Ce n'est pas un scoop, les Chinois doivent se contorsionner pour pouvoir s'exprimer sur les réseaux sociaux occidentaux. C'est d'ailleurs principalement par le truchement d'un VPN qu'ils parviennent à contourner les interdits en titane du gouvernement. Depuis quelques jours, si la colère de la population face à la violente politique «zéro Covid» se déverse sur le bitume des grandes villes, elle tente aussi de se frayer un chemin par le flux des réseaux sociaux occidentaux.
Dans les rues, pour ne pas se faire serrer (plus que de raison) par la police, les manifestants brandissent par exemple des feuilles A4 vierges ou une surprenante formule mathématique baptisée «équation de Friedmann», qui évoque l'idée de l'homme libre (free man).
Students from the elite school Tsinghua University protested with Friedmann equation. I have no idea what this equation means, but it does not matter.
— Nathan Law 羅冠聰 (@nathanlawkc) November 27, 2022
It's the pronunciation: it's similar to "free的man" (free man)—a spectacular and creative way to express, with intelligence. pic.twitter.com/m5zomeTRPF
Sur internet, véritable labyrinthe miné pour les Chinois connectés, les astuces vont également bon train. Dans le flux de Weibo, premier réseau social en Chine, la tendance du moment se présente sous la forme de messages faussement positifs et bienveillants, comme l'énigmatique «bon bon bon bon bon bon bon bon».
Tenez, en passant: saviez-vous que les mots «peau de banane» avaient les mêmes initiales que le nom du président Xi Jinping, en chinois? Autant d'ingéniosités qui, une fois postées, disparaissent aussitôt, mais l'abondance des publications est à la faveur des manifestants.
De son côté, le gouvernement ne semble pas dénué de munitions sur internet. Depuis plusieurs heures, sur Twitter, rechercher "北京" (Pékin) ou "上海" (Shanghai) vous fera invariablement tomber sur des spams qui, pour l'heure, rendent la voix des manifestants inaudible. Selon Alex Stammos, c'est même pire que ça. L'ingénieur du Stanford Internet Observatory estime que plus de 95% des tweets comprenant le mot "Pékin" proviennent de comptes fantômes.
Non seulement le Stanford Internet Observatory précise que les spams se renouvellent à une fréquence «dangereusement» industrielle, mais le contenu de ces écrans de fumée a de quoi surprendre. Pour la plupart, les internautes se voient imposer de la publicité pour des jeux d'argent en ligne, pour de la pornographie et pour des sites d'escort. Selon The Verge, «de nouveaux tweets apparaissent toutes les secondes sur des comptes qui publient des spams plusieurs milliers de fois par jour.»
Dolores sed accusamus quos rerum cupiditate aliquam animi est quis. #北京 #李沧 pic.twitter.com/6cHylyP6d4
— 杭州 深圳 上海 天津 江苏 广州 潍坊 西安 东莞 三亚 长沙 青岛 石家庄 (@Lynnett32663148) November 28, 2022
Si Musk n'a pas encore tweeté explicitement sur les événements en Chine depuis son rachat, il semblerait que «les analystes notamment chargés de contrôler l'influence gouvernementale chinoise ont tous démissionné», selon un ex-employé de la société cité par le Washington Post.
Rappelons enfin que si la politique «zéro Covid» du gouvernement chinois est en place depuis bientôt trois ans, les manifestations ont véritablement éclaté lorsqu'un immense incendie a tué dix personnes et blessé neuf autres dans la ville d'Urumqi. En cause? L'interdiction de quitter son appartement pour cause de pandémie de Covid-19.
Enfin, selon BBC News, dans les rues des principales grandes villes du pays, la police chinoise impose toujours aux manifestants de supprimer, et devant les agents, les photos de leur téléphone.