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En Suisse, l’immobilier est en crise et ça ne fera qu’empirer

En Suisse, le nombre de permis de construire a diminué de 27% ces cinq dernières années.
En Suisse, le nombre de permis de construire a diminué de 27% ces cinq dernières années.image: keystone, montage: watson

En Suisse, l’immobilier va mal et ça ne fera qu’empirer

Le milieu de la construction est en berne ces dernières années. Le phénomène s'observe partout dans le monde et, bien sûr, en Suisse. Etat des lieux.
26.04.2025, 18:5226.04.2025, 18:52
Niklaus Vontobel / ch media
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La tendance existe depuis longtemps, et elle ne s'améliore pas. Bien au contraire. L'immobilier se fait de plus en plus rare, les prix et les loyers augmentent. Ce n'est pas seulement un problème suisse, ni même européen. Le magazine The Economist explique même à ses lecteurs du monde entier:

«Dans certains endroits, les marchés locatifs sont devenus complètement fous»

Avant la pandémie, les loyers n'avaient pas encore flambé dans les riches pays industrialisés, avance encore The Economist. Les prix à la location de nouveaux logements augmentaient alors en moyenne d'environ 2% par an, dans les états membres de l'OCDE. Cela n'était déjà pas négligeable, mais avec le recul, on peut se dire que cela n'était toutefois qu'un début.

Car depuis cette période, les loyers augmentent de 5% par an, à un rythme jamais vu depuis des décennies. Et selon The Economist, c'est «too fast». Cela signifie qu'au cours des deux dernières années, les loyers ont augmenté dans différentes régions européennes. Le bureau de conseil suisse Wüest Partner a analysé 28 pays. Dans 27 d'entre eux, les loyers ont augmenté, dans 13 de plus de 10%, dans 3 d'entre eux, on constate même une augmentation de plus de 20%.

C'est pareil pour les futurs propriétaires

Avec 5,6%, la Suisse fait encore bonne figure dans cette statistique. Mais ces 5,6% ne s'appliquent qu'aux contrats en cours, qui sont liés aux taux hypothécaires. Cela n'aide pas ceux qui doivent trouver un nouveau logement, et doivent payer des loyers qui ont augmenté de 10,6% au cours des deux dernières années.

La pénurie se répercute également sur ceux qui souhaitent acheter, selon Wüest Partner. Au cours des dix dernières années, le rêve de devenir propriétaire a continué d'échapper à la classe moyenne européenne. Sur 26 pays, les prix des logements ont augmenté plus rapidement que les revenus dans 20 d'entre eux. Au Portugal, de plus de 50% plus vite, aux Pays-Bas, 30%, et en Suisse de 26% plus rapidement que les salaires.

Construction en berne

Dans une économie de marché, on dit que quand le bâtiment va, tout va. Et des prix élevés peuvent même constituer une belle promesse de profits pour les investisseurs. Or, au lieu de voir des grues pousser comme des champignons dans les villes européennes, c'est le contraire qui se produit.

Dans 19 pays sur les 28 recensés, on construit moins. En 2023, le nombre de permis de construire pour des logements était inférieur à celui de 2018. Les baisses les plus significatives concernent la Suède, la Finlande (-52% dans les deux cas) et l'Autriche (-44%). Dans ce classement de l'échec de la croissance, la Suisse arrive en neuvième position, avec une chute de 27%.

En Suisse, la crise du logement est importante

Où le logement est-il le plus rare? Pour ces 28 pays, Wüest Partner a sélectionné une série de statistiques concernant la crise du logement, comme les loyers, l'activité de construction, les coûts. L'entreprise a ensuite réuni ces statistiques en un seul indicateur permettant de comparer les 28 pays. Il en ressort que la crise la plus grave sévit au Luxembourg, puis en Irlande, en Norvège, et en quatrième position, en Suisse.

C'est au Luxembourg que la population augmente le plus rapidement, avec 4% supplémentaires entre 2021 et 2023. La demande y croît donc particulièrement vite, alors que la construction reste particulièrement à la traîne. Le Luxembourg est le pays qui compte le moins de logements par habitant. Ceux-ci étant rares, les loyers et les prix de l'immobilier sont très élevés. On reste donc plus longtemps chez ses parents, on fait la navette depuis les pays proches de la frontière, ou on quitte le Luxembourg de façon définitive.

En Suisse également, la construction ne peut pas suivre le rythme de l'augmentation de la population. En 2023, la Suisse comptait 2,1% d'habitants de plus qu'en 2021, principalement parce que l'économie a créé de nombreux emplois, et a donc fait venir de nouveaux travailleurs dans le pays. Toutefois, le nombre de permis de construire a diminué de 27% au cours des cinq dernières années.

Les oppositions freinent la construction

Cette crise de l'immobilier a plusieurs causes. Certaines disparaîtront d'elles-mêmes, mais d'autres semblent être là pour durer. Avec la vague d'inflation de 2022, les coûts de construction ont fortement augmenté, ce qui rend la construction moins intéressante. Il en a été de même pour les taux d'intérêt. Maintenant que l'inflation est derrière nous, ces écueils se sont réduits.

D'autres problèmes ne disparaîtront pas tout seuls, et font l'objet de luttes politiques. Selon Wüest Partner, il s'agit notamment de réglementations plus strictes, par exemple environnementales, et de la résistance locale à la densification des constructions par le biais des oppositions. Un phénomène appelé à l'international «Not in my backyard». On se plaint du manque de logements, mais on ne veut pas de chantiers dans son voisinage. Cet effet est d'autant plus important que la population se concentre dans les villes.

La crise immobilière a un impact social

La crise immobilière a également des répercussions sociales. C'est en partie pour cette raison que le nombre de naissances a fortement chuté en Europe. Les jeunes adultes restent aussi plus longtemps chez leurs parents. Les familles quittent les centres-ville coûteux pour s'installer dans les agglomérations ou en zones rurales. Selon les calculs d'UBS, les personnes qui ont fui les villes paient des loyers 38% moins chers, dans les localités situées à une demi-heure de route de Zurich. Autour de Berne et de Bâle, ce chiffre est de 22%.

Dans cette crise de l'immobilier, posséder ou non son logement, et réduire ses mensualités, est devenu crucial pour les ménages d'un point de vue financier. Ceux qui ont pu devenir propriétaires tôt s'enrichissent désormais grâce à cette tendance du marché, tandis que le coût de leur logement est beaucoup plus bas que la moyenne, selon l'étude d'UBS. D'autres sont arrivés trop tard, ne trouvent plus rien, doivent acheter très cher ou rester dans un logement au loyer onéreux.

D'autres encore habitent depuis longtemps dans le même locatif, et bénéficient donc de prix assez bas. Ils craignent cependant d'être expulsés, car il savent qu'ils ne pourront plus trouver quelque chose de comparable pour le même loyer, et de finir à la rue comme aux Etats-Unis ou au Canada, où le nombre de sans-abris ne cesse d'augmenter.

Comme l'écrit The Economist, la hausse des loyers peut également provoquer un sentiment d'injustice, et finir par avoir des conséquences politiques. Une récente étude de l'université d'Oxford montre par exemple qu'en Allemagne, «les loyers plus élevés représentent une menace importante pour le statut social des personnes à faible revenu, ce qui entraîne une plus grande propension à soutenir la droite radicale».

(Traduit de l'allemand par Joel Espi.)

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