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Les flics français, artisans du chaos?

Chaos samedi 25 mars à Sainte-Soline, dans l'Ouest de la France.
Chaos samedi 25 mars à Sainte-Soline, dans l'Ouest de la France.image: capture d'écran
Analyse

Les flics français, artisans du chaos?

Chaos dans les villes et dans les champs comme samedi à Sainte-Soline. A la veille d'une nouvelle journée de mobilisation, les violences redoublent en France. La police fait figure d'accusée dans les rangs contestataires.
27.03.2023, 16:5027.03.2023, 19:39
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Poutine et les mollahs iraniens se gaussent du chaos français. Alors que le Kremlin vante son régime social qui permet aux femmes russes de partir à la retraite cinq ans plus tôt que les hommes, Téhéran appelle la France à «écouter la voix de (son) peuple et éviter de faire usage de violence à son égard». La France «donneuse de leçons» se fait sermonner par des autocrates, repris par l'armée des relativistes sévissant sur les réseaux.

Violences aux méga-bassines

Le spectacle français n'en est pas moins affligeant. Des feux partout. Dans les rues et maintenant dans les champs. Et une accusation entêtante, celle de «violences policières». Il s’est joué samedi à Sainte-Soline, en pleine campagne, dans le département des Deux-Sèvres, à deux pas de la côte Atlantique, une partie à très haut risque, dont l’enjeu est l’installation de «méga-bassines» destinées à l’irrigation des cultures.

On a frôlé la mort dans les rangs des forces de l’ordre comme dans ceux des manifestants écologistes inquiets de la gestion de l'eau et opposés à un «modèle d’agriculture intensif» – deux manifestants sont dans le coma, la justice a ouvert une enquête. Il y avait là des black blocs, venus pour «casser du flic».

Le déploiement des forces de l’ordre était impressionnant: 3000 hommes pour sécuriser l'immense réservoir d'eau en cours d'aménagement et empêcher la possible installation d’une ZAD, une zone à défendre. Près de 4000 grenades, lacrymogènes et de désencerclement, ont été lancées en moins de deux heures. En face, 30 000 opposants, selon les organisateurs, dont environ un millier d'individus décidés à agir violemment et qui l'ont fait.

«Armes de guerre»

Comme extraites d’un «Mad Max», les images ci-après attestent de la réalité de forces de l’ordre prises sous une pluie de projectiles, pierres et objets incendiaires:

Vidéo: watson

Sainte-Soline apparaît comme le prolongement si peu champêtre de la révolte contre la réforme des retraites, au nom d'une «convergence des luttes sociales».

Dans un pays hyper-fracturé, les extrêmes, en premier lieu l'extrême gauche, cherchent à renforcer leur camp. Commentant les images retransmises en direct des Deux-Sèvres, qui montraient pourtant des véhicules de police et de gendarmerie en feu, Jean-Luc Mélenchon, le «père» de La France insoumise, dont une poignée d'élus était présente parmi les manifestants, a tweeté:

«Assez de violences policières!»

La presse de gauche rend l’Elysée responsable de la situation. Le quotidien Libération, qui rapporte la présence d’«armes de guerre» dans l’arsenal des forces de l’ordre samedi à Sainte-Soline, titrait lundi: «Répression policière: l’escalade», quand Mediapart évoque des moyens policiers «disproportionnés»:

«Les fossoyeurs de l’ordre républicain»

La presse de droite pointe à l'inverse les responsabilités à gauche. Après les événements de Sainte-Soline, le titre de l'éditorial du Figaro est sans appel: «Ecologistes et mélenchonistes: les fossoyeurs de l’ordre républicain». A l’extrême droite, le député Rassemblement national Jean-Philippe Tanguy, invité de l’émission dominicale C Politique, y est allé d’une tirade contre l’«anarchisme», qui, a-t-il dit, représente «zéro» en France, manière de nier toute légitimité aux activistes anti-bassines:

«Vous avez un mandat pour venir détruire des bassines? Vous avez un mandat de qui?»
Vidéo: watson

Témoignages après humiliations

A Paris, les violences policières ont si l’on peut dire un matricule, celui des Brav-M, les brigades de répression des actions violentes motorisées. Créées en 2019 pour faire front aux gilets jaunes, les Brav-M se comporteraient comme des cowboys échappant à tout contrôle hiérarchique. Des policiers appartenant à cette unité sont soupçonnés d’avoir intimidé et agressé physiquement un groupe de sept jeunes gens dans la nuit du lundi 20 mars. Voici un enregistrement de ce «dérapage» rendu public par le média Loopsider:

«Les têtes, on les retient. La prochaine fois, tu vas monter dans l'ambulance»

L’un des interpellés, un étudiant tchadien, témoigne sur BFMTV de coups reçus et de propos humiliants – le préfet de police de Paris, Laurent Nunez, a condamné ces actes, une enquête interne a été ouverte.

Le pouvoir incarné par Emmanuel Macron est plus que jamais sous pression à la veille d’une nouvelle journée de mobilisation, mardi, contre la réforme des retraites, au sujet de laquelle le Conseil constitutionnel doit encore rendre un avis.

Les accusations de violences policières pleuvent sur le président de la République, tenu pour responsable d’une situation chaotique où les coups partent en tous sens – les premiers étant généralement assénés par des groupuscules violents de l'ultra-gauche.

Malik Oussekine: un précédent dramatique

Les Brav-M, dont la Commissaire aux droits humains du Conseil de l’Europe reproche un usage excessif de la force, peuvent à certains égards rappeler les «voltigeurs». Ces unités de police à motos avaient été dissoutes après la mort en 1986 de Malik Oussekine, un lycéen. Suite à ce drame provoqué par les coup de policiers voltigeurs, la réforme avait été abandonnée. Depuis, on dit que tous les présidents de la République vivent dans la hantise que se reproduise un drame de ce type. A la différence des voltigeurs, les Brav-M doivent descendre de leur moto pour frapper.

La guerre de mots

Entrée dans le vocabulaire des manifs, l’expression «violences policières» est connotée idéologiquement – à l’avantage de la gauche. Apparue durant la crise des gilets jaunes, réprimée au flashball, ce qui avait provoqué des éborgnements, elle a peu à peu remplacé des termes autrefois consacrés, comme «exactions» ou «bavures».

Si la chose existe, l’emploi des mots «violences policières», dans un Etat de droit où les forces de l’ordre détiennent le monopole de la violence légitime, peut en certaines circonstances délégitimer la répression policière au profit de la violence sociale, alors jugée plus légitime. L'issue à la crise actuelle dépend, entre autres, de ce rapport de force sémantique.

Les cimetières russes semblent de plus en plus étroits
Video: watson
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