Le Premier ministre des Pays-Bas Mark Rutte a présenté lundi à La Haye les excuses officielles du gouvernement pour le rôle de l'Etat néerlandais dans 250 ans d'esclavage.
Avant de dire «Je suis désolé» en anglais, en sranan (créole surinamien) et en papiamento (créole des Antilles néerlandaises).
Au même moment, plusieurs de ses ministres étaient présents dans sept anciennes colonies, au Suriname et dans les Caraïbes, pour discuter de la question avec les habitants.
Cependant, le manque d'actions concrètes de la part du gouvernement a été déploré au Suriname. «Je ne remarque pas grand-chose à propos d'actions des Pays-Bas et c'est dommage» a réagi Iwan Wijngaarde, président de la Fédération des Afro-Surinamiens à Paramaribo.
Le gouvernement a promis plusieurs événements de commémorations majeurs à partir de l'année prochaine, et annoncé un fonds de 200 millions d'euros destiné à des initiatives sociales:
Evelyn Wever-Croes, Première ministre d'Aruba, petite île des Antilles néerlandaises a salué un «tournant dans l'histoire du royaume» auprès de l'agence de presse néerlandaise ANP. Mais la volonté du gouvernement de présenter des excuses lundi, qui avait fuité dans la presse néerlandaise, suscitait depuis plusieurs semaines une vive controverse aux Pays-Bas et outre-mer.
Les organisations de commémoration de l'esclavage souhaitaient que ces excuses soient présentées le 1er juillet 2023, date marquant les 150 ans de la fin de l'esclavage. Certains demandent également des compensations.
La Première ministre de Sint Maarten, Silveria Jacobs a regretté lundi des «excuses forcées» mais invité les Pays-Bas au dialogue:
«Je pense que des excuses devraient être présentées au Suriname», a également réagi Sangita Kalloe, institutrice à Paramaribo.
L'esclavage a contribué à financer le «siècle d'or» néerlandais, période de prospérité grâce au commerce maritime aux XVIe et XVIIe siècles. Le pays a procédé à la traite d'environ 600 000 Africains, principalement vers l'Amérique du Sud et les Caraïbes.
A l'apogée de son empire colonial, les Provinces-Unies, connues aujourd'hui sous le nom de Pays-Bas, possédaient des colonies comme le Suriname, l'île caribéenne de Curaçao, l'Afrique du Sud et l'Indonésie, où la Compagnie néerlandaise des Indes orientales était basée au XVIIe siècle.
L'esclavage a formellement été aboli au Suriname et dans d'autres territoires détenus par les Néerlandais le 1er juillet 1863, mais n'a vraiment pris fin qu'en 1873 après une période de «transition» de 10 ans.
Des ministres néerlandais étaient lundi dans les îles des Caraïbes: Bonaire, Sint Maarten, Aruba, Curaçao, Saba et Saint-Eustache, et au Suriname.
Ces dernières années, les Pays-Bas ont commencé à regarder en face leur rôle dans l'esclavage. Les villes d'Amsterdam, Rotterdam, Utrecht et La Haye ont officiellement présenté leurs excuses.
Mark Rutte a longtemps émis des réserves quant à la présentation d'excuses officielles, affirmant par le passé que la période de l'esclavage était trop ancienne et que des excuses attiseraient les tensions dans un pays où l'extrême droite reste forte.
«J'avais tort», a-t-il reconnu lundi, même si selon un récent sondage à peine 38% de la population adulte était en faveur d'excuses officielles. «Des siècles d'oppression et d'exploitation affectent le présent, dans les stéréotypes racistes, la discrimination et l'inégalité sociale», a-t-il ajouté. (ats/jch)