C'est une belle histoire. Et les belles histoires finissent mal. Souvent. Samedi soir, Rayan, cinq ans, a été retrouvé sans vie au fond du puits dans lequel il est tombé quelques jours plus tôt au Maroc. Une histoire simplement dramatique. Ou dramatiquement simple.
Rien de politique dans ce funeste récit. Juste un enfant de cinq piges aux prises avec l'injuste volatilité de l'existence. Cinq jours de calvaire. Cinq jours de solidarité blanche, quasi autoroutière, sans fausse note ni voix discordante. La planète a eu un suspense terrible et prêt à déborder aux bords des yeux. Il fallait sauver l'enfant Rayan. Les héros avançaient «centimètre par centimètre». A mains nues, parfois. Comme cet homme qui a fait taire pendant des jours l'idée même d'une fatigue physique.
L'élan mondial s'est chargé du reste: tenter pendant cinq interminables jours de dévier de force, et avec un acharnement d'une beauté que même Disney n'a jamais su tutoyer, l'inébranlable itinéraire d'un trop jeune destin. On appelle ça parfois la spirale des émotions.
🇲🇦MAROC : un des sauveteurs qui s’occupent de créer un chemin avec les pelleteuses a travaillé pendant 22h sans s’arrêter déclarant : « Mon confort sera de regarder Ryan dans les bras de ses parents ». #Maroc #Rayan pic.twitter.com/noG4htAlWX
— Actualiste (@Actualistes) February 4, 2022
Il faudra désormais sauver l'élan Rayan. Celui qui nous a permis de nous glisser dans une fine bulle d'espoir commun, aussi fugace que providentielle. Dieu que ça fait du bien de se voir enseveli d'un jour à l'autre par de bonnes intentions. De découvrir nos armures (d'adultes chargés de grognes et d'opinions) fendues net par une émotion qui ne se discute pas. Rayan est mort. Aucune bonne raison à cela. Un enfant, ça ne doit pas mourir. Point.
C'est Sa Majesté le roi Mohammed VI en personne qui a officialisé l'issue fatale. Sur les réseaux sociaux, le «choc», le «dépit», la «tristesse», le «chagrin» et des caisses de larmes en 140 caractères. Emmanuel Macron «partage la peine de la famille et du peuple marocain».
Depuis samedi soir, les hommages pleuvent dans toutes les langues au rythme des sanglots de la famille. La peine n'a pas (toujours) de couleur politique ou idéologique. Pendant quelques minutes, on s'octroie même le droit de ne pas invoquer une quelconque récupération politique. Inutile. Stupide. La vague est forte. Immense même. Elle ne rase pas tout sur son passage. Elle fait, au contraire, tout pousser. D'un coup. L'humanité se dévoile fertile. Et jusqu'aux terrains de foot, par la grâce illustrée de l’international algérien du Milan AC Ismaël Bennacer.
Le courage de Rayan restera dans nos mémoires et continuera de nous inspirer.
— Ismaël Bennacer (@IsmaelBennacer) February 5, 2022
Le dévouement du peuple marocain et des secouristes également.
Immenses pensées aux parents et aux proches. Qu’Allah accorde à ce guerrier le plus haut degré du paradis. 🤲🏽 pic.twitter.com/Bl4PEODUy6
Ne vous inquiétez pas, le monde est déjà de retour aux affaires courantes. Les JO sont toujours aussi décriés, la Russie et l'Ukraine n'ont pas troqué leur champ de bataille en Eden, et la présidentielle a séché ses larmes.
Mais la mort tragique du petit Rayan a poncé les lames aveugles des réseaux sociaux le temps d'un drame. Et ça devrait nous apprendre un petit rien au passage: une vague d'espoir et de solidarité universelle, de temps en temps, même de loin, même un peu niaise et indolore, même quand elle finit mal, même quand elle a un prix, même quand on ne sait pas vraiment pourquoi cette histoire et pourquoi maintenant, a le pouvoir de rendre ce monde (un peu) plus respirable.
Repose en paix, gamin.