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Analyse

Non, Eric Zemmour n’est pas qu’une «construction médiatique»

Eric Zemmour (à gauche), qui fut longtemps chroniqueur vedette d'«On n’est pas couché», l'ex-émission de France 2 animée par Laurent Ruquier (à droite).
Eric Zemmour (à gauche), qui fut longtemps chroniqueur vedette d'«On n’est pas couché», l'ex-émission de France 2 animée par Laurent Ruquier (à droite).image: montage sainath bovay
Analyse

Non, Eric Zemmour n’est pas qu’une «construction médiatique»

Qu'est-ce qui fait le succès (relatif) d'Eric Zemmour, le probable futur candidat à l'élection présidentielle française? Réponse: son omniprésence médiatique depuis 20 ans. Mais encore...
20.11.2021, 16:5306.12.2021, 15:54
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Difficile de nier qu’Eric Zemmour occupe le terrain médiatique. Il est présent dans les médias depuis une vingtaine d’années. Là où cela compte le plus, à la télé et à la radio. Avec Zemmour sur les plateaux comme à l'antenne, c’est ou c’était, parenthèse électorale oblige, le succès assuré. Comme chroniqueur, il a fait les grandes heures d’«On n’est pas couché», l’ex-émission-vedette du samedi soir sur France 2, animée par Laurent Ruquier, qui, depuis, s'en veut de lui avoir offert une tribune.

«Diagnostic»

Eric Zemmour aurait pu «dégager du paysage» il y a longtemps s’il avait été jugé plombant pour l’audience. S’il est demeuré en place, c’est que sa parole plaisait, heurtait, faisait mouche. Disait quelque chose. Avait un sens. Le système médiatique s’est plus servi de Zemmour que l’inverse. On ne peut imputer au seul pouvoir de l’image et du son sa percée dans les sondages. S’il a bondi dans les intentions de vote sans même être candidat, quand d’autres, plus à gauche qu’à droite, continuent d’y stagner bas, ce n’est pas dû à la seule magie du «vu à la télé». C’est parce que ses idées «rencontrent un diagnostic» fait par une partie des Français, comme l’analysait dernièrement le sondeur et essayiste Jérôme Fourquet au micro de La 1ère.

En Suisse aussi, ce que dit Zemmour épouse le diagnostic d’une partie de la population. Bertrand Reich, le président du PLR genevois, opposé à la «censure préalable» à laquelle la gauche genevoise entend soumettre l’idéologue identitaire, estime ainsi que le probable futur candidat à l’élection présidentielle «ne dit pas que des choses fausses ou inadmissibles».

«Eric Zemmour rappelle à la droite française qu’elle a mis de côté des questions qui reviennent tel un boomerang dans le débat. Je pense au rôle de l’Etat, à la primauté de la loi au fond des vallées comme dans les cités. Je pense à la séparation nécessaire de l’Eglise et de l’Etat.»
Bertrand Reich, président du PLR genevois

Soral, Dieudonné, Zemmour

Sur la question du «deux poids, deux mesures», très présente sur les réseaux sociaux chez les opposants à Eric Zemmour et dont celui-ci bénéficierait au regard du bannissement frappant deux autres polémistes, Soral et Dieudonné, Bertrand Reich dit ne voir «aucune partie intéressante dans les propos de [ces derniers] contrairement à ce qu'on peut trouver dans ceux tenus par Eric Zemmour».

Chez le conseiller national UDC valaisan Jean-Luc Addor, fer de lance du combat (gagné) contre le voile intégral en Suisse, l’adhésion semble totale:

«C’est avec grand plaisir que je viendrais écouter Eric Zemmour, mais je serai pris par autre chose à ce moment-là. C’est un homme cultivé, qui a le recul nécessaire pour émettre des jugements sur la situation de la France. Il ose dire les mots: islam, immigration, grand remplacement. Il a les yeux ouverts sur l’avenir de notre civilisation.»
Jean-Luc Addor, conseiller national UDC/VS

Répétons-le, ce n’est pas seulement la télé et la radio qui font la popularité d’Eric Zemmour auprès d'une frange des Français et des Suisses romands. Il n’empêche: avoir un média national, sinon plusieurs, dans sa manche, ça aide. A ce titre, la récente enquête du quotidien français Le Monde sur les liens entre le milliardaire breton Vincent Bolloré, propriétaire de la chaîne CNews, et son poulain Zemmour pour la présidentielle, est édifiante.

