Pour le directeur de l'Ifop, Frédéric Dabi, l'inéligibilité avec effet immédiat prononcée à l'encontre de Marine Le Pen est «un événement inouï», «le premier épisode de l'élection présidentielle», qui va forcément faire réagir les électeurs du RN même si avec Jordan Bardella ils ne sont «pas dans une situation désespérée».
Quel est l'impact de la décision du tribunal sur la campagne présidentielle ?
On est sur un événement très fort, inouï, inédit, très fort. On pourrait faire un parallèle prudent avec l'impact de Dominique Strauss-Kahn éliminé de la présidentielle dont il était le favori pour l'affaire que vous connaissez en avril 2011 (réd: l'agression sexuelle au Sofitel à New York), mais ce n'est pas du tout le même contexte. C'est quand même la personne qui est en pole position dans toutes les enquêtes pré-électorales, quelqu'un qui est à la tête avec Jordan Bardella du plus grand parti de France, quelqu'un qui a une histoire singulière avec les Français s'agissant de l'élection présidentielle où elle a déjà été trois fois candidate... Aujourd'hui, c'est le premier épisode de cette élection présidentielle.
Comme vont réagir les Français, et particulièrement les électeurs de Marine Le Pen?
Cela ne pourra pas ne pas avoir d'effets très forts sur les Français. Beaucoup d'électeurs de Marine Le Pen ou du RN, 11 à 12 millions de personnes aux dernières élections européennes et législatives, vont sans doute vivre ça comme un déni de démocratie, comme une atteinte très forte à leurs choix électoraux. Je n'imagine pas une logique d'indifférence de la part de ces Français-là.
Jordan Bardella peut-il être un candidat de rechange pour ces électeurs?
Effectivement, le RN n'est pas dans une situation désespérée, ça touche le RN, mais ils ont quelqu'un, ils ont «un second best», ils ont une candidature de substitution en la personne du président du parti, celui qui a mené la bataille électorale aux européennes et aux législatives. Il l'a d'ailleurs davantage menée que Marine Le Pen.
La victoire de Bardella est plausible?
La présidentielle, c'est pas un vote d'étiquette, c'est pas «on remplace le numéro 1 par le numéro 2», c'est une histoire avec les Français, c'est une rencontre, c'est une incarnation, c'est une expérience... Sans doute, on dira que Bardella n'a pas cette expérience-là. Maintenant, la dernière fois que je l'ai testé en simulation de premier tour de la présidentielle, il sort à 34-35%, c'est-à-dire des scores déjà absolument inouïs. (jah/afp)