C'est une première pour un Garde des Sceaux français en exercice: la Cour de justice de la République (CJR) a ordonné lundi un procès contre Eric Dupond-Moretti, accusé d'avoir profité de sa fonction pour régler des comptes avec des magistrats à qui il s'était opposé quand il était avocat.
Pour le ministre lui-même, la décision ne faisait pas de mystère: il avait affirmé mardi avoir «la quasi-assurance» d'être renvoyé.
«Nous avons immédiatement formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt, qui n'existe plus», ont-ils affirmé, Rémi Lorrain soulignant qu'il appartenait «désormais à l'assemblée plénière de la Cour de cassation de se saisir de ce dossier», «et de se prononcer notamment sur les nombreuses irrégularités qui ont émaillé ce dossier depuis deux ans».
Me Rémi Lorrain a notamment mis en cause le procureur général près la Cour de cassation, François Molins, qu'il accuse d'avoir eu un «positionnement atypique, puisque déloyal et partial».
Les deux principaux syndicats de magistrats, l'Union syndicale des magistrats (USM) et le Syndicat de la magistrature (SM), ont rapidement souligné dans un communiqué une situation «inédite» pour le ministre, au vu des soupçons d'«atteinte grave à la probité» qui lui valent ce procès:
L'ancien ténor du barreau, nommé à la tête de la Chancellerie à l'été 2020, a été mis en examen par la CJR pour prises illégales d'intérêt en juillet 2021.
Son renvoi devant la CJR ne manquera pas de poser une nouvelle fois la question du maintien au gouvernement de l'ancien pénaliste, qui répète sans cesse tenir sa «légitimité du président de la République et de la Première ministre et d'eux seulement».
Des plaintes de syndicats de magistrats et de l'association anticorruption Anticor, dénonçant deux situations de conflit d'intérêts depuis son arrivée à la Chancellerie, avaient donné lieu à l'ouverture d'une information judiciaire en janvier 2021. Voici lesquelles:
Un vice-procureur du PNF, Patrice Amar, et son ex-patronne, Eliane Houlette, ont comparu en septembre devant le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), qui doit rendre sa décision le 19 octobre. Aucune sanction n'a été requise à leur encontre.
Tout au long de l'enquête, l'homme a répété n'avoir fait que «suivre les recommandations de son administration». (ats/sia)