Tout augmente, ma bonne dame. Et c'est encore plus vrai en ce moment. Le prix du bois de construction a triplé en une année, ceux du cuivre ou de l'étain ont doublé. Sur la même période, le cours du pétrole est en hausse de 30%, celui des céréales de 22%. Même le porc, a pris l'ascenseur (+51%).
Cette flambée des matières premières va avoir un impact très concret sur notre porte-monnaie. Des entreprises comme Coca-Cola (Fanta, Sprite, ...) et Procter & Gamble (Ariel, Always, Gilette, Braun,...) ont déjà annoncé une augmentation du prix de leurs produits. Alors, à quel point est-ce que ça va piquer?
Forte demande, dollar faible et problèmes logistiques, les experts pointent plusieurs raisons à cette hausse des prix des matières premières. Professeur d'économie à l'Université de Fribourg, Sergio Rossi met également en avant les attentes liées à la sortie de la pandémie:
L'économiste rappelle que le principe de l'offre et de la demande fait prendre l'ascenseur aux différentes matières. En bref: plus les prix montent, plus il y a des acheteurs qui s'y intéressent et plus il y a d'acheteurs, plus les prix montent. Une spirale qui s'auto-alimente donc.
Autant être clair, ce petit jeu de spéculation va avoir un impact direct sur nos finances. Un impact que l'on peut découper en trois phénomènes. Tout d'abord, cela coûte désormais plus cher d'acheter du bois ou du cuivre. Ensuite, la livraison de ce produit va être plus onéreuse puisque le prix du pétrole s'est, lui aussi, envolé.
Mais il y a également un effet moins évident: les travailleurs peuvent anticiper cette hausse et demander une augmentation de salaire à leur employeur. Un surcoût que l'entreprise va répercuter sur ses tarifs, ce qui va participer à la flambée générale.
Dans le domaine alimentaire, l'augmentation devrait rester modérée: 2 à 3% au moment de passer à la caisse, selon Sergio Rossi. Même si les céréales, le sucre, les huiles ou la viande ont pris l'ascenseur, la forte concurrence qui règne dans ce secteur devrait servir de frein. «Les entreprises rechignent à augmenter leurs prix, car elles risquent de perdre des parts de marché. Elles préfèrent diminuer leurs marges plutôt que de perdre des clients», détaille l'économiste.
Automobile, électronique, construction et transport. Voilà les secteurs où cela va faire le plus mal au porte-monnaie. Sergio Rossi pronostique une hausse de 10 à 15%, notamment parce que ces domaines sont fortement tributaires des matières premières (entre autres le cuivre, l'étain, le nickel, l'aluminium, le pétrole et le bois).
Pour l'exemple, 10% d'augmentation sur une voiture à 30 000 francs cela représente tout de même 3000 francs. Et sur une maison à 1 million: 100 000 francs. Sergio Rossi souligne que les prix peuvent plus facilement être répercutés sur le client dans ces secteurs, car la concurrence y est moins forte.
Elle devrait tout de même jouer un rôle en limitant la flambée dans les premiers temps. «Il faut aussi dire que ces hausses de prix des matières premières poussent au progrès technologique. Les entreprises vont chercher à innover pour utiliser moins de matière ou un produit différent, ce qui pourrait limiter», précise Sergio Rossi.
Tout en rappelant ne pas pouvoir prédire l'avenir, l'économiste envisage une stabilisation des prix d'ici fin 2021. Seul problème, selon lui, une fois un certain seuil atteint il est très difficile de redescendre. Ce mécanisme a donc un impact sur la durée: «Les salaires augmentent mais pas aussi vite que les prix. Le consommateur est donc lésé car, au final, cela diminue son pouvoir d'achat», analyse l'expert tout en soulignant que le phénomène amène une paupérisation de la classe moyenne.
Du côté de la FRC, Jean Busché, nouveau responsable économie, assure que la fédération romande reste attentive au phénomène en surveillant les impacts potentiels sur le porte-monnaie des Suisses à long-terme. Il renvoie, par ailleurs, à l'initiative de la FRC sur l'îlot de cherté que représente notre pays. «La hausse des matières premières peut être absorbée par les entreprises sans que cela ne se répercute sur le consommateur. Et si, malgré tout, les prix augmentent de manière injuste, ce sera notre boulot de réagir.»