La relation de la Finlande avec l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (Otan) est compliquée. Et celle avec la Russie l'est encore plus. C'est en ces termes, quelque peu simplistes, que l'on peut résumer le débat qui a lieu dans ce pays d'Europe du Nord depuis le début de la guerre en Ukraine. Bien que les Finlandais coopèrent étroitement avec l'Otan, une adhésion n'a, pendant longtemps, pas récolté les faveurs de la majorité.
Dans les sondages, elle était au mieux crédité de 30%. Cela a radicalement changé depuis l'attaque russe contre l'Ukraine. Aujourd'hui, environ 60% des habitants de ce pays riche en forêts et en lacs sont favorables à l'adhésion à l'Otan. Le Riksdag, à Helsinki, a commencé mercredi à examiner un rapport du gouvernement sur les avantages et les risques d'une adhésion à l'organisation de défense internationale.
La première ministre sociale-démocrate Sanna Marin se tient officiellement à l'écart, mais sa préférence va vers l'adhésion. Son prédécesseur Alexander Stubb a résumé la situation au Guardian:
Le politicien conservateur a toujours été un partisan de l'adhésion. «Si la Russie est prête à massacrer ses frères slaves en Ukraine, pourquoi ne feraient-ils pas de même avec la Finlande?», a déclaré Stubb pour justifier le changement d'avis de ses compatriotes:
Pour l'ex-chef du gouvernement, ce n'est plus qu'une formalité: «A 99,9%, la Finlande rejoindra l'Otan. Ce n'est plus une question de mois, mais de semaines», a-t-il déclaré dans un entretien avec le magazine Der Spiegel. Auparavant, il y avait eu une grande résistance idéologique à l'adhésion à l'Otan «pour des raisons historiques», a expliqué Stubb.
En effet, il est difficile de comprendre le débat sur l'Otan sans se pencher sur les relations mouvementées avec le grand voisin, avec lequel la Finlande partage plus de 1300 kilomètres de frontière. Bien que les Finlandais soient un peuple indépendant avec une langue «spéciale», ils ont été sous domination étrangère pendant la majeure partie de leur histoire.
Pendant des siècles, ils ont été les sujets du roi de Suède. A partir du 18e siècle, l'empire russe a successivement pris le contrôle. Parallèlement, une conscience nationale finlandaise s'est développée pour la première fois. Les Finlandais ont profité de la révolution d'octobre 1917 pour se détacher de la Russie et déclarer leur indépendance.
Une guerre civile, courte mais sanglante, a éclaté au cours de laquelle les «blancs» conservateurs prirent le dessus sur les «rouges». Cette division a été surmontée lors de la guerre d'hiver 1939/40, lorsque la petite Finlande a été attaquée par la puissante Union soviétique. Les ennemis d'hier se sont alors défendus côte à côte.
Leur lutte défensive et héroïque est devenue le véritable mythe fondateur de la nation. Finalement, la Finlande a dû céder quelques territoires à l'Union soviétique de Staline, dont la Carélie au sud. L'indépendance a, toutefois, pu être préservée. L'expérience de la Guerre d'Hiver marque, encore aujourd'hui, les relations avec le voisin russe.
Après la Seconde Guerre mondiale, cela a conduit à la phase où la Finlande était officiellement neutre, mais où elle entretenait de nombreux échanges avec l'Union soviétique. Dans l'espace germanophone, on a utilisé pour cela le terme méprisant de «finlandisation», auquel les Finlandais eux-mêmes sont allergiques.
Avec la fin de la guerre froide et l'effondrement de l'Union soviétique, les inconvénients sont apparus: L'économie a plongé dans une grave crise. C'est notamment pour cette raison que la Finlande a rejoint l'Union européenne en 1995, à laquelle elle est, aujourd'hui, pleinement intégrée. Ainsi, contrairement à leurs voisins scandinaves, les Finlandais ont adopté l'euro.
L'adhésion à l'Otan pourrait permettre de poursuivre le processus. Alexander Stubb la qualifie de «dernière étape de notre occidentalisation». Sur le plan militaire, le pays serait prêt, et pas seulement en raison de la coopération déjà existante. Bien que la Finlande, avec ses 5,5 millions d'habitants, soit nettement plus petite que la Suisse, elle possède l'une des plus grandes armées d'Europe.
Elle dispose de 900 000 réservistes. Près de 300 000 hommes et femmes peuvent être mobilisés immédiatement. En comparaison, l'effectif de l'armée suisse est de 100 000 soldats. La Finlande dispose également de matériel de guerre moderne. Récemment, le gouvernement a décidé d'acheter un avion de combat F-35. La menace russe est prise au sérieux depuis longtemps.
L'étape suivante doit maintenant être franchie. La réaction de Moscou a été immédiate. Les provocations de l'armée de l'air russe, par exemple, sont habituelles dans le Nord. Mais l'ancien président Dmitri Medvedev a menacé de déployer des armes nucléaires sur la mer Baltique si la Finlande et la Suède décidaient d'adhérer à l'Otan.
Les Finlandais ne se laissent guère impressionner. «La menace nucléaire n'est pas nouvelle», a déclaré l'ex-premier ministre Stubb au Guardian. Il y a déjà des armes nucléaires russes dans l'enclave de Kaliningrad.
Tout au plus peut-on s'interroger sur l'attitude de la Suède, avec laquelle la Finlande coopère sur les questions militaires. Là-bas aussi, on connaît les provocations russes, et la guerre en Ukraine a également fait évoluer les mentalités chez les Suédois: dans un sondage du journal Aftonbladet, 57% des personnes interrogées sont favorables à une adhésion à l'Otan.
«Traditionnellement, il y avait trois vetos contre l'adhésion de la Suède à l'Otan: l'opinion publique, la Finlande et les sociaux-démocrates», a déclaré l'expert militaire Oscar Jonsson à Euronews. Mais maintenant, l'évolution rapide des deux premiers points crée «une pression énorme sur le parti social-démocrate».
C'est une sorte de «parti d'Etat» suédois officieux et il s'est, toujours, opposé à l'adhésion à l'Otan. Avec la guerre en Ukraine, cette position n'est plus intouchable. La Suède doit adhérer à l'Otan, a exigé le journal de gauche Aftonbaldet dans un éditorial et une décision en ce sens aurait déjà été prise en interne chez les sociaux-démocrates.
L'objectif de la première ministre Magdalena Andersson est de présenter une requête suédoise lors du sommet de l'Otan fin juin à Madrid, a rapporté le journal Svenska Dagbladet la semaine dernière. Cela correspondrait au calendrier finlandais, que l'homologue d'Andersson, Sanna Marin, a laissé entendre lors d'une visite à Stockholm.
Le président Sauli Niinistö a laissé entrevoir une décision rapide du Parlement. Il est l'homme politique le plus populaire de Finlande et est en même temps considéré comme l'homme d'Etat occidental ayant peut-être le meilleur contact avec Vladimir Poutine. Dans un entretien avec le magazine Der Spiegel, il s'est souvenu d'une déclaration «très claire» du président russe en 2016. Poutine aurait déclaré, selon Niinistö, en réponse à la question d'un journaliste finlandais:
Malgré cela, ou peut-être à cause de cela, la Finlande semble vouloir aller résolument de l'avant avec son adhésion.
(Article traduit de l'allemand par svp)