Etre l'héritier du trône d'Angleterre n'est pas toujours synonyme de tea time gourmands et cozy dans des salons chauffés. Charles III, qui a fêté son 74e anniversaire ce 14 novembre, le sait mieux que quiconque.
Publiés en primeur dans Vanity Fair, des extraits d'une nouvelle biographie à son sujet révèlent à quel point ses années dans un pensionnat en Ecosse ont durablement marqué le jeune prince.
A l'époque, l'adolescent est expédié au pensionnat pour garçons de Gordonstoun, sur la côte nord de l'Ecosse, par son père. Le prince Philip juge en effet que son fils est encore «trop mou» pour accomplir son royal devoir. «Gordonstoun était censé "faire de lui un homme", même si je n'ai jamais vraiment compris ce que cela signifiait», confie à l'auteur Margaret Rhodes, cousine et confidente d'Elizabeth.
La reine, pour sa part, convient que «quatre années à Gordonstoun devraient faire l'affaire».
C'est peu de dire que Gordonstoun ne sera pas une partie de plaisir pour le futur roi. Charles va jusqu'à comparer son pensionnat à la tristement célèbre forteresse médiévale Colditz, en Allemagne qui a servi de camp de prisonniers de guerre aux nazis: «Colditz en kilts».
Salles de classe dépourvues de chauffage et fenêtres laissées grandes ouvertes dans les dortoirs pendant la nuit (même en plein hiver), le prince se réveille souvent pour retrouver ses couvertures de lit incrustées de givre ou de neige. Lorsqu'il pleut, l'adolescent est obligé de ramasser ses couvertures et de dormir sur le sol, au centre de la pièce, rappelle son biographe.
Puis, pour commencer la journée du bon pied, les pensionnaires sont soumis à un régime conçu pour «secouer le sommeil»: une séance de course à pied dans la campagne avant l'aube, torse nu, suivie d'une douche glacée, conformément à la philosophie antédiluvienne de l'école selon laquelle «l'air frais de la nuit» est bon pour la santé.
«Le prince Charles a subi le pire, et je veux dire le pire que l'on puisse imaginer, simplement à cause de ce qu'il était», témoigne un ancien camarade, Ross Benson. En effet, outre ces traitements pénibles, le jeune roi peine à se trouver des alliés pour traverser ces quatre années de pensionnat.
Chaque fois que Charles marche dans un couloir pour se rendre en classe, il le fait invariablement au milieu d'un chœur de garçons faisant un grand bruit de succion, affirme Benson.
Lorsqu'il n'est pas assailli par ses coéquipiers de rugby ou bousculé sous la douche, le prince est maltraité jusque dans son lit, battu à coups de chaussures, oreillers et de poings, la plupart de ses nuits.
Le fait que Charles III ronfle n'aide pas. «Les gens de mon dortoir sont immondes. Bonté divine, ils sont horribles. Je ne vois pas comment on peut être aussi répugnant.»
Les brimades à Gordonstoun étaient, en fait, institutionnalisées. Selon un ancien camarade de classe, elles étaient particulièrement pénibles à Windmill Lodge, l'un des collèges du pensionnat, où un directeur sadique (décrit comme «un sale type... vicieux, un tyran classique») supervise la persécution des jeunes garçons par les plus âgés.
Les leçons de karaté et de boxe mises à part, Charles n'aurait pas vraiment opposé de résistance: «Peut-être qu'une ou deux fois il a fait l'effort», a déclaré un ancien professeur, «mais je ne l'ai jamais vraiment vu se défendre».
Ce séjour de quatre ans aura des effets plutôt délétères sur la santé physique et mentale, déjà fragile, du jeune homme: durant sa deuxième année à Gordonstoun, Charles contracte notamment une pneumonie et passe dix jours dans une maison de santé d'Aberdeen, en Ecosse.
Toutefois, il ne semble pas en garder rancune: dans une interview de 1975 déjà, rappelle The Telegraph, Charles a déclaré qu'il était «content» d'avoir fréquenté Gordonstoun, ajoutant que cela lui a appris «beaucoup sur moi-même et sur mes propres capacités et handicaps. Cela m'a appris à accepter les défis et à prendre l'initiative». (mbr)