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Dans Bienne la bilingue, des commerces snobent le français

Réclames dans les rues de Bienne.
Réclames dans les rues de Bienne. image: watson (réalisation: sainath bovay)

Dans Bienne la bilingue, des commerces snobent le français

Un règlement municipal soumis à votation veut obliger les commerçants à rédiger leurs réclames en allemand et en français, les deux langues officielles de Bienne. Mais la résistance s'organise chez les opposants à cette mesure. Le maire de Bienne, Erich Fehr, explique sa démarche à watson.
19.08.2021, 18:1520.08.2021, 15:34
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Parlez-vous allemand? Si tel n’est pas le cas, cette pub pour des nouilles n’est pas pour vous. Pas plus que celle tout à la fois pour des côtes de porc, des brochettes, de la bière et du café soluble, actions de fin de semaine – «Nur Freitag und Samstag». Ni cette autre d’une boîte d’informatique, qui pourtant te cherche – «Wir suchen dich». Nous sommes à Bienne, la très officiellement bilingue. Or ces réclames, placées dans la rue de Nidau, la grande artère commerçante de la ville, sont rédigées seulement en allemand. Mais où est passé le français?

La culture «auch»

Fière d’un bilinguisme dont elle a fait sa tour Eiffel, la municipalité seelandaise veut réparer ce préjudice porté au pacte linguistique local. Un règlement mis en consultation prévoit de rendre obligatoire l’affichage commercial en allemand et en français dans l’espace public. Cette mesure vaudrait aussi pour les acteurs culturels. Porté par l’exécutif, ce projet de réglementation sera soumis à l’approbation de la population biennoise, l’année prochaine en principe.

Il se heurte pour l’instant à trois oppositions: celle de l’Association suisse des annonceurs (ASA), celle de l’entreprise APG, spécialisée dans l’affichage de la publicité en extérieur, celle, enfin, des Associations et organismes culturels biennois. «Cette réglementation contrevient à la liberté du commerce», affirme Roland Ehrler, le directeur de l’ASA. «Les commerçants doivent pouvoir écrire leur communication dans la langue de leur choix: allemand, français, albanais ou grec», estime-t-il.

«Cela a-t-il vraiment un sens?»

Cité par l’hebdomadaire biennois bilingue Biel Bienne de cette semaine, Dänu Schneider, le responsable du «Singe», une salle accueillant des concerts, se montre circonspect: «Nos programmes et notre site Internet sont bilingues. Cela a d’ailleurs un coût. Je trouve normal que si l’on fait venir un rocker qui chante en dialecte alémanique ou en français, la pub soit dans les deux langues, car pour moi, la musique est universelle. Mais que faire pour un spectacle théâtral uniquement en allemand ou en français? Cela a-t-il vraiment un sens de faire des promotions dans les deux langues?»

Des efforts

Oui, cela a un sens, soutient le maire de Bienne, le socialiste Erich Fehr. «Ce règlement sur l’affichage commercial participe des efforts consentis par Bienne pour renforcer son bilinguisme», déclare-t-il à watson.

«Depuis une vingtaine d’années, un Forum du bilinguisme existe à Bienne. Je ne vous cache pas qu’il consacre 80% de ses forces à lutter pour la place des Romands»
Erich Fehr, maire de Bienne

Lorsqu’on fait part au maire d’une rumeur selon laquelle la proportion de francophones dans sa ville aurait fondu à 30%, il proteste. «En aucun cas: Bienne compte 57% de germanophones et 43% de francophones, rectifie-t-il. Comparé aux années passées, c’est même 3% de plus gagnés chez ces derniers. Et cela n’est pas dû à l’immigration étrangère, mais à l’installation chez nous de Romands venant de l’arc lémanique, affecté par la pénurie de logements.»

Il n’empêche. L’impression demeure d’une érosion du parler français à Bienne. Les commerçants joints par téléphone sont souvent des germanophones. Rue de Nidau, les réclames d’une grande surface telle que la Coop, en allemand seulement, ajoutent à ce sentiment d'effacement çà et là de la langue française.

Ça coûte

Les commerçants ne jouant pas le jeu du bilinguisme font valoir les complications qu’il en résulterait. Principalement, arguent-ils, le doublement des surfaces publicitaires dans l’espace public, comme ces panneaux en forme de chevalet posés sur le sol. La place manquerait, se justifient-ils. Sans parler des coûts supplémentaires occasionnés.

La mairie n’a pas prévu d’accompagner financièrement son projet de règlement. Erich Fehr est d’avis que les commerçants, en particulier les grandes surfaces, peuvent satisfaire au bilinguisme sans augmenter la surface de leurs réclames. «Je suis certain qu’ils sauront faire preuve d’inventivité», assure-t-il.

«Donnerstag 19 août»

Et si, de guerre lasse, ils rédigeaient tout en anglais? « Ça, jamais, les Biennois ne l’accepteraient pas», veut croire le maire. Pour les affiches et programmes culturels, Erich Fehr imagine des formulations mêlant allemand et français dans le même texte: «Jeudi 19 août» deviendrait «Donnerstag 19 août». En somme, on aurait là un espéranto franco-allemand.

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