Il s'agissait d’un symbole national. Un hommage. Une œuvre d'art signée par nul autre que l'artiste Banksy, pour faire honneur aux victimes du 13-Novembre. La porte, c'était celle du tristement célèbre Bataclan. Ce 26 janvier 2019, à peu près 4 heures du matin, elle est subtilisée par trois camarades, dont le procès s'est ouvert mercredi.
Ce soir là, Franck Aubert, Danis Gerizier et Kévin Gadouche sont sur la touche. C'est Danis et Kévin qui auraient ouvert la porte, au moyen d'un pied de biche, avant de la porter jusqu'à Franck. Le troisième homme, pour sa part, aurait été chargé de découper les gonds à l'aide d'une meuleuse, reliée à un groupe électrogène dans le fourgon du trio.
Bref, l'opération est un succès. La porte est volée.
«Ce n'est pas n'importe quelle porte, n'importe quelle œuvre», a souligné aujourd'hui la présidente du tribunal. «Le Bataclan, c'est un traumatisme pour la France, le symbole est très important.»
«L'argent», répond d'une voix étouffée Kévin Gardouche. «Les Banksy, c'est hors de prix...»
«Vous vous êtes dit: l'argent. Et le symbole des victimes de terrorisme ?», poursuit la magistrate.
«J'ai pas pensé».
Son coprévenu dit regretter lui aussi. «Je ne savais pas ce qu'elle représentait en fait (...) je ne pensais pas que ça allait avoir autant d'impact». «Je sais que c'est un très grand manque de respect, c'est sûr», confesse le troisième prévenu, «mais je n'ai pas réfléchi tout de suite».
Selon Danis Gerizier, ce sont Franck et Kévin qui ont eu cette folle idée, et qui lui ont proposé d'y prendre part un mois avant les faits. Il a hésité. Il finit par céder. «On est venu me chercher, le 25 janvier au soir, tout était prêt».
Pendant que Danis raconte, Kévin et Franck, amis «depuis très longtemps» mais ont «coupé les ponts», sont debout côte à côte à la barre. Entre eux, la tension est forte. Mais ils sont au moins d'accord sur une chose: la version de Danis ne colle pas à la réalité.
Selon Franck, c'est son coprévenu qui a eu l'idée du vol et c'est lui qui a «tout préparé». Il reconnaît être allé voir la porte par curiosité à l'occasion d'une manifestation des «gilets jaunes». Mais pour lui, il n'est pas question de «repérage». Plus encore, il affirme qu'il ne voulait pas participer. Il «espérait que ça avorte». Travaillant de «6h30 à 20h00», avec une «famille à s'occuper», il ne voulait pas «faire de conneries». S'il s'est résigné, c'est «par peur», après s'être fait «tirer dessus» au «Colt 45» par son ancien ami, assure-t-il.
«Ce monsieur, il ment», s'énerve Kévin Gadouche. Ils ont eu l'idée «ensemble» et c'est son coprévenu qui s'est chargé d'acheter et de préparer le camion, jure-t-il. «Vous avez de l'expérience: vous avez déjà entendu ça, quelqu'un qui menace quelqu'un d'autre pour aller voler quelque chose ?», lance ce barbu aux cheveux longs retenus en chignon.
Infidélité, menaces, volonté de vengeance: les tensions entre les prévenus et leurs compagnes, tous placés sur écoute, ont mis les policiers sur la piste du lieu où était cachée la porte.
Après le vol, la porte a été acheminée en Isère, puis dans le Var. Elle a ensuite été emmenée à Tortoreto puis dans une ferme de Sant'Omero en Italie, où elle a été retrouvée saine et sauve le 10 juin 2020. Aucune tentative de revente n'avait eu lieu et personne n'avait touché d'argent. (mbr/ats)