«Peu importe le temps que cela prendra, peu importe où vous vous cachez, si vous êtes une menace pour notre peuple, les Etats-Unis vous trouveront et vous élimineront». C'est ce qu'a affirmé le président américain Joe Biden avant d'annoncer la mort du dirigeant d'Al-Qaïda, tué samedi par un drone américain.
Introuvable depuis plus de dix ans, Ayman al-Zawahiri était considéré comme l'un des cerveaux des attentats du 11 septembre et avait pris la tête du groupe terroriste après la mort d'Oussama ben Laden, tué en 2011 par les Etats-Unis.
Plus encore que le succès de la mission, c'est un autre détail qui a attiré l'attention des observateurs. Dans son discours annonçant la mort d'al-Zawahiri, Biden a dit qu'aucun membre de sa famille n'a été blessé et il n'y avait pas de victimes civiles. Ce passage fournit un indice important sur le type d'arme utilisée dans l'attaque: il s'agirait d'un missile Hellfire R9X.
L'existence de cette arme n'a jamais été confirmée par le gouvernement américain. Mais les éléments fournis par la Maison-Blanche au sujet de la frappe laissent présupposer son usage, rapporte mardi l'agence de presse AFP.
Il s'agit d'une version modifiée du missile américain Hellfire («feu de l'enfer» en français), produit par l'entreprise de défense Lockheed Martin. La différence avec l'original est de taille: le R9X serait dépourvu de charge explosive. Au lieu d'exploser, il est conçu pour plonger plus de 30 kg de métal à travers le toit des voitures et des bâtiments pour tuer sa cible, décrivait le Wall Street Journal en 2019, dans un article révélant l'existence de ce missile.
De plus, le missile dispose de six longues lames qui se déploient à travers son revêtement quelques secondes avant l'impact. Capables de pénétrer les bâtiments et les voitures, elles découpent la cible en morceaux. Cette caractéristique singulière a valu au R9X le surnom de «flying ginsu», du nom d'une marque américaine de couteaux.
NEW - @WSJ confirms the @CIA & @DeptofDefense have a new "secret" missile - the R9X, or "flying Ginsu" - which kills a selected target with 6 blades, but no explosive payload.
— Charles Lister (@Charles_Lister) May 9, 2019
-- "To the targeted person, it's as if a speeding anvil fell from the sky."https://t.co/DIQfnfJYDq pic.twitter.com/iM87WUFLhg
Mais à quoi bon utiliser un missile qui n'explose pas? L'objectif est simple: le R9X peut toucher sa cible sans effet de souffle. Autrement dit, l'arme permet d'éliminer sa cible sans tuer d'autres personnes qui se trouvent dans les parages, et notamment des civils.
C'est précisément dans le but de limiter les pertes civiles que le missile aurait été développé, sous l'administration Obama, rapporte le Wall Street Journal. Au-delà des considérations humanitaires, cela répond à deux objectifs principaux:
Bien que le missile a été conçu pour épargner les civils, il laisse les organisations humanitaires sceptiques. «A lui seul, le R9X ne résoudra pas les nombreuses questions juridiques entourant le programme américain d'assassinats ciblés, qui, depuis 2002, a tué des milliers de personnes dans la plus grande transparence», écrivait en 2019 l'ONG Human Rights Watch.
L'arme a été rarement utilisée, uniquement dans des circonstances spécifiques. Selon le Wall Street Journal, le ministère de la Défense américain n'a eu recours au R9X qu'une demi-douzaine de fois, notamment lors d'opérations en Libye, en Syrie, en Irak, au Yémen et en Somalie.
Malgré le flou officiel autour de cette arme, le missile laisse une signature très reconnaissable sur le terrain: une vidéo de la voiture d'une cible supposée en Syrie en 2017 montre un énorme trou sur le toit du véhicule, l'intérieur déchiqueté, mais l'avant et l'arrière intacts.
A US strike kills a notable al-Qaeda leader in Syria. A video of the car he was in. pic.twitter.com/5qtVukN5O1 modern weapons!
— Hassan I. Hassan (@hxhassan) June 14, 2020
Des images censées montrer l'appartement où se trouvait Ayman al-Zawahiri présentent le même scénario. Le bâtiment n'est que très légèrement endommagé.
(asi)