La 28e conférence mondiale sur le climat bat son plein à Dubaï. Dans le Golfe persique, les représentants de près de 200 pays discutent pendant deux semaines des moyens de renforcer la lutte contre le réchauffement climatique. Les précédents sommets du genre ont déçu par leur manque de résultat.
Mais le temps presse, car les huit années écoulées ont été les plus chaudes depuis le début des relevés météorologiques. 2023 devrait même battre un record absolu. Selon l'Organisation météorologique mondiale (OMM), la température moyenne du globe se situait à environ 1,4 degré au-dessus de la moyenne de l'ère préindustrielle. L'objectif déclaré est de maintenir à l'avenir l'augmentation maximale de la température en dessous de 1,5 degré.
Mais pour cela, le monde doit enfin accélérer en matière de protection du climat. Selon le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), la décennie actuelle est décisive: si l'on ne parvient pas à inverser la tendance globale d'ici 2030, les conséquences pour l'humanité et la planète sont difficilement prévisibles, peut-on lire dans le dernier rapport du GIEC.
Jetons donc un coup d'œil aux principaux facteurs du changement climatique et voyons comment notre planète a déjà changé.
C'est par la température que le changement climatique se manifeste le plus clairement. Depuis le début des relevés, la moyenne annuelle n'a cessé d'augmenter. Par rapport à celle des années 1951 à 1980, on mesure aujourd'hui près d'1,5 degré de plus – et ce à l'échelle mondiale. Il y a 250 ans, il faisait environ 3 degrés de moins qu'aujourd'hui.
Le graphique ci-dessus est plus facile à lire si l'on remplace l'écart moyen de la température mondiale à la surface des terres par des bandes bleues et rouges, comme l'a fait pour la première fois le climatologue britannique Ed Hawkings en 2018. Cette représentation simple permet de saisir rapidement et d'un seul coup d'œil le caractère dramatique du réchauffement climatique – même sans beaucoup de connaissances dans ce domaine.
Les huit années les plus chaudes ont toutes été mesurées depuis 2015. Il s'agit dans l'ordre des années 2020, 2016, 2017, 2019, 2022, 2021, 2015 et 2018. 2007 et 2005 complètent le top 10. Les dernières températures aussi élevées à l'échelle mondiale remontent à il y a environ 125 000 ans – pendant la période chaude de l'Eémien (réd: l'avant-dernière période interglaciaire du Quaternaire) avant la dernière glaciation.
Un refroidissement ne semble pas se profiler. Avec les mesures actuelles de protection du climat, la Terre se réchaufferait de 2,5 à 2,9 degrés d'ici 2100 par rapport à l'époque préindustrielle. Et même si tous les états de la planète œuvraient dès à présent de manière conséquente pour atteindre l'objectif de 1,5 degré et si l'objectif net zéro – à l'échelle mondiale, on ne doit plus émettre que la quantité de CO₂ qui peut être stockée naturellement ou grâce à de nouvelles technologies – était atteint en 2050, la planète continuerait à se réchauffer. Mais à un niveau tolérable pour la population mondiale.
Un degré de plus dans la moyenne mondiale correspond à des changements drastiques au niveau local. Des vagues de chaleur extrêmes, des récoltes perdues et des incendies de forêt, des inondations et des tempêtes plus fréquentes et plus graves. A +2 degrés, il n'y aura pratiquement plus de récifs coralliens, selon le dernier rapport du GIEC. Pourtant, ceux-ci sont vitaux pour des millions de personnes: ils protègent les côtes des inondations et fournissent du poisson pour se nourrir.
Les scientifiques sont unanimes: on ne freinera le réchauffement climatique qu'en réduisant drastiquement les émissions mondiales de CO₂. Le dioxyde de carbone est un gaz à effet de serre: comme le verre d'une serre, il empêche la chaleur de s'échapper de la Terre vers l'atmosphère. En quantité «naturelle», c'est une bonne chose, car sinon la Terre serait inhabitable. Une trop forte concentration de CO₂ devient en revanche hautement problématique – et c'est précisément ce qui s'est produit au cours des dernières décennies.
Le graphique suivant montre des mesures de CO₂ à partir d'échantillons d'air provenant de carottes de glace jusqu'en 1958, puis des mesures d'air provenant de Mauna Loa à Hawaï. La forte augmentation observée récemment s'écarte nettement des variations naturelles des 800 000 années précédentes.
Les principaux pollueurs sont actuellement les grandes nations industrielles de ce monde. La Chine, par exemple, a émis plus de 12,5 milliards de tonnes de CO₂ en 2022 et propulse ainsi quasiment à elle seule l'Asie en tête du classement des continents. Mais l'Europe n'a pas de quoi se vanter pour autant: la Russie et l'Allemagne figurent aussi parmi les plus grands émetteurs de CO₂. Certes, les émissions européennes diminuent légèrement depuis quelques années, mais ce n'est qu'une goutte d'eau par rapport à l'objectif pour 2050.
Avec 35,07 millions de tonnes en 2021, l'impact de la Suisse sur l'émission mondiale de CO₂ semble à première vue plutôt faible. Mais si l'on calcule la quantité par habitant, la donne change: avec 4,12 tonnes par personne, la Suisse se situe clairement dans la première moitié du classement.
Le bilan suisse se dégrade encore si l'on considère non pas les émissions liées à la production, mais celles liées à la consommation. Affichant alors un total de 118,68 millions de tonnes par an, la Suisse n'est tout à coup plus si bien placée. Avec une émission par habitant à 13,65 tonnes, notre pays devance nettement dans ce classement la Chine, l'Allemagne, la France ou la Grande-Bretagne notamment. La Suisse n'arrive tout de même pas tout à fait à la cheville de l'énorme pollueur que sont les États-Unis et leurs 16,53 tonnes de gaz à effet de serre par habitant sur la base de la consommation.
