La saga continue entre Zelensky et Zaloujny. Selon CNN, le 29 janvier, Zelensky s'est entretenu avec le chef des armées ukrainiennes pour lui annoncer que son licenciement n'était qu'une question de temps. Une séance qui comprenait le ministre de la Défense Rustem Umerov.
L'entretien aurait été qualifié de «calme» selon la source citée par CNN. Le président ukrainien lui aurait proposé un autre poste, moins en vue. Mais le «héros de Kiev» aurait tout bonnement refusé.
Mais se débarrasser de son général, très populaire auprès de la population, est un pari politique pour Zelensky, sur plusieurs points.
Une telle éviction entraînerait une réelle remise en question dans les différentes couches militaires ukrainiennes. Effacer l'une des figures les plus appréciées en ces temps de guerre pourrait s'avérer dangereux pour Zelensky. Ecarter Zaloujny maintenant pourrait saper le moral des militaires, ainsi que les relations avec l’Occident, à un moment (très) critique de la guerre.
Zaloujny a souvent été salué pour son leadership militaire et son humilité; il est le grand artisan de la stratégie défensive pour repousser les troupes russes autour de Kiev - d'où son surnom de «héros de Kiev».
L'heure est grave et l’ancien président Petro Porochenko est d'ailleurs monté aux barricades pour rappeler l'importance d'un homme comme Valeri Zaloujny dans l'unité nationale. «L’unité est et restera possible qu’autour des forces armées», a-t-il écrit sur les réseaux sociaux.
D'ailleurs, plusieurs responsables occidentaux considèrent que la vision de Zaloujny face aux défis du champ de bataille ukrainien est plus réaliste que celle de son président.
Si Volodymyr Zelensky actionne la guillotine et qu'un pion aussi important que Zaloujny est retiré de la partie, un jeu de chaises musicales s'enclencherait. «Le retrait de Zaloujny supposerait qu'un remplaçant approprié soit trouvé», décrivait l'expert militaire australien Mick Ryan sur X.
Selon lui, pour remplacer le chef des armées, il faudra du temps pour que le successeur trouve ses marques et s'imbrique dans l'échiquier militaro-politique, sachant que Zaloujny entretient des relations étroites avec les décideurs de l'Otan et des Etats-Unis. Une perte de temps et d'énergie, alors que des milliers hommes se battent, fatigués, pour repousser l'ennemi russe sur le champ de bataille.
14/ Impact 5. Perceptions of government instability. This is a danger area for Zelenskyy. There may be some, particularly in the US Congress, who could use a change in the C-in-C and the public fallout afterwards, as additional evidence for why they shouldn’t support #Ukraine. pic.twitter.com/45xLpBtq0r
— Mick Ryan, AM (@WarintheFuture) January 31, 2024
Mick Ryan pointe aussi un autre problème: si le limogeage de Zaloujny venait à être effectif, le Congrès américain pourrait revoir sa stratégie et refuser d'octroyer des budgets comme vient de le faire l'UE.
Du côté du Kremlin, on se frotte également les mains. Pour Poutine, cette guerre à l'interne entre Zelensky et Zaloujny est du pain béni; une manière de mettre à mal la confiance des troupes adverses et de faire douter les alliés de l'Ukraine, comme le souligne l'expert australien.
Le retrait de Zaloujny viendrait conforter le récit stratégique russe. Cela pourrait être une tentative de trouver un bouc émissaire concernant l'échec de la contre-offensive, ont déclaré des soldats au Wall Street Journal. Un autre soldat affirmait que «le manque d'informations officielles sur le statut du général est frustrant».
Le major Aryslav Pasternak, également interrogé par le journal américain, ne s'attend pas à de gros changement. «Peu de choses changeront, mais il n'y aura pas de meilleur élément pour le remplacer (réd: Zaloujny).»