Pour la première fois depuis le début de la guerre en Ukraine, le président Volodymyr Zelensky sera à New York, et pour la première fois dans le même bâtiment que le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, qui représente Moscou à la plus grande assemblée diplomatique du monde. La réunion du Conseil de sécurité pourrait virer à une épreuve de force entre les deux hommes.
De nombreux dirigeants, notamment d'Afrique, d'Amérique latine et d'Asie, craignent que d'autres conflits, attentes ainsi que la crise climatique ne soient négligés dans l'ombre de la guerre en Ukraine. Pourtant, Kiev, dans sa lutte contre la Russie, dépend du «Sud global» – tout comme l'Occident: le président américain Joe Biden, qui fera le déplacement, ainsi que la Chine et la Russie cherchent également les faveurs de ces Etats. Ces grandes puissances se montrent donc prêtes à faire des concessions; les observateurs parlent d'une «nouvelle ère mondiale».
Volodymyr Zelensky doit s'exprimer trois jours de suite à New York:
«La visite de Zelensky à New York est à la fois une opportunité pour l'Ukraine et un moment assez risqué», explique Richard Gowan, expert de l'ONU et du groupe de réflexion Crisis Group.
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Le président ukrainien pourrait gagner la bienveillance de nombreux chefs de gouvernement et faire la promotion de ses idées de tribunal pour crimes de guerre ou des conditions ukrainiennes pour la paix. D'un autre côté, il doit défendre son refus de discuter avec Moscou à l'heure actuelle. C'est le contraire de ce que souhaitent la plupart des pays d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine, selon Richard Gowan:
Trouver un juste milieu: ce sera particulièrement important pour Volodymyr Zelensky lors de la réunion du Conseil de sécurité. Le dirigeant ukrainien devra également répondre aux représentants qui pourraient exiger des avancées vers des pourparlers de paix, tels que le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva. La participation de Sergueï Lavrov à la réunion du plus puissant organe de l'ONU pourrait donner lieu à une confrontation directe entre Zelensky et le ministre russe des Affaires étrangères.
En se rendant à New York pour la deuxième année consécutive, le chancelier allemand Olaf Scholz montre que le débat général lui tient à coeur; sa prédécesseure Angela Merkel (CDU) ne s'y était rendue que sporadiquement.
Il est probable que le chancelier, en plus des discours qu'il prononcera lors du sommet sur le développement durable de lundi et du débat général de mardi, rencontre également Volodymyr Zelensky pour un entretien. La demande ukrainienne de missiles de croisière de type Taurus, sur laquelle le gouvernement allemand se montre réservé, ne facilitera probablement pas la conversation.
Olaf Scholz devrait être, avec Zelensky, le principal représentant européen à New York. Le président français Emmanuel Macron et le premier ministre britannique Rishi Sunak ne feront pas le déplacement cette année. Le président chinois Xi Jinping et le chef du Kremlin Vladimir Poutine ne se rendent quant à eux jamais au débat général.
Cela signifie que des cinq puissances disposant d'un droit de veto au Conseil de sécurité, seuls les Etats-Unis sont représentés au plus haut niveau de direction, avec Joe Biden. Alors que certains membres de l'ONU considèrent cela comme un mauvais signe pour le débat, António Guterres minimise cette affluence limitée de la part des hauts dirigeants: ce qui compte, ce sont les contenus des discussions – «et de toute façon, on est à l'ONU, pas à la cérémonie des Oscars».
En 2015, les Etats du monde entier se sont mis d'accord sur 17 objectifs de développement durable de l'ONU pour mettre fin à la faim et à l'extrême pauvreté d'ici 2030. Mais le Covid, la guerre en Ukraine et une crise de la dette dans les pays pauvres ont fait reculer les objectifs de manière extrême: si les choses continuent au rythme actuel, 575 millions de personnes vivront encore en état de grande pauvreté et plus de 600 millions dans la faim en 2030, selon l'ONU.
«Les objectifs de développement durable ont besoin d'un plan de sauvetage global», demande le secrétaire général de l'ONU António Guterres, qui attend du sommet sur le développement, ce lundi, un «pas de géant». C'est surtout grâce à la cour que les puissances font aux pays du Sud – représentés par le groupe G77 dirigé par le Pakistan et Cuba – que des avancées significatives sont possibles. Les pays devraient notamment s'accorder lundi sur une «réforme de la structure financière internationale».
L'objectif d'une telle réforme serait également de permettre à la Banque mondiale et à d'autres institutions de mieux travailler pour les pays en développement et de leur fournir par exemple des crédits plus avantageux et un accès à davantage d'argent. Les Nations unies n'ont également cessé de réclamer une réduction de la charge des intérêts, qui est nettement plus élevée pour les pays pauvres, à dette égale.
Traduit et adapté de l'allemand par Tanja Maeder