Disons-le d’emblée: pour l’instant, “voyager dans l’espace” reste un bien grand mot. On est encore dans quelque chose qui ressemble plutôt à une vague balade qu’à un trek d'aventurier. Mais la vraie question pourrait être la suivante: pourquoi faut-il applaudir les balades extraordinaires de nos milliardaires, alors qu’on est censé réduire nos voyages sur la terre ferme?
A rich guy flew in a rocket plane. Let’s move on.
— Stephen King (@StephenKing) July 11, 2021
Dimanche dernier a été un jour historique pour le tourisme spatial: Richard Branson, le richissime Britannique, est devenu le premier milliardaire à être allé dans l’espace. Il devance son concurrent Jeff Bezos qui, lui, doit s’envoler le 20 juillet.
Fier de sa réussite, Branson avoue avoir réalisé un “rêve d’enfant” et se réjouit de donner cette possibilité à tout le monde. Oui, mais. Les enfants ont-ils tous ce rêve-là en 2021? A en lire les commentaires sur Twitter, on ne dirait pas:
I’d prefer a humanity that doesn’t have hungry kids, global warming, or underfunded schools. You can keep your seats - us non-billionaire folks don’t want or need them
— emily ryslinge (@emilyryslinge) July 12, 2021
Virgin Galactic promet un temps de vol total d'environ 90 minutes, du décollage à l'atterrissage, dont environ quatre minutes de microgravité.
Tout ça pour jouer les «wannabe» astronaute, poster une photo sur instagram et oublier le tout trois jours plus tard. La fin, parfois, ne justifie pas les moyens. Et surtout, quand on sait combien cela va coûter à l’environnement, si le tourisme spatial se développe vraiment.
Le début des opérations commerciales régulières est prévu pour 2022. 600 billets vendus à un prix compris entre 200 000 et 250 000 dollars. Le tourisme spatial semble malgré tout se développer à la vitesse de la lumière. L’agence Reuters précise que le prix par vol pourrait être revu à la baisse (on parle quand même de 40 000 dollars, c’est pas encore le prix d'un Lausanne-Vallorbe).
Une expérience incroyable? On n’en doute pas. Mais est-ce que ça vaut vraiment l’os de saloper encore un peu plus la planète pour quatre petites minutes d’extase individuelle? Nous ne sommes plus dans les années 50, nous connaissons aujourd’hui avec précision l’état de notre climat. Et il suffit d’une poignée de chiffres pour rester dubitatif: chaque vol va émettre 27,2 tonnes de CO2. Si on compte six passagers par vol, ça représente 4,5 tonnes par passager*. Pour un shoot de plaisir en apesanteur, ce sera donc deux fois le “budget” CO2 annuel d’un être humain. Il est loin le monde d’après, nan?
*Selon un rapport d’évaluation environnementale du SpaceShipTwo réalisé par Virgin Galactic.