Avec une part de 15%, les transports contribuent également de manière significative aux émissions totales de CO₂. Mais c'est la production d'électricité (surtout par les centrales à charbon) qui pollue le plus. Avec 23%, l'agriculture, l'élevage et la sylviculture représentent ensemble la deuxième plus grande source d'émissions. Le secteur industriel arrive juste derrière.
Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a calculé, sur la base des données connues, un quota de CO₂ que l'humanité pourrait théoriquement encore consommer. Ce quota permet de déterminer la quantité de dioxyde de carbone que l'on peut encore rejeter dans l'atmosphère avant de rater les objectifs d'1,5 degré ou 2 degrés.
daten: mcc-berlin.net
Le CO₂ n'est pas seulement émis, il est également absorbé: les forêts de la planète absorbent à elles seules environ un tiers du CO₂ émis chaque année par l'activité humaine. Les arbres peuvent filtrer le CO₂ de l'air et, grâce à la photosynthèse, séparer l'oxygène du carbone et le stocker.
Mais la surface forestière mondiale a elle aussi diminué récemment de manière inquiétante. Depuis la fin de la dernière période glaciaire, il y a un peu plus de 10 000 ans, environ un tiers des forêts ont disparu. La raison principale: l'augmentation du défrichement.
Celui-ci s'est encore accentué ces dernières années: rien qu'entre 2000 et 2020, la couverture forestière globale a diminué de 101 millions d'hectares, soit une perte de 2,4% de sa surface.
Une grande partie de cette perte a par ailleurs eu lieu au début du siècle dernier. Pour avoir davantage de pâturages et de surfaces cultivables à disposition, on a défriché tout ce qui pouvait l'être. Mais les forêts sont également touchées par les incendies. Aujourd'hui, une surface équivalente à 27 terrains de football disparaît chaque minute dans le monde.
La déforestation frappe de plein fouet la forêt primaire tropicale. Depuis 2002, 68,4 millions d'hectares ont disparu, soit une perte d'environ 6,7% de surface en 19 ans. Le principal responsable est le Brésil qui, sous l'ancien président Jair Bolsonaro, a battu de nouveaux records de défrichement dans la forêt amazonienne.
Outre le réchauffement de la planète, l'un des effets les plus visibles du changement climatique est l'élévation du niveau des mers. Les températures plus chaudes font fondre les calottes glaciaires et les glaciers, augmentant ainsi la quantité totale d'eau dans les océans.
Selon la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), l'agence gouvernementale américaine de recherche sur le climat, le niveau des mers est monté de près de 25 cm au cours des 140 dernières années. Environ un tiers de cette hausse s'est produite au cours des 25 dernières années seulement.
Comme pour l'augmentation globale de la température, il existe des différences régionales. Alors que les niveaux des marées dans l'ouest du Canada et le nord du Chili, par exemple, indiquent une stabilité, voire une baisse du niveau de l'eau, les états insulaires du sud du Pacifique et de l'Océan indien enregistrent, eux, une hausse alarmante. Ils risquent d'être littéralement engloutis par la mer au cours des prochaines décennies.
La fonte globale des glaces est également un indicateur de l'aggravation des choses. A cause de l'amplification polaire, les températures dans l'Arctique grimpent nettement plus rapidement que la moyenne mondiale et la disparition des glaces y devient donc très visible.
Certes, la fonte de la mer de glace n'a qu'un impact mineur lié à sa densité plus faible par rapport à l'eau de mer en dessous. Entre 1979 et 2005, la surface de glace a diminué de 1,5 à 2% par décennie. Certaines parties de l'Arctique, qui étaient auparavant recouvertes de glace toute l'année, fondent si rapidement qu'elles pourraient être libres de glace plusieurs mois par an d'ici deux décennies.
Autre problème: les glaces saisonnières qui se forment en hiver sont plus minces et fondent aussi plus rapidement. En raison de cette épaisseur réduite, la lumière du soleil passe à travers et réchauffe l'eau. L'eau chaude fait à son tour fondre la glace sur de grandes surfaces, y compris par le bas. La disparition de la glace arctique a surtout des répercussions sur les animaux (p. ex. l'ours polaire) et les humains qui y vivent. Ces derniers sont tributaires de surfaces de glace intactes pour la chasse.
En revanche, la fonte de la banquise arctique ne contribue que faiblement à l'élévation du niveau des eaux. La mer de glace se compose d'eau douce et présente une densité inférieure à celle de l'eau de mer en dessous. Sa fonte ainsi que celle des glaces flottantes n'augmenteraient le niveau mondial des mers «que» de quatre centimètres environ.
En Suisse aussi, la fonte des glaces rend le changement climatique plus visible. Selon l'Académie suisse des sciences naturelles (SCNAT), les glaciers n'ont jamais fondu aussi fortement que ces deux dernières années: plus de 6% du volume de glace ont été perdus en 2022, et encore 4,4% en 2023. En cause, d'une part le peu de neige en hiver et d'autre part les vagues de chaleur persistantes en été.
Rouge foncé = les 11 années avec la plus grande baisse de volume
Bleu foncé = les 11 années avec une augmentation de volume
L'année dernière, les glaciers ont perdu environ trois kilomètres cubes de surface, et cette année, plus de deux kilomètres cubes. Cela représente près de 4,5% du volume restant. Jusqu'à présent, on qualifiait déjà d'«extrêmes» les années où la fonte atteignait 2%.
Traduit de l'allemand par Valentine Zenker