Qui sont les Kadyrovtsy ?
Wassin Nasr: Les Kadyrovtsy sont des soldats tchétchènes qui tirent leur nom de celui du président de la Tchétchénie, Ramzan Kadyrov, à la fois l’homme fort et l’homme de main de Vladimir Poutine dans cette république caucasienne de la Fédération de Russie. Ils sont divisés en deux forces. Une force rattachée à la sécurité intérieure de Tchétchénie et une autre affectée à des opérations qu’on pourrait qualifier de spéciales.
Combien sont-ils et quand sont-ils apparus?
Je dirais plusieurs milliers (réd: les estimations tournent autour de 10 000 hommes). Trois jours avant leur départ pour l’Ukraine, on les a aperçus paradant et en prière à Grozny, capitale de la Tchétchénie, dans leurs uniformes noirs distinctifs. Ils sont apparus il y a longtemps déjà, dans les années 90. Liés aux Kadyrov, ils ont d'abord combattu dans les rangs indépendantistes tchétchènes avant de rallier le pouvoir russe sous la houlette de Akhmad Kadyrov, le père de Ramzan Kadyrov. Les liens entre l’actuel président tchétchène et Vladimir Poutine, élu pour la première fois président de la Fédération de Russie en 2000, sont très forts.
Dans quels conflits les Kadyrovtsy sont-ils déjà intervenus?
Ils sont intervenus dans la guerre de Géorgie en 2008, intégrés aux forces russes. La Russie soutenait alors deux provinces indépendantistes de Géorgie, l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie, au motif qu’y résidaient des populations ayant un passeport russe. A partir de 2014, ils ont été déployés dans le Donbass, à l’Est de l’Ukraine, en soutien aux séparatistes russes. On les retrouve en Syrie, toujours comme force russe, dans un rôle de police militaire. En tant que musulmans, ils faisaient l’interface entre les rebelles islamistes et le régime syrien de Bachar al-Assad soutenu par la Russie. Les Kadyrovtsy font pleinement partie des forces de sécurité intérieures russes, autrement dit, de l’armée russe.
Cette unité est précédée d'une réputation sanguinaire…
Déjà en Tchétchénie, les Kadyrovtsy ont fait ce qu’on appelle le sale boulot pour le compte des Russes en matant les indépendantistes.
Ils servent d’hommes de main à Kadyrov. A l’extérieur, ce sont des forces régulières russes. Ce ne sont ni des paramilitaires, ni des mercenaires.
Sur un plan militaire, est-ce une unité d’élite?
C’est ce que Poutine et Kadyrov essaient d’en faire. Pour le moment, que je sache, on ne les a pas vus encore au combat en Ukraine depuis l’invasion russe, le 24 février.
Dans quels types d’opérations pourraient-ils être engagés?
Vu leur équipement, je les vois plus dans les combats urbains à venir que dans des opérations de police. Et quand on imagine ce que pourront être ces combats, je pense que ce sont là des forces sur lesquelles Poutine voudra compter.
Sur les images parvenant d’Ukraine, on les voit avec des barbes taillées comme celles islamistes, faisant leur prière sur les bas-côtés des routes. Est-ce qu’ils se rapprochent des djihadistes?
Non, ce ne sont pas des djihadistes, ce qui ne les rend pas moins conservateurs, fanatiques ou radicaux. Mais ce ne sont pas des djihadistes, c’est-à-dire des combattants engagés dans le djihad comme ceux de l’Etat islamique. Encore une fois, ils se battent dans l’armée russe, en tant que militaires russes, avec l’insigne de Saint-Georges sur leur manche de treillis. Ils ne combattent donc pas sur les sentiers d’Allah comme les djihadistes pour un quelconque califat.