Le poids des idées

Mais à la lecture de cet article fouillé, on prend moins conscience, s’il le fallait encore, du rôle de l’argent en politique, que du poids qu'y exercent les idées. Chez Zemmour et Bolloré, des idées conservatrices qui remuent une masse incalculable de choses restées longtemps enfouies, comme des nostalgies d'Algérie française, partagées par le juif du Constantinois et le catholique du Finistère. On s'en doutait, Zemmour et Bolloré, ils ne sont pas les seuls, ont en horreur le «néoféminisme» et le «wokisme». N’en jetez plus, la coupe est pleine…

Les coches de l'extrême droite

C’est à ce moment-là généralement que la gauche tire la chasse en qualifiant le tout d’«extrême droite». Elle croit se débarrasser d’un gros problème, elle ne fait que l’évacuer. Oui, Eric Zemmour coche pas mal de cases à l’extrême droite: il désigne un bouc-émissaire, l’islam, et les musulmans ont tout lieu de se sentir concernés; il restaure l’image d’un Pétain «bouclier» de la France face aux Allemands, qui plus est sauveur des juifs français; il remet en cause la séparation des pouvoirs telle qu’elle existe entre l’exécutif et la justice.

«Les bonnes questions, les mauvaises réponses»

Mais les solutions prônées mises à part, il y a le «diagnostic». Une distinction qu’avait faite dans les années 80 l’ex-premier ministre socialiste français Laurent Fabius. A propos de Jean-Marie Le Pen, l’ancien leader du parti d’extrême droite Front national, il avait dit, ce qui lui avait été vertement reproché à gauche: «Il pose de bonnes questions mais il apporte de mauvaises réponses.»

Ces questions sont aujourd’hui celles des «racines», du «mode de vie», de la « sécurité» et de son corollaire l’«insécurité». Des thèmes gênants pour la gauche.

Une anecdote rapportée par votre serviteur:

Alors que j’évoquais le thème de l’insécurité avec un ancien rédacteur en chef d’un journal français situé à gauche, il donnait l’impression de vouloir minimiser la réalité du phénomène, arguant de la diminution du nombre des homicides ces quarante dernières années en France. Sauf qu’il ne s’agissait pas d’homicides, mais de coups et blessures d’une part, d’incivilités d’autre part. Là-dessus, il m’avouait qu’il n’interviendrait pas si un individu se montrait bruyant dans un transport public, de peur de prendre un coup.

Cette façon de minimiser une certaine réalité, à des fins politiques, de marketing éditorial ou encore pour se rassurer, a permis à des extrémistes, dont Zemmour fait désormais partie, d’apparaître comme des diseurs de vérités, fussent-elles entrelardées de mensonges ou d'exagérations.

Mohamed Merah prems

Une partie de la gauche, celle qui voit l’origine de tous les maux dans des rapports de domination, accuse Zemmour d’œuvrer par ses propos à l’avènement de la guerre civile (il rétorque que c’est en en pointant le risque que la France l’évitera). Mais ce que cette gauche omet de dire, c’est que les attentats islamistes, à compter de ceux commis par Mohamed Merah en 2012, ont été, en soi, des actes de guerre civile obéissant à des desseins djihadistes, et qu’ils ont contribué à raidir les rapports identitaires en France, au point qu’il faut craindre à présent des attentats fomentés par l’ultra-droite.

Non, le succès relatif d’Eric Zemmour ne se réduit pas à sa seule présence médiatique.

«Un mec intelligent», «raciste»: ce que les Suisses pensent de Zemmour
Video: watson
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