui n'ont jusqu'à présent pas ou peu extrait de pétrole – Chypre, le Guyana, la Namibie et le Zimbabwe – représentent plus d'un tiers du volume que les producteurs espèrent mettre en exploitation (projets nouvellement découverts).
Les Etats-Unis, qui ont produit plus de pétrole brut au cours des six dernières années consécutives que tout autre pays dans l'histoire, sont en tête des nouveaux projets pétroliers et gaziers approuvés en 2022 et 2023, selon le rapport. Le Guyana arrivait en deuxième position, avec 40% de tous les nouveaux projets pétroliers approuvés au cours des deux dernières années dans les pays du continent américain.
L'échec à ralentir ne serait-ce qu'un tout petit peu la recherche de nouveaux gisements de pétrole et de gaz n'est guère surprenant compte tenu des faibles efforts des grandes compagnies pétrolières et gazières. Elles-mêmes manquent largement leurs propres objectifs de réduction des émissions. Lors d'une récente conférence du secteur au Texas, par exemple, le chef du plus grand groupe pétrolier du monde, Saudi Aramco, a déclaré qu'il fallait «abandonner l'idée» de se désengager du pétrole et du gaz – un objectif qui a été (plus ou moins clairement) fixé lors de la dernière conférence sur le climat.
«Les producteurs de pétrole et de gaz ont avancé toutes sortes de raisons pour continuer à découvrir et à exploiter de nouveaux gisements», explique Scott Zimmerman, chef de projet du suivi de la production mondiale de pétrole et de gaz chez Global Energy Monitor, «mais aucune d'entre elles ne tient la route». Selon lui, la science est claire:
Et d'ajouter: «C'est décevant. Cela montre un manque d'engagement du côté de l'offre pour les objectifs climatiques».
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)