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Grèves en France: «Les syndicats font juste leur boulot»

Grèves en France: «Les syndicats font juste leur boulot»
Le secrétaire général du syndicat CGT, Philippe Martinez. 12 octobre 2022.image: capture d'écran

Grèves en France: «Les syndicats font juste leur boulot, c'est tout»

Le politologue français Thomas Guénolé, qui a claqué la porte de La France insoumise en 2019, analyse les mouvements de grève à l'œuvre dans l'Hexagone, avec en point de mire la guerre en Ukraine.
13.10.2022, 17:0414.10.2022, 07:51
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Le gouvernement français a répondu aux grèves dans les raffineries par des réquisitions de personnels. Reconduit ce jeudi «à une très large majorité», le mouvement a pris fin cet après-midi dans une raffinerie, celle d'Esso-ExonMobil de Fos-sur-Mer, après «discussions» entre direction et syndicats. Des grèves dans la SNCF (train) et la RATP (métro parisien) sont annoncées pour mardi. Le politologue français Thomas Guénolé dit à watson ce qu'il pense de ce qu'il se passe sur le font social.

La grève en France touche les raffineries. Elle prend dans certaines centrales nucléaires d'Electricité de France (EDF) et menace dans les transports publics à la SNCF et à la RATP. Point commun des revendications: des augmentations salariales. C'est la traînée de poudre?
Thomas Guénolé:
Il faut avant toute chose bien comprendre la mécanique des mouvements de grève. Beaucoup de gens croient que ce sont les directions syndicales qui décident de lancer des grèves ou pas. Or, dans l’immense majorité des cas, les grèves naissent localement. Quand la direction nationale d’un syndicat appelle à la grève, la plupart du temps, c’est qu’il y a déjà une détermination à faire grève au niveau de la base. Les directions ont tendance à suivre ce proverbe parodique: je dois les suivre puisque je suis leur chef.

Et quand les mouvements de grève deviennent massifs?
Les grandes directions syndicales, comme la CGT ou la CFDT, s’en servent comme rapport de force avec le gouvernement. La CGT de Philippe Martinez est dans le rapport de force pur et dur, dans le but d’obtenir le maximum possible, quand la CFDT de Laurent Berger est généralement disponible tout de suite pour signer un accord. CGT et CFDT, c’est un duo méchant flic, gentil flic. Sans la CFDT, la CGT n’obtiendrait pas des concessions; sans la CGT, le rapport de force serait beaucoup trop défavorable pour la CFDT.

Des «profiteurs de guerre?»

L’expression est méchante, mais n’y a-t-il pas chez certains syndicats, comme la CGT avec ses blocages de raffineries à l’appui de revendications, un côté «profiteurs de guerre», dans le sens où il y a moyen de tirer un profit, en l’occurrence salarial, de la situation inflammable provoquée par la guerre en Ukraine?
A titre personnel, je ne comprends pas qu’on puisse reprocher à des militants syndicaux de chercher à obtenir une amélioration des conditions de travail et de la rémunération par l’introduction d’un rapport de force.

«C’est le niveau basique du syndicalisme. Ils sont juste en train de faire leur boulot»

Le rapport de force leur est plus favorable en raison du contexte international, ils essaient d’en profiter. Reprocher aux syndicats d’essayer d’avoir plus en ce moment, c’est aussi idiot que de reprocher à des multinationales de faire du profit.

Les trois secteurs en grève ou menaçant de le faire sont le pétrole, le transport ferroviaire, métro compris, et l’électricité. Des secteurs stratégiques, mais aussi protégés, car l’emploi n’y est pas menacé. Finalement, à l’exception des fonctionnaires, aucun autre secteur ne peut plus se permettre de faire grève en France, non?
Il faut savoir, car les gens ne sont pas forcément au courant, que depuis une vingtaine d’années, dans le secteur public aussi, SCNF et EDF comprises, quand vous faites grève, vous perdez des jours de salaire. Auparavant, ce n’était pas le cas. L’idée que ce soit plus facile de faire grève dans le public que dans le privé est donc vraie, au sens où vous ne risquez pas d’être licencié. En revanche, en termes d’impact sur le portemonnaie, les conséquences sont à peu près les mêmes.

«L’erreur colossale»

Qu'est-ce qui caractérise cette période de mouvements sociaux?
Toute la séquence que nous traversons, marquée par la montée des prix, la tension sur les salaires, cette ambiance générale de pénuries ressenties, nous fait nous rendre compte à quel point l’économie de la France, et j’imagine que c’est un peu pareil en Suisse, est un corps dont le sang est fait de pétrole.

«Nous payons sous forme de conséquences politiques, économiques et sociales en effet domino, le fait que nous soyons dépendants massivement du pétrole»

L’erreur colossale, à mon avis, depuis au moins un quart de siècle, c’est de n’être toujours pas sorti des énergies fossiles, alors que nous sommes dépendants des aléas du contexte international.

Faites-vous partie de ceux qui, en France, plaident pour le maintien d’une énergie nucléaire?
Oui, absolument. Pour une raison simple: je suis écologiste. Quand, avec 7 grammes d’uranium 235, on produit autant d’énergie qu’avec une tonne de charbon, mais sans aucun gaz à effet de serre, à mon avis, il faut être irrationnel pour refuser l’énergie nucléaire.

Revenons-en aux grèves. En raison même de la guerre en Ukraine, ne pensez-vous pas que les Français, dans leur majorité, sont plutôt hostiles à la grève, encore une fois, dans des secteurs où l’emploi est en principe garanti?
En France, l’opinion sur la grève est globalement indépendante de l’impact concret et réel de la grève. Ce sont des positions de principe, des systèmes de valeurs qui font que vous êtes pour ou contre la grève. Plus vous êtes de gauche, plus vous trouvez que c’est bien, même si ça vous pourrit l’existence en tant qu’usager.

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