Tiens, la Chine a lancé un missile hypersonique. Cela s’est passé en août, mais c’est seulement ces jours-ci que le reste du monde en prend officiellement acte. Le reste du monde ? Les Etats-Unis, par la voix de son plus haut gradé, le général Mark Milley. Le chef d’état-major américain a confirmé une information en réalité déjà révélée à la mi-octobre par le quotidien britannique Financial Times. «Ce à quoi nous avons assisté, c'est (...) un test très significatif d'un système d'armement hypersonique», a déclaré mercredi le chef d'état-major américain dans une interview à la chaîne Bloomberg TV. «Il a toute notre attention.»
Exclusive: China tested a nuclear-capable hypersonic missile in August that circled the globe before speeding towards its target, demonstrating an advanced space capability that caught US intelligence by surprise https://t.co/oSRa0eA1QR pic.twitter.com/Roxvf98wvM
— Financial Times (@FinancialTimes) October 16, 2021
Techniquement, à quoi ça ressemble, un missile hypersonique? Ensuite, cet engin est-il à même de peser dans le rapport de force opposant la Chine à Taïwan, partant, aux Etats-Unis et ses alliés dans la région, le Japon, la Corée du Sud et l’Australie?
Pouvant transporter des charges nucléaires, le missile hypersonique ajoute à la panoplie des armes de destruction massive. L’atout principal de ce missile, dit aussi «planeur hypersonique», est sa vitesse: cinq à dix fois la vitesse du son, autrement dit plus de 10 000 km/h. Dans l’atmosphère, il est plus rapide qu’un avion de chasse ou qu’un missile de croisière lancé d’un porte-avions ou d’un sous-marin. Les Russes, qui possèdent cet armement, affirment qu’une fois en descente sur sa cible, il est «invulnérable».
Une telle arme peut transiter par l’espace avant de pointer vers le sol. En cela, il ressemble à un missile balistique intercontinental, une arme nucléaire datant des années 80 et de la guerre froide, à ce jour la plus redoutable du fait de sa portée, jusqu’à 18 000 kilomètres. «En vitesse ascensionnelle, un missile balistique est moins rapide qu’un missile hypersonique, explique l’expert en stratégie Alexandre Vautravers, rédacteur en chef de la Revue militaire suisse.
Cela signifie-t-il que les Etats-Unis sont dépassés en puissance par la Chine et la Russie, détentrices du missile hypersonique? «Ils restent au sommet de la puissance militaire», affirme Alexandre Vautravers. «Ils ne peuvent être mis au défi par aucune autre puissance, ni conventionnellement, ni nucléairement, poursuit l’expert suisse. C’est pour cette raison que la Chine développe cette nouvelle catégorie d’armement. Parce que pour le reste, son retard sur les Etats-Unis est considérable. Dans le domaine aérien, en particulier celui des bombardiers pouvant transporter des bombes nucléaires, elle est démunie. Elle accuse 50 ans de retard, quand l’emblématique B-52 américain a déjà 75 ans.»
«Pareil pour les missiles balistiques: les Etats-Unis n’ont pas de rivaux, en particulier pas de rival chinois», affirme l’expert suisse.
Qu’attendent les Etats-Unis, si prompts à répondre aux défis quand ils ne les devancent pas? Selon Alexandre Vautravers, la technologie du missile hypersonique, ils l'ont depuis longtemps dans les cartons. «Mais les présidents George W. Bush et Barack Obama son successeur y ont renoncé, explique le rédacteur en chef de la Revue militaire suisse. Leurs priorités étaient ailleurs et coûtaient très cher en budget: la guerre contre le terrorisme et le développement d’un programme de bouclier antimissiles.»
Seul le rapport de force à l’œuvre en mer de Chine permet à Taïwan d’exister. Cette «Chine occidentale», séparée de la Chine communiste par le détroit de Formose, bénéficie de la présence armée des Etats-Unis dans la région. Sans cela, Pékin s'emparerait sans trop de difficulté de Taipei. Toutefois, sa possession du missile hypersonique accroît-elle la menace sur Taïwan?