Cet après-midi du mercredi 5 septembre 2012 débute l'une des plus intrigantes affaires des annales policières: la tuerie de Chevaline, du nom de cette commune française située sur les hauteurs d'Annecy, dans les Alpes.
Brett Martin, citoyen britannique qui possède une maison de vacances dans la région, profite du temps clément pour une promenade à vélo. C'est sur un parking situé le long d'une route forestière qu'il tombe sur une scène «digne d'Hollywood». Une BMW, moteur en marche. Un vélo à terre. Beaucoup de sang. Mais surtout, quatre cadavres: dans la voiture, trois membres d'une même famille, les «têtes trouées par des impacts de balles». Au sol, celui d'un cycliste. Bref, un massacre d'une «sauvagerie inouïe», selon le procureur de la République de l'époque, Eric Maillaud.
Selon les experts, la fusillade aurait duré au maximum 90 secondes.
Les corps de la voiture appartiennent à la même famille de Britanniques:
Tous trois viennent d'être tués à bout portant, avec Sylvain Mollier, un ouvrier de la région de 45 ans, en balade. Une victime collatérale? Un témoin gênant?
De la tuerie, deux petites filles sortent miraculeusement indemnes:
Il faudra neuf ans à Zainab pour restituer ses souvenirs. A l'été 2021, l'adolescente raconte être sortie de la voiture au moment où les coups de feu ont éclaté. Un homme l'a saisie par-derrière.
Le «méchant» décrit par Zainab n'a jamais été identifié. Son mobile reste mystérieux. Dans ses souvenirs, les mains du tueur étaient blanches. Il portait un blouson et un pantalon en cuir.
Dans tous les cas, ce n'est pas un amateur. Durant l'assaut, le tueur aurait rechargé à trois reprises son pistolet dans un laps de temps très court. Ce qui traduit une certaine dextérité dans le maniement des armes et un sang-froid peu commun. 21 balles provenant de la même arme ont été retrouvées sur place. 17 balles ont atteint leur cible.
L'arme, un Luger P06 de calibre 7,65 parabellum, n'a jamais été retrouvée. Les enquêteurs vont longuement creuser du côté de cette arme de collection, longtemps en dotation dans l'armée suisse. Sur la base de cet indice, plusieurs hommes ont été placés en garde à vue entre 2014 et 2021. Sans résultat. Le tireur ne se trouve pas parmi eux.
En dix ans, ce sont des dizaines de magistrats et de gendarmes qui se sont succédé pour dénouer les fils tortueux de ce quadruple meurtre. Des commissions rogatoires délivrées aux quatre coins du globe: Irak, Turquie, Canada ou encore Costa Rica, afin de vérifier le moindre indice. Ce sont aussi des centaines de témoins auditionnées et d'innombrables pistes. Toutes explorées méticuleusement. Toutes conduisant à un cul-de-sac.
Le mobile n’a jamais été clairement établi. Parmi les thèses évoquées: un conflit d'héritage entre le père de famille et son frère, la possibilité d'un espionnage industriel qui aurait mal tourné, le passé obscur de la mère de famille, ou encore celle d'un tueur isolé agissant de son propre chef.
En février 2022, la procureure Line Bonnet – la troisième sur l'affaire – s'est retrouvée dans une impasse. Début août, elle a demandé à être dessaisie du dossier afin qu’il soit transféré à un nouveau pôle judiciaire consacré aux «cold case», rapporte 20 Minutes. Selon une source proche, les enquêteurs ont fait «tout ce qu'il était humainement possible de faire».
(mbr avec les agences)