Vénérées comme des reines par leurs soumis, les maîtresses dominatrices ont fait de Twitter leur royaume. Peu regardant envers les contenus sexuels, le réseau social n'est pas du genre à modérer les paires de fesses et les messages crus. «Sur Twitter, il n'y a pas de censure sur le sexe, donc il s'y développe un petit monde parallèle», nous guide A.
À 23 ans, elle a décidé de se reconvertir en «domina», le nom de ces personnages féminins autoritaires assoiffés d'argent. Et ces dominatrices n'y vont pas de main morte:
Les moyens d'attirer ceux que les dominas appellent leurs soumis sont nombreux. Cela peut aller de la simple publication d'un ticket de caisse post-shopping à rembourser, à la mise en ligne d'une cagnotte Lydia ou Galeries Lafayette. Mais sur certaines plateformes comme Vends ta culotte, les dominatrices peuvent aussi proposer des services en échange.
Publier une photo humiliante de leur soumis sur Twitter coûtera quinze euros à l'heureux élu. Se faire ignorer lors d'une session cam de 30 minutes? Cela peut grimper jusqu'à 60 euros. Un coup de téléphone humiliant d'un quart d'heure? C'est 33 euros. Le temps des dominas, c'est de l'argent.
Depuis, pour compléter son chômage, elle poste elle aussi des messages autoritaires pour appâter le chaland. Pêle-mêle: «Alors les loosers, qui pour me servir?», «Bon les putes j'ai la vaisselle à faire et la salle de bain à nettoyer. Tu veux lécher mes pieds? C'est le moment» ou «Je mange avec ma copine, tu rembourses».
À côté de Twitter, elle possède également un compte OnlyFans, qu'elle n'actualise plus beaucoup. Moins rentable et moins marrant: «Gagner 250 euros en disant juste au mec "encore mon chien, j'en veux encore" c'est plus cool que quand ça ne monte qu'à 100».
Avec un seul soumis, elle explique parfois gagner autant en un jour qu'en un mois sur OnlyFans. Pour s'assurer de la visibilité, multiplier les moyens de gagner de l'argent ou pour le plaisir qu'elles en retirent, les dominas multiplient leur présence sur différentes plateformes.
B., qui jongle entre OnlyFans, Vends Ta Culotte et Twitter, a elle aussi pris goût à ce jeu et au personnage despotique qu'elle a créé, qui, d'après elle, ne serait pas trop loin de la réalité:
B. a également été travailleuse du sexe avant de se lancer dans la domination en novembre 2020. Son truc? Uniquement le findom (financial domination), la domination financière. Une activité à laquelle elle consacre des heures: «Tous les jours, il faut produire du contenu excitant, le mettre en avant ou discuter avec les réguliers comme avec les nouveaux. Je passe en moyenne huit heures par jour sur Twitter et sur les autres plateformes. Mais quand je me lève et que je n'ai pas envie, je ne me force pas».
Sa pratique, B. ne la résume pas qu'à une question de rentabilité par rapport au temps passé et raconte être «vraiment excitée» par ce qu'elle fait. Elle rajoute que, de toute façon, elle a un métier à côté.
L'argent récolté par les dominas ne leur tombe pas dessus en un claquement de doigts, aussi bien manucurés soient-ils. Et la relation ne serait pas à sens unique. C., dominatrice depuis plus d'un an, insiste: «C'est donnant-donnant. Le dominé ne repartirait jamais les mains vides. Je ne dirais pas que les gens n'ont rien en retour».
«Même s'il y en a qui te font une offrande et que tu ne leur réponds jamais, bah c'est le délire. Il n'y a pas rien en échange de leur dévotion, ils n'ont pas payé pour rien. Moi je vais m'occuper d'eux, je vais m'occuper de leur dévotion. Même ceux qui ne raquent que de temps en temps, je parle avec eux. Et je sais qu'on est beaucoup dans ce cas. Enfin, une fois que la personne est rentable, mais c'est le principe en fait. C'est très stimulant pour les deux!»
«Chiens», «gros bouffons», «pigeons». Les dominés se font traiter de tous les noms et ils aiment ça. Comment expliquer qu'ils paient pour du mépris? «Le "money slavering" est assez complexe. Je ne l'explique pas, c'est un jeu de soumission», répond B. «Je pense qu'aucun "kink" sexuel ne s'explique à 100%. Certains disent que c'est une excitation en rapport avec le fait de raquer, d'autres que les hommes sont simplement heureux d'avoir notre attention».
Une attention qui ne se limite pas toujours au virtuel. A. rencontre parfois ses soumis. Elle pratique le cashmeet, des rencontres devant un distributeur de billets.
Une fois l'argent récolté, elle s'en va. A. donne aussi dans les séances réelles d'humiliation. «Je fais ces séances en duo, avec une amie, pour ne jamais être seule. Je fais en sorte de ne pas me mettre en danger.»
Certaines dominas s'échangent même des messages pour savoir si la personne qui les contacte est fiable. Pour l'instant, à part un homme qui l'a «plantée en plein rendez-vous shopping», elle n'a pas fait de mauvaises rencontres. Mieux: être domina regonflerait son ego.
«Je suis plutôt soumise dans ma vie perso, alors c'est marrant d'inverser les rôles. Les dominés cela peut être des vieux, des riches, des moins riches, des étudiants. Mais voir un mec tout musclé à ses pieds, c'est kiffant. Et ça peut changer ta vision des hommes.»
Cet article a été publié initialement sur Slate. Watson a changé le titre et les sous-titres. Cliquez ici pour lire l'article original