En se levant ce matin, les Américains ne savaient pas encore s'ils pouvaient voter pour Donald Trump dans la primaire républicaine. La formule peut paraître affreusement théorique, mais, lundi, la Cour suprême a scellé le sort du candidat républicain, après une décision de l'éjecter du scrutin du Colorado. Une mise à jour exceptionnelle de son agenda, qui coïncidait avec une échéance électorale majeure: le Super Tuesday qui (vous l'aurez compris) se tient ce mardi.
Ces derniers mois, plusieurs Etats (dont le Colorado) s'étaient donné le mot pour éjecter sèchement le milliardaire de leur scrutin, pointant son rôle et son influence durant l'assaut du Capitole, le 6 janvier 2021. Si ce dossier s'appuie sur le 14ᵉ amendement de la Constitution et accuse Trump «d'insurrection», aucune procédure pénale, en cours ou à venir, ne le vise (encore) pour ce chef d'inculpation. Il était bien là le dilemme. La Cour suprême allait-elle prendre le risque de disqualifier le favori à l'élection présidentielle, sans qu'un procès ne le condamne au préalable?
Il faut d'abord savoir que le Colorado est l'un des quinze Etats prenant part au Super Tuesday, l'échéance la plus importante des primaires et que Trump est largement donné favori, malgré la première victoire (quasi pour beurre) de son adversaire Nikki Haley, dimanche, à Washington D. C. De quoi rajouter quelques kilos à la charge déjà gigantesque qui pesait sur les épaules de la Cour suprême, puisque cette dernière est littéralement encombrée de dossiers qui concernent le président américain le plus justiciable de l'histoire américaine.
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Pas plus tard que vendredi, elle a offert une victoire à Trump, en acceptant de se pencher sur l'immunité présidentielle dont il est persuadé de pouvoir jouir. Une décision qui compromet sérieusement la tenue du procès pour fraude électorale avant l'élection du 5 novembre.
Concrètement, à la fin de la guerre civile, la Constitution a accueilli un alinéa qui prive de tout job fédéral les participants à une insurrection. Alors que la Cour suprême du Colorado a décidé de disqualifier Donald Trump sur cette base en décembre dernier, les neuf juges de la plus haute instance en ont décidé autrement lundi. Et à l'unanimité.
Selon les premières indiscrétions, il y avait peu de chances pour que la Cour suprême des Etats-Unis prenne l'immense responsabilité (juridique, mais surtout politique) d'éjecter un candidat de la course à la Maison-Blanche. De nombreux observateurs considéraient aussi qu'en l'absence d'une nouvelle loi votée par le Congrès, disqualifier Trump était une responsabilité beaucoup trop délicate.
Comme le rappelle notamment le New York Times, «la dernière fois que la Cour suprême a joué un rôle aussi direct dans une course à la présidence, c'était dans l'affaire Bush contre Gore. En 2000, sa décision a donné la présidence à George W.».