Il reste un petit mois jusqu’au premier tour des législatives françaises et l’on se demande si l’alliance à gauche ne va pas exploser d’ici là. La NUPES, pour Nouvelle union populaire écologique et sociale, un jeu de dupes! C’est le jeu de mots du moment. Distillé par des dissidents, qui prient chaque jour que Twitter fait pour que l’accord conclu la lame sous la gorge par les socialistes et les écologistes avec «Don» Mélenchon, le nouveau parrain de la gauche tricolore, finisse dans la sciure tel le sang du poulet.
Le leader de la France insoumise, troisième au premier tour de la présidentielle le 10 avril, qui aimerait tant prendre sa revanche au parlement en juin prochain, ne se laisse pas impressionner par ces mauvais coucheurs soi-disant de gauche. Il en rajoute dans les postures de grand mamamouchi. Que twitte-t-il, ce lundi, à quelques minutes de la nomination par Emmanuel Macron de son nouveau premier ministre (Elisabeth Borne)? «Grande tension avant la nomination de mon prédécesseur.»
Grande tension avant la nomination de mon prédécesseur. Sera-t-elle de droite ou bien de droite ? Personne ne veut le job. C'est un CDD de mission d'intérim. #PremierMinistre
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) May 16, 2022
Ah, l'animal! Il parle du nouveau chef du gouvernement comme de son «prédécesseur»: c’est qu’il se voit vainqueur aux législatives des 12 et 19 juin, «ce démagogue qui veut être le premier ministre de la France», tacle le magazine allemand Der Spiegel dans son dernier numéro:
Vu d’🇩🇪
— Thomas Wieder (@ThomasWieder) May 15, 2022
« Ce démagogue veut être le prochain premier ministre de la France.
D’une gauche radicale, germanophobe, anti-européen, Jean-Luc Mélenchon se présente aux législatives à la tête d’une alliance de communistes et d’écologistes »@derspiegel pic.twitter.com/GGrcA5fYew
La semaine dernière, c’est l’hebdomadaire français libéral Le Point qui décochait un demi-point Godwin contre Mélenchon en le présentant comme «L’autre Le Pen». Lequel répliquait du demi-point Godwin restant: «Mais Le Point est un tract d'extrême droite. Pas un journal». Il reste qu’il y a, comme le fait Le Point, de quoi s’interroger sur cette figure de la gauche radicale, qui nourrit des sympathies pour des régimes autocratiques, que ce soit la Chine, la Russie ou le Venezuela, et qui promet une pluie de bienfaits pour le peuple sans qu’on sache trop comment il les financera.
Il est temps de dire les choses: @JLMelenchon , l’autre Le Pen
— Etienne Gernelle (@gernelle) May 11, 2022
( ceci n’est pas un appeau à trolls insoumis ). @LePoint pic.twitter.com/I77qVZrQYD
On me craint? Tant mieux, se rengorge-t-il. Il a pour l’heure les sondages avec lui, qui placent les candidats NUPES en tête avec 29,8% des intentions de vote, devant Ensemble (la majorité présidentielle qui regroupe trois partis), 25,4%, et le Rassemblement national de Marine Le Pen, 23% – en sièges, Ensemble raflerait la mise, scrutin majoritaire oblige.
Problème: l’«envie de gauche», celle qui se manifeste dans l'immédiat en voix et qui rapportera quoi qu’il en soit des sièges à la NUPES à l’Assemblée nationale, gardera-t-elle sa dynamique? Ou se dispersera-t-elle en plein vol, après bagarre entre membres de l'équipage?
Si les aspects sociaux (hausse des salaires les plus bas, retraite à 60 ans, blocage des prix, etc.) semblent emporter l’adhésion de toutes les composantes de la Nupes, des questions sociétales pourraient l’envoyer au sol. A commencer par les suites de l’affaire Taha Bouhafs, du nom de ce journaliste et militant de 25 ans, soutenu par la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon, contraint de retirer sa candidature aux législatives après avoir été accusé de violences sexuelles dont il se défend.
Une affaire où il apparaît que la France insoumise, qui se veut le fer de lance de la lutte contre les violences faites aux femmes, aurait cherché dans un premier temps à étouffer les accusations visant Taha Bouhafs, pour ne pas porter préjudice à ce jeune homme «racisé», transformé en symbole du combat antiraciste.
Jean-Luc Mélenchon s’en est pris à Fabien Roussel, le dirigeant communiste membre de la NUPES, son adversaire à la présidentiel, lui reprochant sans le nommer de s’être joint à une «campagne raciste» visant son protégé Taha Bouhafs:
"Personnellement je reste sous le choc d'avoir vu intervenir en pleine campagne raciste un dirigeant politique de notre famille pour attaquer #TahaBouhafs" déclare #Melenchon
— Aurélien Véron (@aurelien_veron) May 15, 2022
👉🏼 quelle ambiance festive chez #NUPES 🙄 https://t.co/vPk2Z4Gg9Q
Une autre aiguille dans le pied de la NUPES est celle qui y a été mise lundi par la Ville de Grenoble. Le burkini, ce vêtement de bain «intégral» que souhaitent pouvoir porter des musulmanes à la piscine, jusque-là interdit dans les bassins municipaux grenoblois, y sera désormais autorisé.
Le maire, l’écologiste Eric Piolle, invoquant l'«égalité» et le «féminisme», était favorable à la levée de l’interdiction, validée par le conseil municipal par 29 voix contre 27. Une partie de la majorité – de gauche – reste opposée au burkini, voyant dans cet habit un objet «sexiste», vecteur de l’«islamisme». Son autorisation pourrait mettre à mal, et pas qu’à Grenoble, l’entente électorale entre insoumis et une partie de leurs associés dans la NUPES, notamment socialistes. La préfecture de l'Isère, agissant sur instructions du ministre de l'Intérieur qui estime que cette autorisation bafoue la laïcité, va recourir contre la décision du conseil municipal devant le tribunal administratif.
Est-ce un signe? A l'inverse, un exemple dénué de toute pertinence? Dimanche, lors d'une élection municipale partielle à Mantes-La-Jolie, une ville du département des Yvelines qui avait voté Mélenchon à 54,3% au premier tour de la présidentielle, mais rongée par le clientélisme local, le candidat de la NUPES a fait un piètre score, 10,7%. La victoire est revenue dès le premier tour à un candidat de droite.