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Pologne: pourquoi la victoire de l'opposition est importante

epa10920951 Leader of main opposition party Civic Platform (PO) Donald Tusk (C) reacts during Law and Justice party parliamentary elections night in Warsaw, Poland, 15 October 2023. Parliamentary elec ...
Acclamation de Donald Tusk, le leader de l'opposition polonaise.Image: keystone
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Pourquoi la victoire de l'opposition polonaise est si importante

Malgré tous les obstacles qu'ils avaient mis e place, les populistes de droite polonais ont subi une défaite dans les urnes. Une grande victoire pour la démocratie et pour l'Europe.
17.10.2023, 11:4517.10.2023, 13:00
Philipp Löpfe
Philipp Löpfe
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Le monde entier a les yeux rivés sur le Proche-Orient et l'Ukraine. Pendant ce temps, les élections les plus importantes depuis trois décennies ont eu lieu, dimanche, en Pologne. Elles sont passées largement inaperçues. L'enjeu était pourtant de taille. Il ne s'agissait pas seulement de savoir si l'Etat de droit et la démocratie polonaise allaient survivre. Une victoire des populistes de droite aurait également constitué une épreuve de vérité pour l'UE. Mais reprenons les choses dans l'ordre.

Au cours des huit dernières années, la Pologne a été gouvernée par le parti populiste de droite Droit et Justice (PiS). L'homme fort de ce parti, Jarosław Kaczyński, a suivi le plan de Viktor Orbán, le premier ministre hongrois.

Jaroslaw Kaczynski leader of ruling party Law and Justice during program convention in Warsaw, Poland, on May 13, 2023
NO SALES POLAND (Photo by Andrzej Iwanczuk/NurPhoto via Getty Images)
Défait: Jarosław Kaczyński était l'homme fort de la Pologne, jusqu'à présent. Image: NurPhoto

Médias, justice et système politique verrouillé

Comme en Hongrie, les médias polonais sont largement uniformisés et au service de la propagande d'Etat. Il existe cependant encore une chaîne de télévision indépendante. Elle appartient à une société américaine, mais elle est payante, ce que les Polonais ordinaires ne veulent ou ne peuvent pas se permettre.

Kaczyński a également veillé à ce que le système judiciaire soit au service du PiS. Les juges indépendants ont été soit mis à la retraite anticipée, soit licenciés sous des prétextes fallacieux. L'administration a également été dotée de personnes loyales au PiS. «Avant 2015, la Pologne n'avait certes pas une administration parfaite, mais elle était largement apolitique», constate Anne Applebaum dans l'Atlantic:

«Entre-temps, la Pologne a contraint les fonctionnaires apolitiques à un népotisme systématique»

L'historienne Applebaum est spécialiste de l'histoire de l'Europe de l'Est et mariée à l'ancien ministre polonais des Affaires étrangères, Radosław Sikorski.

Bien entendu, ce que l'on appelle en américain le «gerrymandering» a également été pratiqué à grande échelle. En d'autres termes, les circonscriptions électorales ont été divisées de manière à ce que le PiS en profite massivement.

Surf sur le complotisme

Faisant suite à cela, les théories du complot n'ont pas manqué. La plus importante d'entre elles concerne un accident d'avion survenu en 2010. Un appareil transportant une délégation gouvernementale polonaise s'était écrasé près de la ville russe de Smolensk. Le frère jumeau de Kaczyński, Lech, qui était alors président, faisait partie des 96 victimes.

Poland's main opposition leader Donald Tusk smiles after casting his ballot during parliamentary elections in Warsaw, Poland, Sunday, Oct. 15, 2023. The outcome of Sunday's election will det ...
Donald Tusk fait la fête avec ses partisans.Image: keystone

Le crash était un accident, comme le confirment d'innombrables enquêtes. Malgré cela, le PiS a construit, à partir de cet événement, une théorie du complot selon laquelle le crash aurait été orchestré par les Russes et dissimulé par Donald Tusk, le premier ministre polonais de l'époque. Cette thèse absurde a plus ou moins la même valeur chez les conservateurs de droite polonais que le Big Lie chez les républicains américains.

En guerre avec l'Union européenne

Le PiS était également en conflit permanent avec l'UE. Bruxelles n'acceptant pas que l'Etat de droit soit ébranlé, les fonds d'aide destinés à la gestion de la crise Covid ont été gelés. Parallèlement, Kaczyński et son parti ont à nouveau tenté de faire de la vieille hostilité envers l'Allemagne un thème central de la campagne électorale. Des exigences absurdes ont été formulées à l'adresse de Berlin. Pendant ce temps, le leader de l'opposition, Tusk, se faisait dénigrer comme étant une marionnette présumée des Allemands.

D'une manière générale, la campagne électorale a été extrêmement malsaine. Le PiS n'a laissé passer aucun sale coup. Ainsi, parallèlement aux élections, un vote a été organisé sur un référendum où il fallait répondre à des questions comme: «Voulez-vous soutenir l'arrivée chez nous de milliers d'immigrés illégaux du Moyen-Orient et d'Afrique?». En même temps, par ce référendum, le PiS a pu dépenser bien plus d'argent pour sa campagne électorale que ce qui est légalement autorisé.

La joie règne à Bruxelles comme à Kiev

Ces mesures n'ont pas été suffisantes. L'opposition centriste pro-européenne a remporté les législatives en Pologne, selon les résultats partiels publiés lundi soir. Concrètement, il s'agit de trois partis qui ont formé une alliance contre le PiS. Même si ce dernier reste le plus fort, il n'a pas assez de sièges pour pouvoir former un gouvernement. «C'est la fin des mauvais jours», se réjouit donc le chef de l'opposition Tusk:

«C'est la fin du gouvernement PiS. Nous avons réussi. La Pologne a gagné, la démocratie a gagné»

La joie règne tant à Bruxelles qu'à Kiev. L'UE s'épargne ainsi une épreuve de force avec Varsovie. Une épreuve de force qui serait sans doute devenue inévitable si le PiS avait remporté les élections.

A Kiev, on peut également pousser un soupir de soulagement, car le soutien de son voisin devrait être assuré jusqu'à nouvel ordre. C'est très important. En Slovaquie, Robert Fico a récemment remporté les élections, un populiste de droite qui veut mettre fin à l'aide à l'Ukraine. Kaczyński avait, lui aussi, pris de plus en plus de distance avec Kiev lors de la campagne électorale.

Comme nous l'avons dit, les résultats ne sont pas encore définitifs et, puisque la participation des quelque 30 millions de Polonais en âge de voter a été exceptionnellement élevée.

De plus, il n'est pas exclu que Kaczyński tente de faire du Trump et de nier le résultat des élections. Il l'a déjà menacé:

«Nous avons devant nous des jours de lutte et de tensions. Nous devons espérer et croire que nous continuerons à atteindre nos objectifs, qu'il s'agisse de rester au pouvoir ou de devoir passer dans l'opposition.»

Traduit et adapté par Nicolas Varin

Gaza après les bombes
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