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PFAS: ces mamans ont «empoisonné» leurs enfants sans le savoir

Elisabetta Donadello raconte son combat contre les PFAS.
Elisabetta Donadello raconte son combat contre les PFAS.Image: AFP

Ces mamans ont «empoisonné» leurs enfants sans le savoir

En Italie, des milliers de mères ont ingéré des PFAS qu'elles ont ensuite transmis à leurs bébés dans l'utérus et par l'allaitement. Elles poursuivent désormais une entreprise à l'origine d'une énorme pollution. Témoignage.
15.02.2025, 12:0215.02.2025, 12:02
Ella IDE/afp
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On vous en parlait la semaine dernière: «Chaque Suisse a des PFAS dans son organisme». Aussi appelées «polluants éternels», ces substances sont notamment très présentes dans l'eau potable.

Elles s'accumulent dans l'environnement et dans nos corps et peuvent provoquer de graves problèmes de santé. En Italie, des milliers de mères poursuivent désormais une entreprise à l'origine d'une catastrophique pollution aux PFAS.

Elisabetta Donadello en fait partie. Cette dernière dit avoir «empoisonné» ses enfants. Vivant depuis son enfance à son insu sur des terres polluées du nord-est de l'Italie, elle a accumulé ces substances chimiques toxiques dans son sang, qu'elle a ensuite transmis à chaque grossesse.

Des niveaux élevés de PFAS dans le sang

La quinquagénaire et de nombreuses mères de la région ont découvert qu'elles avaient ingéré des PFAS qu'elles avaient ensuite transmis à leurs bébés dans l'utérus et par l'allaitement. Elles se sont constituées parties civiles dans un procès contre l'entreprise chimique Miteni, accusée d'être à l'origine de l'une des plus grandes catastrophes environnementales d'Europe pour avoir déversé des PFAS dans des sources d'eau desservant 350 000 personnes.

«Pendant 40 ans, j'ai mangé les légumes cultivés ici et je les ai transmis à mes enfants pendant la grossesse... en fait, j'ai empoisonné mes enfants», raconte avec amertume Elisabetta Donadello, qui vit encore dans la maison où elle a grandi.

Elisabetta Donadello a empoisonné ses enfants aux PFAS.
Elisabetta Donadello vit depuis son enfance à son insu sur des terres polluées aux PFAS.Image: AFP

Ses deux enfants, aujourd'hui âgés de 8 et 10 ans, ont des niveaux élevés de PFAS dans le sang, alors que l'exposition chronique aux PFAS, même à de faibles niveaux, a été associée à des lésions hépatiques, à un taux de cholestérol élevé, à des réactions immunitaires réduites, à un faible poids à la naissance et à plusieurs types de cancer.

Pour l'instant, ils semblent en bonne santé, mais elle se surprend à les surveiller de près pour déceler toute maladie.

«J'ai peur. Je ne réagis pas normalement lorsqu'ils ont des symptômes, même insignifiants... parce que j'ai toujours peur que cela signifie que quelque chose se passe à cause des polluants»
Elisabetta Donadello

Pas de goût, d'odeur

Quinze responsables de l'usine Miteni sont jugés à Vicence, accusés d'avoir sciemment déversé des PFAS dans un cours d'eau qui s'est ensuite déversé dans d'autres, polluant ainsi une vaste zone située entre Vicence, Vérone et Padoue.

Donadello vit à quelque 12 kilomètres de l'usine, aujourd'hui fermée, dans une maison située au-dessus d'une nappe phréatique polluée qui alimente le puits servant à arroser le jardin familial.

Donadello a cultivé toute sa vie ses propres légumes.
Donadello a cultivé ses légumes sur un sol pollué aux PFAS.Image: AFP

Elle a cessé d'utiliser le puits en 2015 et l'a confié, ainsi qu'une partie de son jardin, à des scientifiques de l'université de Padoue, afin qu'ils puissent étudier comment l'eau contenant des PFAS contamine les légumes.

«La première année, ils ont planté des salades et des tomates. L'analyse du sol et de l'eau avant, pendant et après a démontré que les légumes, s'ils sont irrigués avec de l'eau contaminée, sont eux-mêmes contaminés»

Les légumes sont désormais arrosés à l'eau de pluie, mais la famille a cessé de manger les kiwis ou de faire de la confiture de raisin avec ses vignes, car ces plantes ont des racines profondes puisant directement dans la nappe phréatique.

Selon Donadello, des PFAS ont été retrouvés même dans les œufs de ses poules élevées en plein air.

Donadello et d'autres militants accusent les autorités régionales de Vénétie de ne pas avoir informé la population, de sorte que de nombreuses familles continuent de consommer des produits contaminés.

«Les PFAS n'ont ni goût, ni couleur, ni odeur, et les légumes ont donc un goût fantastique», souligne-t-elle.

«Paradis» perdu

«Comment convaincre quelqu'un qui a mangé les choses qu'il a produites lui-même toute sa vie (...) d'arrêter de les manger? Avec des données indiscutables, énoncées clairement et avec autorité», estime Donadello.

Elisabetta Donadello
Elisabetta Donadello, 50 ans.Image: AFP

Le père de Donadello, âgé de 84 ans et passionné de jardinage, était lui-même réticent à l'idée d'arrêter d'exploiter ses terres, et il ne l'a fait que lorsqu'il a été mis face aux résultats des analyses de sang de ses petits-enfants.

«C'est terrible pour quelqu'un qui est en contact avec sa terre de penser qu'il ne peut plus l'utiliser»

L'usine Miteni a fermé ses portes en 2018, mais la terre est encore imprégnée de PFAS, qui sont rejetés dans le torrent qui coule à côté quand il pleut.

Donadello est au bord des larmes face aux champs verdoyants et aux montagnes enneigées quand elle pense à ce qui était autrefois son «paradis».

«Il est douloureux de penser que de l'eau empoisonnée coule sous mes pieds, et qu'il en sera probablement ainsi pour toujours», dit-elle. «C'était la terre de mes grands-parents, la terre de mon père. Que vais-je laisser à mes enfants?»

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