Le banquier slovaque Ľudovít Ódor a échoué. Il n'a pas réussi, avec son gouvernement, à mettre fin à l'ascension fulgurante du leader de l'opposition, Robert Fico. En effet, Fico, décrit comme l'«ami de Poutine», est sorti de l'ombre pour redevenir un poids lourd de la politique slovaque. En fonction des résultats de l'élection de samedi, le populiste de gauche pourrait bientôt former un nouveau gouvernement sceptique vis-à-vis de l'UE.
Fico envisage un pays autoritaire et prorusse à l'image de celui de Viktor Orbán en Hongrie, dont il partage les idées en matière de politique étrangère.
Avec son parti «SMER-SD» («Direction – Social-démocratie»), le populiste Fico veut profiter de la lassitude des Slovaques à l'égard de la politique. Il y a cinq ans, cet admirateur d'Orbán avait dû démissionner de son poste de chef du gouvernement après l'assassinat du journaliste d'investigation Jan Kuciok, spécialiste de la corruption, et de sa fiancée par des tueurs de la mafia.
Des centaines de milliers de personnes étaient alors descendues dans la rue pour protester contre Fico, les magouilles et la corruption de son gouvernement. Le politicien a ensuite cédé son poste à son vice-président de l'époque, Peter Pellegrini, qui a aujourd'hui son propre parti social-démocrate «Hlas» («Voix»).
Mais depuis, celui qui a été chef du gouvernement trois fois a de nouveau gagné en popularité. Début mai, le parquet a même abandonné une procédure contre Fico pour création d'une organisation criminelle, malgré les témoignages de hauts fonctionnaires sur des contacts qu'il aurait eus avec la mafia.
La voie est donc ouverte pour que Fico devienne Premier ministre une quatrième fois. Depuis le début de l'année 2022, il a remis le SMER sur le devant de la scène en protestant contre un contrat militaire américano-slovaque. Depuis l'invasion russe de l'Ukraine il y a bientôt 20 mois, Fico s'insurge contre l'aide à l'Ukraine, ce qui est bien perçu par près de la moitié de la population.
Cette tendance s'explique par des raisons historiques: alors que l'Europe de l'Est s'était rapidement tournée vers l'intégration à l'UE et à l'Otan après la chute du communisme, la Slovaquie s'était engagée en 1993, sous la direction de Vladimir Mečiar, dans une voie particulière, nationaliste et isolationniste. C'est pourquoi le pays a rejoint l'Otan cinq ans après la Pologne et la République tchèque.
L'ex-communiste Fico soutenait Mečiar et a récupéré, avec son parti de gauche fondé en 1999, son électorat nationaliste et nostalgique du PC. En 2006, Fico est devenu pour la première fois chef de gouvernement; lors de la guerre de Géorgie de 2008, il a été le seul Premier ministre de l'UE à parler d'une «agression géorgienne». Il a certes condamné l'annexion de la Crimée par la Russie en 2014, mais s'est fortement opposé – comme son idole Orbán – aux sanctions contre la Russie.
En tant que chef du gouvernement, Fico a mis à mal l'État de droit et la liberté de la presse en Slovaquie et s'est insurgé contre une prétendue menace d'islamisation. C'est avec cette image menaçante, des slogans hostiles aux LGBT et une critique tous azimuts de «l'Occident collectif» que Fico mène également la campagne électorale actuelle.
Selon les derniers sondages, le SMER de Fico est le parti le plus fort en Slovaquie avec 18%. Mais c'est la Hlas de Peter Pellegrini, scission modérée du SMER,(13,7%) qui décidera du retour au pouvoir de cet ami de Poutine. Si, après les élections, ces deux partis s'allient aux deux partis d'extrême droite «Republika» (7,7%) et «Parti national slovaque» (SNS, 6,4%), l'Ukraine n'a plus rien de bon à attendre de la Slovaquie.
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci