Lorsque le chef de l'administration de Hong Kong, John Lee, s'est présenté devant la presse mardi 4 juillet, l'homme de 61 ans s'est montré particulièrement sérieux:
Les «criminels» en question sont huit partisans du mouvement démocratique de Hong Kong qui vivent aujourd'hui en exil au Canada, en Australie, aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. Ces anciens députés et avocats sont accusés, entre autres, de séparatisme et d'atteinte à l'ordre public. Ils n'ont pourtant fait que participer à des manifestations à l'encontre de Pékin.
Lundi, les autorités de sécurité ont mis à prix la tête des huit Hongkongais pour un montant d'un million de dollars de Hong Kong. Cela correspond à près de 115 000 francs suisses. Cette somme est d'autant plus notable que Hong Kong n'en offre qu'une fraction quand il s'agit de retrouver des meurtriers et des violeurs en fuite.
Mais depuis que l'ancienne colonie de la couronne britannique a introduit, il y a trois ans, la loi controversée sur la sécurité nationale, l'état de droit est révolu à Hong Kong. Sous la pression du gouvernement central chinois, les autorités ont sanctionné toute opposition politique: depuis, les journaux critiques ont dû fermer, les politiciens démissionner et les manifestants purger de longues peines de prison.
Mais le fait que les autorités de Hong Kong mettent désormais à prix la tête des critiques en exil constitue une nouvelle étape dans l'escalade. La méthode est simple, mais redoutable. Un porte-parole du Département d'Etat de Washington a parlé sans ambiguïté d'un «dangereux précédent qui menace les droits de l'homme et les libertés fondamentales des personnes dans le monde entier». Les gouvernements du Royaume-Uni, d'Australie et du Canada ont également émis des critiques similaires.
Les autorités chinoises, quant à elles, considèrent toujours le sujet comme une «affaire intérieure». La porte-parole du ministère des Affaires étrangères de Pékin, Mao Ning, a déclaré mardi que le monde devait «respecter l'Etat de droit à Hong Kong» et «cesser d'offrir une protection aux criminels».
Fin juin déjà, le journal d'Etat chinois Ta Kung Pao publiait un éditorial qui se lisait comme un avertissement aux activistes de la démocratie à l'étranger:
Selon Peter Dahlin, qui dirige l'ONG Safeguard Defenders, les poursuites engagées par les autorités de Hong Kong n'ont aucune chance réaliste de succès d'un point de vue purement juridique. Les personnes concernées seraient de toute façon conscientes qu'elles ne peuvent plus se rendre dans aucun pays ayant conclu un accord d'extradition avec la Chine.
Mais ces intimidations risquent tout de même de faire mouche. Car si certains défenseurs des droits de l'homme portent chaque menace du gouvernement chinois comme un insigne de fierté sur leur poitrine, pour beaucoup d'autres Chinois à l'étranger, elles les conduisent à se replier sur la sphère privée, en particulier s'ils ne veulent pas compromettre leurs relations avec leurs proches.
En revanche, les nationalistes chinois se sentent de plus en plus encouragés à mettre en œuvre de leur propre chef les exigences de sécurité de leur pays d'origine. Le militant des droits de l'homme Finn Lau, qui vit au Royaume-Uni et qui fait partie des huit Hongkongais persécutés, a déjà reçu des captures d'écran de discussions où des nationalistes chinois discutent ouvertement de son enlèvement.
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)